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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

lundi, octobre 03, 2011

Je me suis assise à côté d'elle, et nous nous parlons.

Enfin, comme toujours, c'est surtout moi qui parle.

Je lui demande bien pardon, mais je n'aime pas cette saison.

Elle est bien d'accord, une vibration ou mon imagination m'en répond pour elle.

Je n'aime pas cette saison, mais je dois convenir que la bigarrure des bosquets, la marqueterie des tons selon les essences, l'orientation et un je ne sais quoi, est un beau spectacle, même s'il est un peu trop rituel de le dire, on a le droit de le ressentir, d'en frémir. Je lui dis la voiture entrant, longtemps il y a, dans la forêt de Collobrières, quand elle était encore en sa force, - tunnel entre les châtaigniers empourprés... et puis cette fin de jour, la marche dans une sente, baignés par un reste de lumière rousse, sur un matelas de feuilles élastiques et crissantes, dans l'odeur forte de la putréfaction, vers la chapelle dans la forêt de Vezins, le cor qui sonnait au loin, la pitié prégnante en lisant la liste des noms des femmes, enfants, vieillards tués par la colonne infernale commandée par Crouzat,... et la petite colère rétrospective d'avoir cédé à ce romantisme, en buvant un thé, « avec une goutte de rhum, oui, merci », dans le salon des parents – ces sacrés ventres à choux qui ont fait guerre pour ne pas aller faire la guerre.

Elle se tait, elle doit s'en foutre.

Je lui demande si elle souffre. Elle me montre la brisure à sa base – brisure sèche sans liquide proclamant souffrance – mais bien entendu, comme toujours, la douleur du manque de son arbre arraché, son arbre fantôme.

Les feuilles, elles, se taisent, faute du vent qui, seul, leur donne voix, mais leur recroquevillement, une certaine fadeur du brun par endroits, parlent de détresse, de dure résignation à la mort. Alors je les froisse un peu pour qu'elles bruissent, s'expriment, et leur dis adieu.

Je reste un moment, pensant à quelque chose d'autre, ne sais plus quoi, et puis je me lève, brosse mes fesses, la prend, la casse pour la faire entrer dans une poubelle.


13 commentaires:

Michel Benoit a dit…

Nous sommes de vieilles branches... !

Pierre R Chantelois a dit…

J'imagine ce beau monologue à voix basse entre sagesse et tendresse. Très beau.

joye a dit…

Très belle allégorie, brige.

D. Hasselmann a dit…

Juste un peu de musique (on oubliera les spectateurs pas encore assis), due à la chute des feuilles, qui est donc positive !

Brigetoun a dit…

merci pour l'accompagnement musical

micheline a dit…

"Objets inanimés, avez vous donc une âme qui s'attache à notre âme et la force d'aimer" ?

Lautreje a dit…

la douleur du manque...terrible !

chri a dit…

Bijou d'émotion...

Florence Trocmé a dit…

Un texte magnifique ! Et savez vous ce que me propose le truc pour valider mon message "Dolerse"... herse de la douleur, brauches et os....

Fardoise a dit…

Saison des feuilles mortes... J'aime bien les saisons de transition.

arlette a dit…

Pas juste la poubelle ...... elle aurait pu rester là encore un peu , oubliée pour lui parler encore de cette lucidité , presque de l'héroïsme de résistance face à la vie

Gérard Méry a dit…

ne pas être dure de la feuille

M agali a dit…

Superbe!