retomber dans la réalité
en réalisant ce matin que les branches suppliantes qui dépassent
depuis deux jours le mur de l'Hôtel d'Europe, face à ma porte, et
que ne voyais plus, déjà habituée à leur compagnie pendant les
mois à venir n'avaient rien de naturel en cette saison
et que le bonhomme dans
l'un des grands platanes l'autre jour ne soignait pas avec tendresse
la forme de la frondaison au printemps prochain mais intervenait en
urgence avant que la chute rousse des feuilles inondent la cour, le
tapis rouge, les tables où s’attablent devant des assiettes au
contenu raffiné pour des soupers dans la tendresse de la nuit, en
écoutant le piano égoutter ses notes.
Bataille avec des petites
tâches ordinaires qui dans mon cas, avec ma maladresse que l'âge
renforce, prennent un temps démesuré, le repassage de cinq ou six
bidules, soigneusement, rageusement, avant de les pendre si serrés
sur la tringle qu'ils en sortiront froissés, peut durer plus d'une
heure... maugréer avec résignation devant l'habitude que les objets
ont de s'échapper de mes mains, enfin pas toujours, les mystérieux
fonctionnements ou non de l'électricité…
et pour le reste
partager temps entre des tentatives suivies de retraits pour
m'intéresser aux politiques de nos jours, et une plongée, par
étapes, parce que tout les billets évoquant ce travail sur le
tiers.livre http://www.tierslivre.net
m'avait passionnée, dans le dossier de Chant
d'acier, (pourriez
en faire autant, l'ensemble étant assez copieux)
après avoir regardé le teaser du film chez Pages et Images
https://vimeo.com/161476177
(jeté aussi coup d'oeil, le soir sur les autres vidéos
http://www.pagesimages.com)
; ma fascination devant la beauté grandiose et terrible de la
fusion, la beauté horrible de la cokerie, les hommes, leur travail,
l'atelier d'écriture
Avec François Bon,
l’écrivain, faire écrire sur un monde clos, la plus grande
aciérie de France, ArcelorMittal à Fos-sur-mer. Faire écrire
aujourd’hui les ouvriers et les cadres d’une usine sidérurgique.
Pour faire apparaître un site à la fois bien réel dans ses
composants, du minerai en tas jusqu’aux bobines d’acier, et
créateur d’un lieu rêvé, celui que se réinvente chacun à
partir de son expérience. Elle est faite de micros histoires, de
fragments, de points de vue différents. Un monde vu, écouté,
respiré et raconté par ceux qui y vivent ou en ont vécu le
quotidien.
Le
dossier donc, interactif,
http://chant-acier.nouvelles-ecritures.francetv.fr
les
entretiens filmés avec François Bon des grands témoins
d'abord
les trois syndicalistes (une fois encore me réconcilier, à la base,
avec la CFDT) Serge Gearain, Richard Gasquez et leur histoire et
Jean-Louis Malys
avant
le bel ensemble constitué par les écrivains Thierry Beinstingel et
Leslie Kaplan, un dessinateur François Schulten, un philosophe
Bernard Stiegler et une architecte Maëlle Tessier
et
puis lecture (passionnée) du livret de l'atelier d'écriture mené
par François Bon en 2012-2013 à Fos avec des photos de Pierre
Bourgeois, paragraphes sans signature, suivant un texte de François
Bon
… L’aciérie, pour
moi, a d’emblée été un choc esthétique autant qu’humain.
Celle de Fos, dans la
déclinaison de tous ses noms, Sollac, Solmer, Usinor, Arcelor avant
que la vente au magnat indien Mittal en fasse une pièce parmi
d’autres d’un puzzle mondialisé, avec tous les risques que cela
comporte, je ne la connaissais que du dehors – géant émergeant
au bout des digues, avec les minéraliers attendant au large, se
détachant sur le ciel de Camargue.
Le Comité
d’établissement, alors sous la responsabilité de Richard
Gasquez et Serge Geairain, s’était toujours illustré par ses
initiatives culturelles. Les hommes qui travaillent ici sont aussi
photographes, musiciens, ils voyagent, plongent et certains mêmes
publient des romans. L’invitation pour des portraits faite à un
peintre incitait à une nouvelle exploration
: s’approprier l’écriture... (un … qui dit bien plus que cela
en fait)
Textes
donc, sans signature (mais la liste des contributeurs est donnée en
entrée), et repris, tous ou la plupart je ne sais, dans le film,
regroupés par thèmes qui suivent un ordre alphabétique
accélération, aciérie, action, alarme, ascenseur, astreinte (là
je mets une étoile pour Pas louper), avant etc.... brame
(là je me demandais vraiment ce
que c'était, en sirédurgie, ai lu, ai cueilli des sigles, des
chiffres et ce qui suivait d'inquiétant, pas sûre d'en savoir
beaucoup plus, comme lorsqu'on débarque dans une discussion entre
gens d'un métier, ou du moins d'avoir saisi la différence avec
alarme), by-pass
etc... et au détour de certains textes comme cokerie la
présence du féminin dans ce monde où on ne l'imagine pas.. etc...
et au hasard, presque, un des presque au hasard qui se présentaient
à moi (autres au hasard plus lyriques, ou individuels, ou… et cet étonnement, ce regret de n'avoir pas plutôt choisi ceci ou cela)
dégrossisseur
Écran dégrossisseur : extraction en cours.
Écran fours : les petits pavés se déplacent par saccade. Vue du
four de face, à hauteur d’homme : l’extracteur se faufile sous
la porte qui se referme lourdement derrière lui, comme une herse de
château fort. Écrans endoscopes : les brames suivantes attendent
sagement leur tour. Écran dégrossisseur : RSU OK, GO TABLE – la
brame est laminable, on n’a pas perdu l’auto. La brame rouge,
lumineuse, s’ébroue lourdement sur les rouleaux. Bruits de
martèlements en tribune B4. Jet puissant du décalamineur : la
rouille s’écoule en tourbillons noirs sur l’acier rouge. Bruit
d’eau vaporisée. La brame s’engouffre dans la presse et
disparaît. Plus de visuel, on passe aux écrans. Appel de B4 :
dégro OK, pas de refus d’engagement. Vue plongeante sur
l’ébauche qui s’éloigne. Appel de B6 : finisseur OK,
contrôle qualité OK. Aucun signe extérieur visible, du moins je
le crois. Je me sens léger, au ralenti. Je sais, je sens que pour y
arriver, tout est en moi, déjà. Rien d’autre n’entrera plus,
d’ailleurs. Donc tout y est, tout est làet
le etc.. reprend
2 commentaires:
L'acier demandait ce lyrisme, on ne pense pas souvent à ceux qui l'ont fabriqué de leurs mains presque nues.
et puis c'est somptueux, fascinant vraiment (déjà je ne résiste pas à un feu de bois dans une cheminée, alors - sourire)
Enregistrer un commentaire