Les pigeons
se montrent
dans la
tendresse du jour
le rose
effleure
Comme j'avais
commencé un billet pour mon rendez-vous du jeudi avec les Cosaques
des frontières, très différent bien entendu du beau texe d'Anna
Jouy paru mardi
https://lescosaquesdesfrontieres.com/2017/02/21/la-ou-la-vie-patiente-2-tous-les-arbres-sont-dans-larmoire/
(pas uniquement pour la qualité) mais qui portait sur une fillette,
l'ai remisé, ai cherché une idée et je me suis fixée, avant de
m'endormir, mardi sur une photo. Une idée est venue, ayant un
rapport peu évident avec cette image, pendant que somnolais au petit
matin... matinée passée, après avoir un peu vaqué et rendu visite
au bouton sous l'oeil des pigeons, à tenter de la mettre en mots, à
élaguer et à improviser une fin (étais assez perplexe)
L'ai envoyé,
ai vaqué, et
pour nourrir (un peu trop abondemment) paumée j'ai recours une fois
encore au plus ancien de mes bidules parus chez les cosaques des
frontières http://lescosaquesdesfrontieres.com
Mini-conte
animalier
Sam, dans sa prime
enfance, faisait l'admiration de la forêt, de sa famille, de ses
cousins mais aussi des oiseaux, des lièvres et même des grands
animaux. Il avait un pelage d'un brun doux et profond et la plus
belle, la plus ébouriffée des queues, avec des petits éclats de
blondeur pour lui faire un halo. Il était plus souple et plus agile
qu'aucun des écureuils de son âge et délicieusement gracieux dans
l'expression de son petit corps et de son visage aigu.
Sam était très conscient
de sa supériorité, peut-être même se l'exagérait-il, ce qui lui
permettait d'être gentiment courtois avec les autres, et puis, comme
il sentait qu'il était en lui-même la quintessence de la forêt,
son expression la plus aboutie, il était plein de curiosité envers
ce qui s'étendait autour.
Les êtres humains qu'il
voyait passer étaient le plus souvent assortis à la forêt, venus
des hameaux proches, ils considéraient la forêt comme un
prolongement, une annexe un peu plus ludique de leur village. Mais
parfois des couleurs tranchaient, des voix se faisaient plus aigües
et fortes, plus envahissantes aussi, piquées d'exclamation, des
citadins venaient en visite.
Et puis un jour il y eut
un couple, grand comme des chamois et dont les membres étaient aussi
fins – d'ordinaire les humains rencontrés par Sam lui évoquaient
plutôt des roches – couverts d'étoffes brunes ou verts sombres,
en harmonie avec la forêt mais autrement que les villageois, mais
souples et lisses, loin des velours côtelés effondrés... ils
avançaient en se tenant par la main, leurs paroles étaient rares et
leurs voix était une musique douce aux oreilles de Sam. Ils
s'allongèrent, et Sam, depuis sa branche, les dominait, veillait sur
eux, sentait qu'un miracle se produisait, qu'ils étaient pour lui.
Pour lui, différents –
Sam découvrait le snobisme – et quand ils se furent assis, que le
garçon attira à lui un grand panier qu'ils avaient posés à côté
d'eux, souleva le couvercle de cuir souple, il distingua vaguement,
sous des linges, des sachets, des objets qui brillaient discrètement.
Il descendit de trois ou quatre branches pour mieux voir, ils se
partageaient des nourritures qui lui semblèrent d'une autre essence
que ce qu'il avait vu jusque là, un vin d'un rouge sombre coula dans
des timbales d'argent – Sam ne savait pas ce qu'était l'argent
mais il aima l'éclat mat de la chose – ils souriaient et parlaient
lentement et Sam croyait les comprendre.
Il n'y tint plus. Il se
fit maladroit, laissa tomber sur la jupe de la femme un mélange de
brindilles, d'écorce, une feuille, comme arrachés dans un
rétablissement, elle leva les yeux, s'émerveilla, il dégringola,
ils se regardèrent, elle demanda ce qu'il mangeait – des noisettes
je pense dit l'homme – dommage nous.. ah mais si, et elle tendit à
Sam une noisette grillée enrobée de chocolat. Il la prit pour lui
faire plaisir, il regarda, il goûta, il trouva ça surprenant,
plutôt désagréable mais c'était gentil. Ils se regardèrent
derechef, Sam pencha un peu la tête de côté. Elle dit qu'il était
trop drôle, lui demanda s'il voulait venir avec elle et Sam
s'installa de lui-même dans le panier.
La suite, Sam, quand il
est arrivé à nous, bien plus tard, qu'il a retrouvé, épuisé, le
poil terne et ras, la queue humiliée, la forêt, les arbres et leur
peuple, il n'a jamais voulu la dire en détail. Il se remit peu à
peu, retrouva sa souplesse, sa force, une évocation de sa beauté
d'antan, il devint un de nos sages, loua notre bonheur, la simplicité
et la beauté de la nature, et laissa filtrer un peu de son histoire.
Il y avait eu un trajet
rapide de Sam immobile dans le panier posé sur des cousins dans une
grande boite de métal au brillant plus franc, moins profond que
l'argent, et le défilé rapide des arbres, il y avait eu le haut
d'un arbre derrière une vitre et une très grande pièce blanche
ponctuée de quelques meubles géométriques, il y avait eu, installé
pour Sam, dans un coin de la pièce un entrelacs métallique dressant
de fausses branches ornées de quelques chiffons verts et un hamac
(lui il l'aimait bien) garni de doux linges blancs, il y avait eu le
choix d'une porcelaine délicate, blanche et bleue, pour son bol à
noisettes garni à des heures régulières, il y avait eu
l'attendrissement admiratif, rapide comme une formalité, des amis
d'Aurélie (c'était le nom de la femme) devant la splendeur chaude
de la fourrure de Sam et sa queue, il y avait eu la remarque surprise
mais légèrement désapprobatrice d'un ami devant cette intrusion
brutale de la nature, et en conséquence l'appel fait à un créateur,
il y avait eu la coupe presque rase des poils vaporeux de sa queue et
l'engaînement de celle-ci dans un tube rigide comme un point
d'exclamation, il y avait eu ce vêtement créé pour lui dans un
matériau qui imitait le cuir, en plus raide, et Sam après s'être
regardé dans la glace avec complaisance, avait découvert combien il
devenait maladroit, gêné.
Et Sam, au bout de trois
jours surpris et émerveillé, puisqu'il avait décidé de l'être,
s'était senti profondément malheureux, jusqu'au jour où il avait
pu profiter du moment où Aurélie, après l'avoir dévêtu, le
lavait, le cajolait, pour s'évader par la fenêtre ouverte,
dégringoler avec raideur le long de l'arbre, et la longue errance
avant de nous retrouver nous et la forêt.
6 commentaires:
Merci toujours un plaisir de relire ou lire ..ta prose qui m'évade
grand merci à toi -
En parlant de nourritures (terrestres, of course), il paraît que la diète possède des vertus.
... le babil idiot que j'impose au lapin ("Mélusina") de mes filles...
étagère de pigeons (il me semble qu'on en mange de moins en moins)...
même si j'étais carnivore pas sûre que j'aimerais manger nos voyous-trainent-partout
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