n'importe quoi, tête perdue en oisiveté, et dans les odeurs de cire au miel, savon de Marseille, Argentil, feuilles de géranium et lavande sèche
Krim venait le soir sur la petite jetée, près du chantier, et il regardait la rade, et quand la nuit était là et qu'il entendait la respiration de la mer, c'était comme s'il était enfant, les pieds sur les petits cailloux entre port et plage, près des barques tirées sur le sable, là-bas, à Tamenfoust.

et les pierres derrière lui se souvenaient de tous les navires, vaisseaux, galères, porte-avions, corvettes, vedettes, avisos et autres frégates, amies ou non, mais pas barbaresques - juste un peu trop jeunes étaient les murs - qui avaient franchi les passes et qu'elles avaient regardés.

En passant sous le balcon fou, je pleurais les plantes que j'avais laissé mourir (enfin, je décidais de pleurer, mais sans que cela ne se voit, ni ne me peine), et je ne me souvenais que très vaguement de la Brigitte qui, quatre générations avant moi, installée sur une branche de mon arbre, avait régné sur grosse ferme, là-bas, aux confins du Dauphiné, et fait beaucoup trop d'enfants, comme sa belle mère - ou bien je l'inventais, peut-être, mais je ne crois pas.

- te souviens-tu des nuages que nous portions et qu'elle foulait ?

- seulement des nuages d'où nous la guettions, et où nous jouions.

- te souviens-tu de nos musiques ? de nos luths, nos trompettes et nos violons.

- de ma flûte de roseau et de nos rires.

- te souviens-tu d'elle, la reine, la vierge, la mère ?

- je me souviens d'elle la beauté, la lumière, de ses amants, de ses jeux, des guirlandes de fruits...

- Marie

- Vénus ou comme tu voudra l'appeler

- te souviens tu des roses ?

- je me souviens des roses, mais était-ce le mêmes ? Pourquoi cet imbécile m'a-t-il lié à toi ?

- je ne me souviens pas, si je l'ai su.