mercredi, octobre 10, 2012

C'était, vrais faux souvenirs - 3 – et musique


C'était, en la déplaçant légèrement pour prendre un livre, vouloir que ma main ignore que le contact de la naïade aux beaux seins ronds n'était pas comme cela aurait dû l'être celui de l'ivoire ou de la corne, ou c'était s'amuser de cette imitation presque parfaite, juste un peu ridicule, comme lorsque je l'avais offerte à mon père comme un petit gag, un aveu de mon incapacité à faire mieux, mais un tribu rendu à notre goût partagé pour les ouvrages de gaillard d'avant, les petits cuivres d’accastillage, les chansons à hisser ou virer gueulées, merveilleusement faux pour moi et les soeurs en soutien du baryton dont il était fier sans trop le dire. Souvenir partagé du sous-sol de la villa de La Pérouse, des rayons sur le mur à côté du Coq posé sur ses cales, souvenir de cette boutique lambrissée dans laquelle nous étions descendus à Nantes, de la pénombre, des odeurs de toile, de cordage et de goudron, souvenir de tout ce à quoi il n'avait renoncé que tardivement, petit signe pour l'accueillir dans sa chambre bureau, avec la carte de la rade d'Alger et ses lignes de minuscules chiffres, lorsqu'il revenait de ses promenade le long de l'écluse.
Reprise d'un paragraphe d'un convoi des glossolales http://leconvoidesglossolales.blogspot.fr/ pour continuer les vrais et faux souvenirs.

Ce jour, ce fût le plaisir d'un concert dans la belle chapelle de l'Oratoire, musique de la renaissance exécutée par Stefan Temmingh (fondateur de La Follia), flûte à bec, et Axel Wolf, jeunes, plutôt beaux, assurément musiciens de haut talent

Ai cherché, entre deux petites corvées (je les ronge lentement mais sûrement) et l'coute de ce qui se passait à l'assemblée, des renseignements basiques (grâces rendues à Wikipedia) sur les compositeurs au programme, tel qu'indiqués sur le petit livret de l'opéra :
Ortiz (de Tolède à Naples, musicien au service du duc d'Albes, maître de la chapelle royale de Naples, auteur de deux recueils publiés en 1553 et 1565)
- reccuerda tercera 3 – en ouverture – luth et flûte se répondent – douceur, chaleur et ptofondeur du luth avec une impression de résonance
- et riccerdada primera et segunda, après l'air de De Rippe – charme, raffinement, imagination
De Rippe (luthiste de François 1er) – son clair de la flûte, sans stridence, mais juste avant de perdre sa rondeur parfois. Il se penche en avant parfois en tournant légèrement, puis la flûte remonte, en cercle presque parfait.
- douce mémoire – une chanson adaptée pour le luth, rêveuse et douce
Dowland (l'un des quatre plus célèbres, même moi je connais – Angleterre, of course)
- lachrimae et gaillard to lacrimae – musique de poète, sobre et ornée avec délicatesse – le flûtiste change d'instrument d'une pièce à l'autre, et plaisir des variations de timbre, presque de nature du son. (une grande, de bois presque noir, douceur de caramel) 

Johaness Schop (allemand, 17ème siècle, violoniste et compositeur – Hambourg)
- lachrimae pavan – danse de cour -
De Selma y Salavaerde (né à Cuenca, musicien à la cour d'Innsbruck)
- canson terza a soprano solo – passages lents ou rapides, virtuosité grande et diversité, et grand plaisir –
Jacob Van Eyck (né à Utecht, aveugle, carillonneur de la cathédrale, organiste, flûtiste et compositeur)
- wat zalmen op den Avond doe – virtuosité extrême, mais joie non moins grande, la flûte et le public jubilaient

un entracte un peu long, une méditation devant les flûtes, un grand désir d'avoir une explication, de connaître leur nom... mais le musicien était dans la sacristie, ne suis pas sure qu'il parle français, et nous étions assez nombreux (une bonne partie du tout petit public) à les contempler, avec des mains qui nous démangeaient

Reviennent avec, pour le flûtiste, un instrument très clair et encore plus long que celui posé sur la chaise, pour jouer :
- greedeeves air anonyme et qui sonne connu
et puis, le luth seul pour
- une passacaglia d'Alessandro Piccinini (ne connaissais guère que le nom – italien on s'en doute – luthiste et théorbiste à cheval sur siècles) – répétition, et douce mélancolie
Marin Marais (célèbre avec ou sans Quignard)
- les folies d'Espagne – danse solennelle un temps, puis gambade
Corelli (partage avec Dowland la célébrité universelle)
- sonate n°10 en fa majeur – un prélude, des danses rythmées, une grande richesse, une musique joyeuse, une petite note triomphante de la flûte pour conclure

Après les applaudissements, nous avons eu droit à un bis, une musique charmante, un Noël si j'ai bien entendu (mais je n'ai pas compris le nom du compositeur).
Un grand plaisir, et puis comme la chapelle est assez petite et n'était pas, loin de là, pleine, une agréable impression d'intimité (mondaine)
Un retour, les basses de la musique de mes voisins (dépaysant, mais ce n'était pas très fort)
J'ai trouvé, dans l'après midi aussi, une vidéo des deux musiciens jouant Lachrimae Pavaen de Johaness Schop qui figurait au programme et que n'avais jamais entendu, comme la presque totalité des musiques écoutées

7 commentaires:

  1. Musique du soir, moins de noir.

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  2. Ivoire marin
    Dent de cachalot
    Gravé dessin
    D'un matelot.

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  3. Oui, en remontant, le cercle décrit par l'extrémité de la flûte est parfait. Vivre la musique de tout son corps. On se laisse porter et le choix est grand, le répertoire si riche de cette époque et inexploré.

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  4. chanson de Jon Ludstrom (original en Néerlandais) :

    - "Nous trimons et tirons à en crever
    Poussez les gars poussez
    Et ça pour si peu d’argent bon Dieu
    Poussez les gars poussez

    La poêle est sale et le poisson petit
    C’est parce que nous ne sommes que des malpropres

    Il y a si longtemps que nous sommes partis de chez nous
    Ce sont encore nos femmes qui nous manquent le plus

    J’ai fait un si beau rêve cette nuit
    Une sirène était dans mon lit

    Maintenant Neptune est bien fâché contre moi
    Il est jaloux et pour se venger

    Maintenant il est jaloux et pour se venger
    Il déchaîne la tempête notre bateau sombre

    Mais si nous coulons alors irai-je peut-être
    De nouveau auprès de mon adorable sirène

    Et sur le fond de l’océan
    Tu pourras alors y voir deux amoureux..."

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  5. en attendant l'air de Jacob Van Eyck était époustouflant - et puis il y a cette façon étonnante de jouer de la flûte des flûtistes hollandais de l'époque (serais pas capable de décrire, mais c'est différent et merveilleusement efficace)

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  6. J'adore l'expression "les petits cuivres d'accastillage".
    Et merci pour la musique.

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  7. Tu es si savante en musique !! ne saurais en dire autant et apprécie tes interventions
    C'est ça le partage des compréhensions !!
    Merci Merci

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