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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

vendredi, juillet 08, 2016

Avignon festival jour 2 - Adamov chez Timar, le blitztheatregroup, Angelica Liddell un peu


M'en suis allée, jambes ayant opté pour le mode lent, langoureux, freiné
- en évitant les endroits trop fréquentés, en jouissant de la lumière et de la caresse point encore trop forte du soleil, en souriant sans m'arrêter aux livres sur la place Saint Didier, en saluant un mini plot devenu tortue colorée grâce à sa parure d'affiches, en admirant le ravalement non-tueur (contrairement aux monuments publics) de mon cher Hôtel de Crillon - 
vers le Théâtre des Halles, la douceur du jardin, un café avec quelques pages de Nathalie Quintane (les années 10, livre découvert grâce à Benoît Vincent et que je recommande), avant d'assister à «tous contre tous» mis en scène par Alain Timar en coréen (avec traduction) et décorateur, assistants, costumes, acteurs coréens (Timar travaille de plus en plus avec eux)
Jean Vilar parlait en ces termes d'Arthur Adamov :"Il faut louer A. A. d'avoir mené aussi loin ses recherches, et se privant des dentelles du dialogue et de l'intrigue, d'avoir rendu à l'œuvre dramatique sa netteté… Il est, certes, un autre théâtre : celui qui emprunte aux alcools de la foi et du verbe, son efficacité. Posons donc la question : Adamov ou Claudel ? Je réponds : Adamov.»
Raison supplémentaire de rattraper le temps perdu et de représenter à nouveau au théâtre Tous contre tous, pièce créée en 1953 par Jean-Marie Serreau mais quasiment pas jouée depuis cette date ! J'aime son action, son rythme effréné, le côté «thriller», la clarté de la ligne dramatique, les jeux et les illusions du pouvoir, le tourbillon de vie et de mort dans lequel sont pris les personnages. Elle me rappelle par bien des approches La grande roue de Vaclav Havel que j'avais mis en scène il y a quelques années.J'aime les enjeux de Tous contre tous où comme l'écrit Michel Corvin : «La pièce aboutit à rejeter toute vie sociale comme oppressive et toute tentative révolutionnaire comme vouée à l'échec»
Alain Timar sur le site de son théâtre http://www.theatredeshalles.com/pieces/tous-contre-tous/ mais je n'ai pas repris la photo parce qu'elle date des représentations en Corée où le choix avait été fait de tenues individualisant les acteurs, alors que le principe plus radical, tous pantalons et tee-shirt sombres convient parfaitement au parti-pris un peu agitprop, ou coeur antique...
un plateau presque carré, blanc comme un ring, au centre fond un musicien absolument merveilleux avec tout son attirail (il mène le rythme, épouse les mots pendant quasiment toute la pièce) et la troupe qui joue le rôle de la foule du pays avec des vestes strictes, ou grâce à un manteau effiloché les réfugiés, dont l'un ou l'autre des membres endosse l'élément de costume qui fera de lui l'un des personnages. Rythme, donc, choeur, mais aussi dans chacune des scénettes les personnages retrouvent avec sobriété leur humanité.
Le chômage, les réfugiés, les jeux du pouvoir en instrumentalisant les seconds pour calmer les victimes du premier, puis en inversant la tendance, et un homme, sa femme, sa mère plus quelques autres qui se débattent avec leurs intérêts et leur amour.
Retour avec faim et jambes toujours aussi paresseuses, rapide cuisine, déjeuner lentement...
Absolument remarquable – désolée de ne pouvoir trouver, vite, les mots nécessaires.
Mots que je trouverai encore moins pour les deux spectacles in du jour (courte pause entre les deux, et maintenant une demie-heure de sommeil s'impose)
sieste finie, patate et poisson cuits pour la nuit, départ vers l'opéra pour longue attente, entrée, chercher à échanger place pour m'éloigner de l'arrivée de la clim et puis 6 A.M. How to disappear completly (grec surtitré en anglais hé oui, et français)
spectacle du blitztheatregroup (Angeliki Papoulia, Christos Passalis et Yorgos Valais)
les photos du spectacle, sauf les saluts (ça se voit!) sont de Christophe Raynaud de Laye
Au début une femme seule, pioche en main, à côté d'un chariot portant une étrange machine dit un beau poème d'Hölderlin, que je ne connaissais pas où passent les dieux de la mort, la souffrance, la douleur, mais aussi un jardin, l'amour, et puis le deuil, le bonheur dans la souffrance, l'espérance (c'est beaucoup mieux que ça) – 
un passage au noir et puis il y a des hommes en proie à la crainte de bruits étranges, de ce qui semble être des ondes, il y a des éclairs, des bruits, des tôles froissées, un puits où on jette semble-t-il des offrandes mais n'en suis pas sûre, j'étais fascinée et ne comprenant rien, des tubes, un essai de lutte, des pendus qui reviennent ensuite, des fumigènes, une musique en accord avec l'étrangeté représentée, une tour qu'ils ont construits et là une musique de bastringue pendant qu'ils la font tourner pendant que d'autres y circulent de tubes en tubes, un couple assis dans le matin, un homme hissé dans la lumière qui baigne les visages levés vers lui, etc... et pour chacune de ces séquences entrecoupées de passages au noir, une partie du poème. Et à la fin, l'annonce que le rêve est dissipé et le matin levé, et un homme devant une grande inscription en néon qui dit «enthousiasme».
C'est fascinant, beau et il est impossible d'en parler, alors recopie ce qui était sur le programme publié sur le site du festival, ce qui m'avait donné curiosité et envie
Comme une louve s'adressant à la lune, Angeliki Papoulia dit dans une pénombre vespérale les premiers vers de Ménon pleurant Diotima de Hölderlin. Se déploie alors sur scène un vaste terrain vague aux allures de friche industrielle : c'est la «zone». À partir de cette élégie et influencé par le film Stalker d'Andreï Tarkovski et par le roman Roadside Picnic d'Arkady et Boris Strougatsky, le blitztheatregroup invente avec 6 a.m. How to disappear completely une odyssée de science-fiction, poétique et théâtrale. Sept personnages en quête d'espace se réunissent, aux heures les plus sombres de la nuit, pour accomplir de mystérieuses tâches tels des ouvriers sur un chantier de construction. Et, alors que tout autour semble inquiétant, l'espace change, se transforme, s'apprivoise, augurant d'un possible ailleurs... À une époque où le langage des décisions technocratiques domine, où nous devons faire avec, sans savoir en quoi nous croyons, le blitztheatregroup tente d'articuler un nouveau manifeste de l'évasion….
applaudissements d'intensité moyenne, sortie, s'ébrouer et redescendre vers l'antre pour arroser, noter ceci, me changer, 
prendre billet et repartir vers le théâtre des Carmes pour assister aux quatre heures et demie (ou plus) d'un spectacle d'Angelica Liddell (un très fort souvenir, un texte aimé et puis une déception, avec elle c'est tout ou rien) Que garé yo con esta espada ? Que ferai-je, moi de cette épée ? Approche de la loi et du problème de la beauté, spectacle monté avec l'appui de la Communauté de Madrid mais aussi du Festival de Tokyo (d'où acteurs espagnols et japonnais) avec la certitude, d'avance, que surtout à chaud, à la fin de cette journée, vers trois heures du matin (mais sans doute aussi plus tard) je ne saurais parler.
Attente à côté des tables où les convives avaient les yeux fixés sur des écrans de télévision (et depuis le cloître nous entendrons les clameurs)
Le programme disait
tenter d'exprimer l'inexprimable. Avec une sincérité sans faille et une force explosive, la metteuse en scène madrilène s'expose pour se questionner. Et de son cri bouleversant de détresse, et de son cri si profondément humain d'espoir, elle cherche à faire triompher la loi de la poésie face à la loi de l'État. Terriblement troublée par la violence d'Issei Sagawa, japonais cannibale de sa camarade étudiante, et par celles des meurtriers des attentats de Paris de novembre 2015, elle propose avec ¿ Qué haré yo con esta espada ? (Que ferai-je, moi, de cette épée ?) un voyage entre Tokyo et Paris. Un aller-retour pour libérer dans la fiction les instincts homicides souvent enfouis dans les tréfonds de l'être humain. Avec ses compagnons de route, Hölderlin, Cioran, Mishima et Nietzsche, elle revient aux origines de la tragédie et cherche à transformer sur le plateau la violence réelle en violence mythologique. Utilisant sa force d'actrice pour dire la fragilité des désirs, dynamitant la morale bourgeoise et bien-pensante, Angélica Liddell nous amène dans des lieux où il est impossible d'être tranquille.

photos de Christophe Raynaud de Lage (en fait les jeunes femmes sont brièvement vêtues en pensionnaires légèrement - pas si légèrement d'ailleurs - précoces.. et nues, étonnament lisses malgré ce qu'elles font subir à leur corps, le reste du temps.
Mais voilà ou j'entre totalement dans ses spectacles ou une petite ironie ennuyée se déclenche en moi.. un début assez beau, un petit soupir agacé quand Angelica exhibe l'origine du monde, mais le plaisir de sa voix, de cette langue, et on dirait presque que peu importe le sens de son poème – sauf que, avec quelque emphase, ce désir d'être violée morte s'exprime assez magnifiquement.
La petite ironie (non qu'il y ait de belles choses, mais sans surprise ou presque, et un peu superficielles du moins je me permets de le trouver) s'est installée ensuite, s'est enfuie en regardant danser le plus jeune japonais, a souri à des provocations même si un peu trop signature obligée et puis à la longue malgré la force que cela désirait avoir ne ressentais pas l'ombre d'un choc, mais seulement un ennui qui devenait prenant.. un beau moment quand le plus grand japonais l'acteur psalmodie si rapidement qu'on peut à peine lire la traduction le récit de sa dégustation du corps de son amie, et puis c'est retombé.
Alors, honte à moi, mais au premier entracte, au bout d'un peu plus d'une heure et demie, ai hésité, me suis demandé ce qui pouvait suivre, mais vraiment n'avais plus la moindre envie de rentrer dans le cloître, et suis une des rares me semble-t-il à avoir décidé d'abandonner (serai plus fraîche pour les douze heures tirées de 2666 de Bolaño demain)
Etonnée et navrée pour les compagnies du off de constater le peu de monde (relativement) dans les rues et sur les places.

7 commentaires:

Marie-christine Grimard a dit…

Merci de nous entraîner à votre suite dans ce marathon, ménagez vos forces...

Brigetoun a dit…

c'est ce que, avec petite honte, j'ai fait cette nuit.. là se pose le problème de la route sans ombre en plein cana à treize heures vers les douze heures d'un spectacle que j'attends avec curiosité (me demande si vais pas céder pour taxi)

Claudine a dit…

...bon courage pour les douze heures...

Brigetoun a dit…

le problème c'est surtout l'accès (souvenir d'avoir perdu des litres d'eau sur cette demi-heure après les remparts sous le cana - enfin là maintenant il pleut.. mais devrait pas durer)

Dominique Hasselmann a dit…

"articuler un nouveau manifeste de l'évasion" : beau programme...

Mais douze heures d'affilée pour le spectacle de ce jour : n'est-ce pas dissuasif ? Enfin, c'est vous qui y allez (oui, emportez plusieurs bouteilles d'eau !)...

Brigetoun a dit…

douze heures y compris les entractes (suppose qu'il y en aura au moins un très long pour permettre au public qui le souhaie de dîner..) et le livre source (même si on n'en prend qu'une partie) est passionnant mais très très long

Godart a dit…

Copieux, attention à l'indigestion. Mais merci de nous permettre par procuration de vivre la rue et les spectacles. Très beau reportage.