Ma honte et carnet

 

M'en suis allée un peu avant treize heures dans le froid bleu éblouissant, gros chandail, pantalon dadame, bonnet enfoncé, la doudoune velue grise, masque orange anti-froid, canne, portant ma crainte de ne pas être à la hauteur de ce qu'avais prévu

vers la place des Carmes, le théâtre des Carmes Benedetto, l'assemblée générale de Rosmerta, un peu plus de deux heures denses,

le point toujours incertain sur l'avenir et sur les démarches, leurs hauts et bas, le point sur le résultat de ces quatre années, les procédures juridiques et administratives, les quatre familles ayant obtenu le droit d'asile, les six familles ayant fait l'objet d'une régularisation administrative, la famille repartie en Italie... les 158 mineurs pris en charge par Rosmerta depuis décembre 2019, 150 scolarisés et 7 inscrits mais en attente, 158 accompagnés pour démarches consulaires, 86 placés par le juge auprès de l'ase, 2 qui en fait étaient majeurs, 31 ayant reçu récépissé carte de séjour pour travail temporaire à renouveler ce qui ne permet pas embauche autrement que pour deux CDD, ni allocation logement, ni... (en passant le prix du dossier et de la carte), 5 partis avant aboutissement des démarches, et 10 anciens ayant un CDI... etc, la commission accueil qui n'en peut plus, les 91 que nous avons dû remettre su la route depuis janvier et les associations et autres un peu partout en France submergés etc... l'hommage aux fondations qui apportent soutien, la scolarisation, les sorties, les vélos etc, les actions diverses, le bilan financier etc...... la colère, le désir unanime que cela se poursuive (même si moi ne peux plus être que « bénévole honoraire » comme l'ai décidé et comme la suite l'a prouvé)

Sortie, rejoindre Rosmerta pour la fête des 4 ans (m'étais engagée pour tenir le stand nouvelles adhésions dans la première cour à partir de 17 heures et commencer à servir soupe et patates sautées dans l'autre cour à partir de 19 heures, les abandonnant au bout d'une demi-heure pour rejoindre le théâtre des halles et « mon père (pour en finir avec) » https://www.theatredeshalles.com/pieces/mon-pere-pour-en-finir-avec/ pièce écrite et mise en scène par Pierre Notte pour laquelle j'avais depuis octobre un billet.

Ai piapiaté, ai bu du bissap chaud bienvenu parce qu'il faisait vraiment très froid, ai regardé les plus jeunes et plus vaillants sautiller devant le premier groupe programmé (en fait l'ambiance était bonne mais le public relativement peu nombreux, découragé par le froid) essuyé quelques assiettes avec un torchon humide et mes mains n'ont pas aimé, hésité à partir comme conseillé, tenu un quart d'heure derrière table d'accueil de la première cour et puis cédé avec honte

et suis rentrée, laissant les autres se débrouiller et persuadée avec raison qu'arrivant dans l'antre un peu avant 18 heures 30, sentant la fatigue accumulée me tomber dessus, je n'aurai pas le courage de ressortir... honteuse devant le courage de deux petites créatures maigrichonnes, un peu plus jeunes et plus gelées que moi.

J'avais envoyé avant de déjeuner ma contribution au #37 des carnets du tiers livre, un peu à contre proposition, et pour que ce billet ait un semblant d'intérêt, je recopie mon paragraphe du 29 novembre (« la scène est muette, mais vaut son prix)

Ces remugles de tristesse vaine en moi | l'avalanche de fleurs que je n'ose photographier à mi-chemin de la rue | noyé dans la splendeur un plateau de minuscules jacinthes à venir | ne veux pas avoir de raison | prends dans ma main comme un oiseau en rêve un petit godet et sa plante | la fleuriste compose un énorme bouquet pour un client | je pose la somme exacte sur la caisse | elle prend un pochon, enfile mon bébé fleur dedans | nous nous sourions, elle revient à son client.