vendredi, décembre 08, 2023

Lumières, voix et poème

 

au crépuscule

d'hiver et à nuit tombée

lumières cueillies


et quelques réussites à mes yeux dans le décor de la ville


rentrée dans l'antre, le #7 de l'atelier de François Bon « enfances » publié, je recopies la seconde, récente celle-ci, de mes contributions au #6

ta voix

Je ne veux pas croire que j'ai perdu ta voix mais je suis incapable de la dire. Je ne peux avoir perdu ta voix puisqu'elle est en moi et que je te parle, en regardant la photo que j'ai prise de ton visage balayé d'ombre dans une pinède au versant final de ton âge mur, ou sans image, mais tu ne réponds pas et ce me fut cruel manque mitigé de tendresse résignée avant de devenir, le temps passant, maintenant que j'ai atteint ton âge un compagnonnage de nos deux renoncements apaisés à la vie bruyante. ((même quand chez moi il se masque sous un flux de mots).

Tu as toujours eu la parole rare, du moins dans notre cercle familial, nos parlions trop... et puis si souvent, pour de longues périodes tu n'étais pas là et nous n'avions d'écho de ta voix que par tes lettres adressées au groupe des enfants. Nous la reconnaissions pourtant comme un élément naturel de notre monde à chacun de tes retours. Tu étais dispensateur de plaisanteries idiotes qui faisaient notre joie d'être rituelles et répétées | et j'ai cru un temps retrouver ta voix en les répétant comme je tentais de prendre l'accent toulonnais et prononçant môve, jône, rôse, mais ça n'était pas satisfaisant.

Tu étais homme de paroles brèves dans notre cercle et peut-être les deux ou trois vidéos familiales tournées vers la fin de vos vies, dont je ne sais ce qu'elle sont devenues, contiennent elles dans le brouhaha de votre descendance ta voix lâchant quelques mots, une consigne, une interrogation. Parce que si je n'ai pas souvenance de t'avoir entendu crier de colère | au pire c'était la tournure d'une phrase qui avec précaution exprimait un reproche d'autant plus frappant | tu avais une voix forte qui portait et tu étais assez satisfait lorsque, devenu un jeune père de cinquante ans tu as complété ta retraite en devenant, loin de ta de tes mers, directeur d'une usine à Cholet, de refuser pour t'adresser à l'ensemble du personnel en 1968 le porte-voix que te passait un syndicaliste, comme si tu étais sur ta passerelle.

Mais je n'ai pas le grain de ta voix... elle t'allait simplement. Elle était ferme, avec des souplesses qui faisait de toi un conteur merveilleux quand tu nous lisais, et même le premier fils qui n'avait alors qu'un ou deux ans se taisait et t'écoutait bec ouvert, un des contes de Perrault ou quand tu racontais des histoires de mer, réelles, transformées ou inventée, toujours pleines d'images qui me faisaient rêver. Non je n'ai pas le grain de ta voix, je sais simplement que tu possédais un joli baryton inculte dont tu étais assez fier, et que nos sorties à la voile à Brégançon ou dans les îles d'Hyères, étaient assaisonnées de chansons napolitaines où elle s'étirait ou de chansons à virer, sans ornements, solidement rythmées.


Pour finir (pardon d'être trop longue) quelques vers pris dans « Perdre claire » de Camille Ruiz (Publie.net https://www.publie.net/livre/perdre-claire-camille-ruiz/)

« le premier jour de l’année

dans la chambre tandis qu’A. joue un air de guitare

le vent souffle fort et la pluie tinte contre les gouttières

il fait déjà nuit je vois mon reflet et ceux des lampes

dans la vitre une plante s’agite sur le rebord de la fenêtre

moi je n’ai rien fait aujourd’hui à part me réveiller

manger des mandarines en regardant Twin Peaks

avec quelques minutes de soleil au creux du cou »


jeudi, décembre 07, 2023

Dormi, une voix, un poème

 


Mon ange trop las

m'a voué deux angelots

préféraient jouer

m'ont laissé me rendormir

et croire en ma fatigue



matinée en fut diminuée d'un peu plus qu'une moitié, ai vaqué assez vite et fort avant de me renfoncer dans une sieste, m'étais répété que devais faire mon deuil de toute action un peu sérieuse à Rosmerta, ne suis sortie que pour le tour du pâté de maison, au crépuscule s'installant, et n'ai pas repris mon ébauche du #7 (qui sera pourtant fort court je pense) pour l'atelier d'été de François Bon.


Reprends pourtant le premier de mes deux petits textes (en fait une reprise d'un atelier d'il y a quelques années) pour le #6

Ta voix

Je cherche ta voix, je te regarde vers la fin de ta vie, en douce grand-mère sourire, mais je ne t’entends plus.
Je tente de la re-créer et c’est

ta voix qui n’était pas plate mais calme, ondoyante, qui ne gardait de la colère, de la tristesse qu’un reflet, et les rendaient ainsi plus éloquents, comme tes joies...
ta voix qui était inflexions..
ta voix qui disait ton charme, ton sourire et ouverture au monde, ce regard qui n’excluait pas la curiosité, le jugement, parfois ironique ou colère, comme les mots acérés qu’elle prononçait alors...
ta voix qui désarmait la violence éventuelle de tes phrases.
Je cherche ta voix, je n’en ai pas d’enregistrement, juste ma mémoire qui ne s’y était pas attardée, mes souvenirs à traduire
et puis cela : sa tessiture, ou cette façon de lancer les mots, tu nous les as transmises et les amis, le père quand revenait d’une longue absence, ne distinguaient pas entre toi et nous, les trois filles, en nous écoutant sans nous voir...
mais ces différences dont nous étions conscientes toutes les quatre, et qui faisaient que nous ne confondions pas... était-ce dû aux idées, aux élans plus ou moins vifs, à la présence plus ou moins affirmée ?
puisque sommes nos voix...
Je cherche ta voix à travers la mienne et les leurs, nos timbres sans aigus mais où viennent des clartés, le tien plus musical sans doute, avec, colorant et soulignant ta sincérité, une maîtrise constante et naturelle, venue peut-être de l’enfance..
et je ne te connaissais pas, - sauf en petites traces gentiment ironiques, quand tu singeais, pas si inconsciemment que cela, des voix rencontrées dans le salon, le jardin ou autour de la table de tes nombreux amis –, je ne leur connais pas, ces préciosités que j’ai découvertes chez moi avec dépit en écoutant ma voix sur un répondeur, maquillage posé par le travail, vulgarité contre laquelle j’ai lutté.
Je cherche ta voix,
et je crois l’entendre, quand je lis, avec mélange de curiosité et de cette culpabilité qui en découle, des passages de tes lettres de jeune femme à l’époux absent, une jeune femme pour laquelle me vient une amitié de petite vieille, même si j’ai tellement moins vécu que toi...
je cherche ta voix, et j’en trouve l’écho dans la ponctuation, ou son absence parfois, de tes phrases, dans la tendresse, le sourire, la malice, la gravité, la rage réprimée qu’elles expriment et cette façon de passer d’une nuance à l’autre.
Je cherche ta voix, mais ne l’ai jamais vraiment entendue, comme un son à analyser,
je cherche ta voix et ne saurais la dissocier de toi...
je ne trouve que cela : ta voix (ou nos voix, donc) sans stridence, mais claire, non pas comme une clochette mais comme l’écho d’une cloche - sans le velours sombre non plus qu’aurais aimé pour la mienne, écho d’un bourdon...
un mezzo clair, un charme.
ta voix, rivière au soleil, chatoyante.


Dans la nuit jeune, ai fouillé un peu et choisi pour le poème du jour une strophe d'Ossip Mandelstam

« La scène fantomatique luit à peine

Du choeur des ombres exténuées.

Et de l'appartement de Melpomene

Les croisées sont de soie obstruées,

Dehors la neige incandescente crisse,

Des fiacres c'est le noir campement,

Les choses et les gens, tout se hérisse,

Il gèle dur, la pierre se fend. »

traduction François Kérel

mercredi, décembre 06, 2023

Cheminements encadrant réunion – et un poème hivernal


Comme les travailleurs

m'en suis allée tôt matin

dans lumière frisante

corps serré et frissonnant dans l'air

dans l'ai piquant de l'aube


pour être à 9 heures au Centre Magnanen, sur l'arrière du Lycée Saint Joseph, pour assister un peu en coucou irresponsable mais passionné à une matinée de réunion du Collectif Etrange Vaucluse réunissant diverses associations laïques et branches du Secours Catholique et Caritas, échangeant sur les effets des modifications et durcissements en cours, une coordination des actions à tenter, réunion amicale et tendue, puis après un pique-nique et ma fraternisation avec un beau labrador quémandeur, légèrement plus de deux heures et demi avec l'assistance d'un membre d'Espace https://espace.asso.fr/ pour quelques cas particuliers et spécialement épineux et un point sur l'état de la loi immigration de Darmanin actuellement examinée en Commission à partir de l'aggravation aussi ridicule que catastrophique du Sénat (j'écoute les séances en différé partagée entre une honte lourde de ce qui se dit et une certaine fierté de faire partie des 20% | ou 26% selon d'autres | des Français (la majuscule est de trop) qui n'exigent pas l'arrêt de l'immigration et le départ de tous ceux qui sont irréguliers ou que l'on peut rendre irréguliers), des cruelles stupidités évitées, de celles qui ne le sont pas, des points non encore abordés et de l'incertitude sur ce qui sortira du passage en séance... M'en suis allée avant la fin, laissant un petit groupe préparer une lettre ouverte.


Fin d'après-midi

lumière fléchissante

posant éclats d'or

et, comme décidé, pour mon petit calendrier de l'Avent qui n'en serait pas un, j'ajoute un poème gentillet (mon goût pour les baroques, désolée)

"... Déjà, venant hérissonné

L'hiver, de froid environné

S'en va la plaisante verdure

De l'été, qui si peu nous dure

Et déjà Zéphyr mollet,

Le mignard et doux ventelet,

Craignant la fureur de Borée,

S'en est allé : Venus dorée

Et de nos chants la volupté

Ont avecque lui tout quitté ;

Et le suivent en autres places

Phoebus, les Muses et les Grâces,

Et les oisillons sautelants

Avecque lui s'en vont volants.

Nous aussi donc trousseau bagage,

Quittons la douceur du bocage,

Attendant que les printemps doux

Ici les ramène tous..."


Vauquelin de La Fresnaye

 



mardi, décembre 05, 2023

Lumières et hiver

 


Ciel gris clair ou sombre, pluie pendant le jour, vaquer, lire... et comme un peu après cinq heures le ciel se soulevait, m'en suis allée dans un air qui avait perdu un peu de sa froidure, avançant avec l'arrivée du crépuscule.


Deux sapins éclairés de bleu à l'ombre des platanes cours Jean Jaurès, ai pensé que pourrai capter un peu des éclairages de fête, mais dans le soir descendant les arcs aux piles lourdes dessinaient simplement un projet dans le ciel.


Attendaient juste le temps d'un petit tour doliprane/dentifrice à la pharmacie...


Et pendant que je cherchais chez Carrefour une salade que je puisse absorber (pas si facile) à midi demain (même si ne suis plus guère que bénévole honoraire, je tiens à assister à des réunions qui ont lieu de 9 à 17 heures environ pour écouter parler de Rosmerta et pas que) la nuit était là


et m'en suis revenue constatant qu'au moins sur ce trajet les éclairages cette année reprennent les mêmes bases que l'année dernière (sauf l'unification des guirlandes des rues,  mon quartier renonçant à sa débauche dorée, et les lanternes des deux platanes de ma place qui sont cette fois remplacés par quelques pompons or et argent dans le plus grand)


Et comme les tweets de l'Avent de Marie-Christine Grimard, comme les courtes vidéos de Laurent Peyronnet lisant chaque jour un conte me rendent aimables ces jours vers les fêtes que je redoute tant m'ont donné envie de les marquer de mon côté par un poème ou quelques vers, sans allusion à Noël mais évoquant autant que possible l'hiver ou la lumière (quelque soit la saison.. par facilité), en considérant que les premiers jours se sont perdus, et je commence par


Neige


Fenêtre écartée sur le blanc : surprise

Au saut du lit de la très lente chute

Donnant sa neige à toute chose – transparence

Et me voici en ce tourbillon d'ailes

Emporté, et la neige, et privé d'ombre

Tous deux, par les arbres nus et par

Le rebord des fenêtres et des balcons

Par mains d'enfants et de statues et par

Cela qui de ce toit se penche sur le monde

Blancheur dans la blancheur, peuple de cygnes

Caressant de leur cou de cygne l'immense et fin

Monde de plume de leur être :

Enfin se fit

Le grand soleil ; lors neige et moi nous sommes

Retombés là, mêlés

Au plus noir de la très familière noirceur.


Ahmed Abd al-Moti Hijazi (Egypte) – traduction et © Salah Stétié

lundi, décembre 04, 2023

Pas illuminations mais émerveillements

 


Honte à moi, ce dimanche était le jour le plus froid jusqu'à maintenant ici mais étions encore très loin de la neige que j'ai vue et re-vus sur Facebook, simplement ai attendu quinze heures pour sortir, cheveux secs, nettoyer la cour avant de m'allonger pour une « courte sieste » au lieu de repasser, courte sieste qui a duré un peu plus de trois heures (mon record absolu) et d'où j'ai émergé toute tiède et molle à l'heure où j'avais décidé de sortir à la rencontre des lumières de fête ou du moins des plus proches | pensais zut pour la marche dans le froid... je sens que mes jambes vont être mal entretenues cet hiver même si j'ai décidé de ramener l'heure à ¾ d'heure ou à peu près | |et ma foi cela m'a semblé nettement superfétatoire et j'a remplacé la marche par un thé et « le charme discret de la bourgeoisie » que n'avais jamais revu.


Et comme, si je n'ai pas encore pris connaissance du #7 de l'atelier deFrançois Bon, j'ai posté deux petits textes pour le #6, je meuble Paumée en recopiant ma contribution au #5 « émerveillements »

choses qui ont suscité émerveillements

La première girelle mâle, récent ou non, décrochée de la palangrotte et tenue au creux de la main et ses couleurs si belles qu'on la garde un peu sans la poser dans le seau.

L'eau qui s'écoule dans la rigole quand à l'heure prescrite on soulève la petite plaque de métal pour arroser une parcelle.

L'entêtement d'une fourmi à contourner en poussant sa charge les obstacles que l'on pose sur son chemin sous la pinède.

Le petit tableau de pétales et fleurettes disposées au sol près d'un arbrisseau-repère sous un bout de verre trouvé que l'on recouvre de terre pour garder ce secret.

Le goût de la bouchée d'anémones de mer ratatinées par le feu.

L'odeur de la peau grenue et souple de la mandarine sur les mains et le parfum qu'un morceau déchiré et posé sur la sole du four tiède répand dans la cuisine.

Le recueil des enluminures aux formes amples expressives, sans le brouillage des paysages, des Grandes Heures de Rohan offert par la grand-mère.

L'irisation délicate et lumineuse de la coquille du nautile sur une étagère dans le bureau du grand-père à Alger.

Le lac blanc emplissant la vallée, un matin de fraîcheur humide, sur lequel la terrasse au bout du jardin avance comme une proue de bateau.

La poupée à la taille mince, la poitrine ronde sur corset noir, les bras fins et raides dans une chemise blanche et les pieds de plomb ramenée de Grèce par le père.

La finesse d'un gecko desséché

La saveur d'un abricot posé pendant une ou deux heures sur le sol du balcon ensoleillé.

Le ballet coloré dans le grand aquarium qui séparait en deux la grande salle du petit bâtiment de la Société Nautique comme suspendu sous la promenade du port d'Alger.

La douceur solide des pierres et la géométrie du clocher et des galeries du cloître du Thoronet contre la lumière.

Les nervures d'une feuille à contre-jour, observée depuis l'ombre fraiche.

dimanche, décembre 03, 2023

Éblouissement hivernal

 


Pas l'éblouissement du ciel bleu posé sur la neige, à moi ne plaise qu'y ayons droit, mais ; sous un ciel qui d'ailleurs était encore opaque, ai attendu d'être encore toute attiédie par la douche pour sortir, crâne blotti sous béret enfoncé, avec jogging de laine et deux chandails, dûment lestée d'un mug de café brulant et de deux tartines de confiture de clémentines et de miel me dépêtrer de l'abondante colique des pigeons... par contre la lumière bleue rebondissait sur le macadam et les dalles de la rue Joseph Vernet quand m'en suis allée


attendre à côté du factionnaire gardant le Musée Lapidaire, après avoir été capter le dos de la tarasque de Noves parce que j'étais en avance, attendre le faux petit fils pour l'aider à affronter le froid,.


mais n'a pas voulu d'une parka par coquetterie et scrupule financier, préférant un blouson de velours doublé de fausse fourrure, un chandail que j'aurais aimé plus épais, un sous-pull et des chaussettes.. choix émaillé de plaisanteries, considérations sur l'état du monde et la cuisson du riz... étions joyeux.., j'ai peur que ce soit un peu juste mais j'aurai moins froid en pensant à lui (il est vrai que nettement plus jeune, plus fort etc...). Et sommes repartis contents vers le reste de nos journées... mais je me suis refusée à ressortir à l'orée de la nuit pour suivre la promenade/inauguration des « illuminations » de Noël, optant pour un thé et ma relecture des Paysans du Lanquedoc de Le Roy Ladurie

samedi, décembre 02, 2023

Décembre

 


Le jour se navrait

et niait la lumière

Décembre arrivait.

Dans les halles désertes

sourire et rester sage.


Un peu cafardeuse ce jour de n'être que moi, m'en suis allée payer mon loyer et emplir mon couffin avec modération, rencontrant un arbre de travers, un monstre blanc, ses frères bruns se prélassant dans la fraîcheur, des commerçants qui discutaient avec leurs amis, et m'en suis revenue.