lundi, mars 06, 2023

Confite dans l'antre, souvenir recréé

 

En réalité, à part le saignement de la jambe qui a tout l'air d'être définitivement réglé, la journée du samedi fut passablemet abominable, toux s'affirmant, tremblements (et multiplication des fautes de frappe (toujours là ce soir, je choisis d'en rire... neuf minutes pour ce qui précède), courbatures reforçant l'arthrose... tant et si bien que me réveillant très tard en petite forme, me sentant coupable d'aller à une réunion sur l'accueil des étrangers à Rosmerta comme de ne pas y aller, ai fini par me décider, même si je me sentais protégée par mes vaccins Covid et mon vaccin grippe, à regarder mon thermomètre pour me souvenir comment fonctionnait ce bidule sophistiqué, l'ai utilisé et lu 39° ce qui pour l'animal froid que je suis expliquait tout.. et il y avait la certitude que c'était pénible mais pas grave, alors j'ai salué notre bleu, la relative douceur,

me suis lavé les cheveux et me suis rencognée... ai dormi sur fond de sénat et de musique, ai espéré que cela ne durerait pas trop parce qu'avais des projets pour les jours qui viennent, me suis interdit de chercher à penser même au #8 de l'atelier voyages du tiers livre et, avant de fermer Paume le temps d'être plus intéressante, reprends le #7 (qui condense en fait, mélange plusieurs – mais pas tant que ça, malheureusement – adapte plusieurs petites virées très très anciennes aux îles d'Or)


Sous les voutes de la salle à rez de jardin, les yeux flottant avec désir de s'en abstraire sur la terre détrempée et sur les restes de neige subsistant sur les divers conifères dont j'oubliais toujours les noms, tu te souvenais d'un cabotage sur une vieille coque le long des côtes de l'Ionie ou du bateau qui attendait ton plaisir dans le port de Saint Martin et quand tu t'es retourné vers moi j'ai commencé par soupirer soi grand était mon regret de la mer de mon enfance et parce que, si les cadres de tes navigations passées n'avaient pas trop changés | à vrai dire j'avais grande crainte que ce ne soit pas le cas | j'étais certaine que mes petits paradis soient de nos jours envahis et leur quiétude malmenée.

Il y avait bien les Vauriens et les As-Méditerranée (ces dériveurs qui n'existent plus depuis longtemps, dont nous avons connu les derniers) pour les petites balades, la pêche à la palangrotte ou pour nous servir de ponton devant les plages, à l'abri des allongés, mais les petites virées d'un ou deux jours étaient assez rares pour rester comme des petits ilots de rêve, il y fallait le prêt du bateau d'un ami ou la location au Club Nautique de la Marine par mon père de l'un des deux longs et étroits quillards de construction allemande je crois, aussi beaux que peu confortables, qui me ravissaient. Ce fut sur l'un d'eux, une année, à l'orée des vacances, la première fois.

Ce fut un matin d'effervescence où celui qui s'attardait trop, tartine en main, sur le balcon, pour regarder la mer, ou monopolisait trop longuement la salle de bains déclenchait des protestations lancées par des voix enflées dans les aigus, où notre mère qui s'était sacrifiée ou avait autres projets harcelait avec douceur aussi insistante que souriante le retardataire, où on a vérifié trois fois les sacs et les couffins, sans oublier les boites de cassoulet qu'avait préconisées le père et qui sont revenues intactes, où finalement la vieille 203 a démarré saluée par un adieu maternel et un salut amical d'un ou deux amis. Ce fut la fierté de fouler le ponton de bois chargés de notre attirail, des sacs de voiles récupérés et de trois ou quatre immenses sandwichs de marin achetés à un kiosque devant la porte de l'Arsenal parce que la mer ça donne faim. Ce fut s'affairer, ranger, gréer, vérifier, calmes et appliqués sous les directives souriantes de notre père, ce furent mes yeux grimpant le long des haubans selon un petit rite personnel me reliant aux matins de pêche en Vaurien, ce fut le soin que chacun mettait à ne pas rester le dernier à l'intérieur de peur de ne jamais pouvoir en sortir à cause des « puisque tu es en bas, tu peux... ». Ce fut enfin le matelot détachant les amarres, une fille les rangeant, le frère fier de se pencher pour déborder, notre appareillage dans le toussotement du moteur, en passant en revue les bateaux les plus proches, se tordant le cou pour voir si quelqu'un nous suivait des yeux depuis le pont du Foch ou de je ne sais plus quel était le porte-avion de l'époque. Ce fut avant de passer la grande passe, hisser les voiles devant la pointe de la Piastre, regarder les voiles frémir et pénétrer dans la grande rade en chantant faux « C'est en passnt sur l'pont de Morlaix ». Ce fut évoquer avec mon père « le frère de la côte » de Conrad qu'il m'avait fait lire en voyant Escampo-Barriou, passer le Grand Ribaud, saluer l'Estagnol et la plage de la maison de pêche de Brégançon au loin en dépassant les Mèdes à l'extrémité de Porquerolles, laisser dans le sud l'île de Bagaud, la baie de La Palue, la pointe de la Galère, regarder avec horreur l'île du Levant et dans un silence émerveillé pénétrer dans la baie de Port Man, heureux de constater qu'elle n'abritait que deux autres bateaux, et mouiller à la limite des mattes et de l'herbier. Dîner dans la paix, apprécier la discrétion de la musique provenant d'une coque noire à bonne distance, baisser la voix et en sourire.

Ce fut avant le petit-déjeuner se laisser couler le long de la coque, le délice du contact de l'eau fraiche et appeler les autres à me rejoindre, partagée entre le bonheur de la beauté transparente de l'eau et la crainte en sentant l'immensité de la vie sous ma petitesse. Ce fut une matinée de rires en se faisant hisser à bord pour replonger, en jouant comme des jeunes chiots, en nous disputant juste autant que nécessaire. Ce fut le plaisir de contempler en silence, assise sur la plage avant, la beauté qui enserrait notre abri. Ce fut un après-midi de voile avant de gagner, pour la deuxième et la dernière nuit, la rade et le port de Port-Cros après le départ du dernier bateau vers la Tour Fondue, emportant les touristes du jour. Ce fut le plaisir inattendu d'entendre notre père nous inviter à dîner dans le petit restaurant. Ce fut mon premier et dernier pastis et la houle dans ma tête. Ce fut nous prendre pour des princes débonnaires en regardant la paix du port. Ce fut la nuit douce, glissée dans la couchette-cercueil, et le retour.



10 commentaires:

  1. Merveilleuse escapade aux noms familiers j'en respire presque les odeurs ..ta mémoire est fidèle

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  2. même si maintenant il'endroit est moins paisible (enfin on a interdit des mouillages pour éviter de dégrader l'herbier de ce qui esr tout de mpeme un parc national, Port Man ne s'oublie pas

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  3. Grimard Marie-Christine7:17 AM

    On espère que votre semaine sera meilleure que la précédente chère Brigitte. Un peu de repos est nécessaire.

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  4. Le "cabotage" se fait encore, pour la plupart du temps, en voiture, le lion de Bartholdi s'en rend compte.
    Madame Hidalgo n'a pas encore mis des bateaux individuels à la disposition des Parisiens : on attend avec impatience les "Cabotlib" ! ;-)

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  5. Dominique c'est pas mal Paris mais ça ne saurait remplacer Port Man surtout le Port Man à lépoque où les gros voiliers étaient encore rares

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  6. merci Marie Christine ce matin nez énergique et toux mais moins de crispations douloreuses, esprit un peu plus clair mais toujours grande envie de dormir

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  7. Ce laisser couler dans votre texte pour partager le bonheur et la beauté. Merci.

    Repos, repos, repos, le meilleur des remèdes pour combattre la fièvre et les douleurs qui l'accompagnent.

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  8. je pratique... et oui ce plaisir de se coiler le long d'une coqe simple mas si éloigné maiqle souvenir reste aussi fort

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  9. Magnifique évocation, Brigitte. On s'y croirait, ou bien c'est un écho à des souvenirs proches. Tous mes souhaits pour que le repos restaure votre santé. Claudine C

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  10. merci Claudine en fait c'est le mélange de souvenirs très anciens avec les modifications que cela entraîne mais les sensations sont intactes

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