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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mardi, juillet 01, 2025

1er de juillet - les boutiques restent normalement fermées, zut - et un nouveau fragment de Méditerranée avec ses poètes

 


Voulais pantalon et bermuda blanc mais le sort n’a pas voulu déroger pour moi à la normalité, elles sont restées fermés - me suis contentée de courses alimentaires pour continuer ma quête de formes (ce qui ne va pas sans mal et rejet) au delà du kilo cent que j’ai conquis…


Et par brides entre coups de téléphone et hébétude chaleur/douleurs comme tous ceux qui ne sont pas, les pauvres, contraints à passer outre leur désir de ne pas… au repris le tour de la Méditerranée en pénétrant comme Philippe et Alexandre de Macédoine en Grèce (même si dans leur cas c’était par la mer Egée et non en longeant les cotes de l’Adriatique) avec


GRECE


Titos Patrikios


Sifnos ou le jeu de dés

« Mes étés d’enfance

je les ai vécus entre deux cubes.

Au-dessus le cube de la maison blanche

sous mes pieds la citerne

cube invisible et plein de nuit. »


Kiki Dimoula


Choses nouées

Excursion

« La mer à Skaramangas est nouée,

compacte. Les pétroliers dégagent

une fumée noire d’immobilité.

Mettons que tu existes.


Le parcours se dilate suspendu au regard.

Un nuage sale tache les routes là-haut,

en bas l’âme pure est reportée encore.

Mettons que tu existes.


La bride du cheval restera nouée à l’arbre

Dans ma cervelle, beaucoup de pareils noeuds,

beaucoup de pareils bleus.

Mettons que tu existes.


Dans le rétroviseur se regarde

un puits à sec.

La terre ici et là fraîchement creusée.

Le même soin

pour les morts et les graines.

La terre frémit.

Mettons que tu existes… »


Katerina Anghelaki-Rooke


Hélène

« Le sens profond des rêves est l’obscurité ; leurs idées s’expriment par d’autres rêves. Décrire l’amant c’est aussi faire l’amour. Penser égale vivre une autre vie parallèle. Ezra Pound ferme très fort les yeux comme si on l’embrochait. Ses poèmes dans son silence reprennent vie, régénérés. Le monde béant sous tes pieds attend que lui dise que oui, tu l’aimes, avant qu’il t’engloutisse. Alors tu fabriques un amour pour te protéger du vaste paysage. Ménélas a vécu lui aussi le drame de la beauté, en vaincu. Dans son pantalon pourpre grossier son sexe nage comme un poisson dans des eaux polluées. Non, non, mieux vaudrait que ce soit lui qui ait fabriqué Hélène, même si ce n’était qu’un poème. »


Michalis Ganas


Fiançailles

« La nuit est descendue ; en parachute.

Le ciel s’approfondit.

Ce qui respire en la maison

tient son bon droit entre ses dents.

Dors ; c’était le serpent dans les poutres.

(Anneau glissant de l’un à l’autre doigt) »


Athina Papadaki


L’éveillée des cieux

« Je peux bien passer sans étudier la passion

violente que j’éprouve même pour les malheurs.

J’aime ce qui préserve intact le noyau de sa blessure

et m’appelle insatiablement

rien ne peut me guérir.

Mais d’où viennent mes habits

pour devenir nuages sur la terre de chez moi,

que les pas du mâle soient légers, quand par mes vertus souterraines

le vent pèse de tout le feuillage des sons depuis les rossignols vers la montagne

quand du printemps coupé en deux jaillit la camomille aux armes légères.
Chacun à sa propre taille aux Pâques des instants.

Je pose le pied ici et l’étincelle me mêne ailleurs.

Lieux inconnus sans chasseurs.

Et toutes choses alentour immorales comme la lumière.

L’éveillée des cieux, taille un mètre soixante. »


Yorgos Markpoulos


L’étranger

« Car l’étranger dans la journée ne connait pas la ville.


L’étranger la connaît le soir, quand elle dort.


Il repart au matin, l’air dur

de qui a cherché en vain.


Toi qui l’aimas un jour

quand tu le verras passer devant ta porte

donne-lui un peu de l’ancienne tendresse.


Et pense après des années

que par ta vie un jour Ulysse est passé. »


Stratis Pascalis


Première pluie

« L’automne est entré dans la maison

comme une femme qui tient

une lampe allumée.


(Dehors il commence à pleuvoir)


Timide elle pose la lumière sur la table

et sort sans bruit, paysanne

sentant le thym et l’olivier mouillé. »


Thanassis Hatzopoulos


Tombeaux voûtés

(les ancêtres)

« Ils dorment dans des lits hors de portée du sommeil

Droits comme des prières ou comme

Une fumée d’encens dans la crise d’un calme plat

Dénudés de tout regard de toute peur

Âpres de corps désarmés de l’âme.


Morts que nul n’est venu

Recouvrir et qui rêvent d’un peu de terre, aveugles

Dans des chambres nues de lumière et sans chemin

Sous leurs ongles l’écho se tord

Sur le marbre d’un banc ils endorment

De leur mère le mort sans sépulture


Une Antigone que le poids mûrit

Veille la dépouille et le catafalque

Et chez le mort sans tombe traque la lumière


Des hommes dans l’entrée gardent la pénombre

Et cette folle attente, qui jamais

N’a été n’a voulu être deuil »


CHYPRE


Michalis Pieris


En passant par Thessalonique

« Ce n’était pas un rêve, je me retrouvais dans la ville

qui m’avais gardé dans ses entrailles

dix ans. Dans la ville qui avait rongé

mon meilleur corps. Je marchais

lentement sur le quai, et la nuit

je montais vers les remparts. J’étais là

de nouveau, j’avançais transparent

comme une vapeur, là où j’avais gâché

mes années de faiblesse, où dénué

de toute force et de tout pouvoir

Je m’étais livré à la volupté.

La volupté d’une ville pareille. »


Mehmet Yashin


Coeurlangue de ma tante préservée par la mort

« On a ouvert le coffret de glace où elle nous attendait

j’ai soulevé le drap blanc, j’ai touchée ses cheveux et

— dans cette morgue où pour la première fois j’ai éprouvé que nous avions une famille —

j’ai embrassé pour la dernière fois ma petite tante

près des cadavres des soldats dont on dissimulait la suicide. »


TURQUIE


Gulten Akin


Le voyage d’hiver

« Surgissant sans prévenir devant moi dans un jardin enneigé

Cette fleur d’un bleu tempête dont j’ignore le nom

Il suffit de me pencher pour qu’elle réapparaisse


Allongée de tout mon long sur la steppe

Dans le bleu du ciel

Le monde, lui et moi, nous deux

Nous sommes très jeunes encore, plus jeunes

Notre sourire

A un goût d’école buissonnière


Est-ce le retour, un rêve pu avons-nous vieilli

Cette fleur bleu tempête placée entre nous

Nous deux le monde et moi

Nous cessons de revenir »


Ozdemir Ince


« Ne m’aviez-vous pas demandé où je me trouvais —

ne me demandez pas avec autant d’acharnement

désormais je ne serai pas moi pour moi

peut-être serai-je à nouveau moi pour moi.


J’y vais, j’y suis allé, je suis en train d’y aller, peut-être irai-je. »


Hilmi Yavuz


Les exils de l’orient

« le soir est la plus belle des histoires

          s’il est bien raconté


dans tout ce qui est vrai il y a un peu

de colère un peu d’épouvante

dit une fable

si le verre est fin plus fin est le vin

la vie, de la souffrance au rouge

la mort, de la tristesse au blanc

et s’il vient une rose

elle vient de cette séparation de routes

          absolument et en tout cas


l’exil que nous avons fondé de nos propres mains

il n’y a pas de bannissement plus dur

que nous vivions ou non

décret pour l’espoir et pour l’automne

daté de l’ère impériale de la rose

quoi que nous ayons aimé depuis aujourd’hui

et quoi qu’il soit resté d’hier

qu’il transforme la souffrance en rubis

qu’il transforme la tristesse en diamant


parce que le soir est la plus belle des histoires

          s’il est bien raconté »


Enis Batur


« C’est mon pays bien-aimé, la guerre dans mon sombre destin

Elle attendait, mon Dieu que cette guerre forcée était dure


J’ai espéré passer mon temps dans votre chambre, votre bois

Qui aurait dit que j’aurais eu froid cette guerre soudaine nous torture


Je sais la patience et la guerre sont des pierres de touche dit-on

Guerre et patience sont-elles des remèdes au feu de mon coeur pur


Quand je prend la route ne nait nul plaisir de mon âme ni joie.

Ton corps ne quittera ma m mémoire la guerre ne sera pas blessure


Sans votre corps ni son ombre à mes côtés longue est ma route

La présence de votre corps et de votre ombre la guerre n’en a cure


J’avais tout de même empoigné la terre que votre pied avait foulée

Si seulement je pouvais comprendre pourquoi cette guerre est ma nature


Venez vous retrouver sur le chemin d’Enis afin que soient occupés ses jours de route

C’est mon pays bien-aimé adjoignez-le moi afin que finisse cette aventure »


Bejan Matur


Au Nord

« Le glacier fond.

Je me sens me fissurer, éclats heurtés par de gris rochers.

Ils se maintiennent avec harmonie dans la mer de l’existence.

Chacun à la striure de la lumière, s’effondrant ainsi.

Il n’y a pas de géométrie dans la perception de l’existence .

Il n’y en a plus.

Tout est dans la recherche de sa compétence.

Tu es un soleil froid. Un soleil froid du nord, dans la solitude des monts baignés de brume.


Le glacier fond.

Au fur et à mesure que corps se rétracte, je prends ton sourire pour de l’amour.

Dans le nord, dans le climat pénible des toundras, les yeux ensanglantés d’un animal blessé.

Qui tournent. »


SYRIE


Chawqi Baghdadi


Il est certaines choses

« Je ne cherche pas à percer les secrets

Si j’entre dans la caverne surveillée

et franchis des murs

je ne cède à l’opium

ni ne m’abandonne aux rêves des marchands…

Je sais…

Il est des portes verrouillées

des coursiers à l’inflexible croupe

des galaxies refusant le retour

des femmes ignorantes de l’amour

des hommes au sourire creux

Ce que je cherche…

Je ne sais

Il est certaines choses…

Pain cuit à point

amour très pur

Certaines choses qui adviennent…

Partage entre les enfants

sincérité dite avant la mort

fleur sauvage

pointant dans la fange d’une tranchée

et donnant vaillance au combattant

histoire d’amour

née dans l’effroi

et survivant aux armes

Certaines choses qui adviennent…

Si ma main pouvait s’étendre

ne point sombrer dans l’abîme

je saisirais un appui

moi qui vacille sur l’étroite passerelle

poussé

dépassé

piétiné par un cheval

rejeté par une femme

quand un soir

je lui vouai

corps et folie

Il est des échos

qui ne peuvent grandir

sans voix pour les animer

dans tant de bruit

flûte unique

langage secret

coeur se souvenant

Il est certaines choses qui adviennent

que révèle ce monde

que nous empoignons

ne lâchons

choyons faisons croître

et offrons

ailleurs »


Adonis


L’égaré

« Ce qui fut entre nous n’était pas distance

   L’arbre de l’amour est poussière

   Et la nuit, vaisseau portant mes pas et le désert.


Ce qui fut entre nous n’était distance

   L’heure était nue

   Ma mort, vêtement.


L’héritier des sables

Porte la Pierre noire comme son pain

Il porte le soleil ; une ombre, une eau. »


Nazih Abou Fach


Ô temps étroit… Ô vaste terre

«… Ni assassin

ni saint

tu ne peux vivre

ne peux mourir


Au commencement Dieu créa l’homme

   le cou pour les virevoltes du regard

   la bouche pour le baiser

   le coeur pour le battement

   les ongles pour les patouilles

   les dents pour le sourire

   les bras pour l’étreinte

       et le corps pour l’amour

   les yeux pour la fleur

   et la feuille de papier

      pour l’écriture

A la fin Dieu créa l’homme

   le cou pour la lame

   le coeur pour la balle de fusil

   les bras pour la hache

   le corps pour la bombe

   les dents pour le marteau

   les ongles pour les pinces

   les yeux pour les clous

   et la feuille de papier

      pour le feu


Ô homme surprenant… pourquoi ce corps !


LIBAN


Salah Sétié


Embrasures

Alep, pour l’adieu

« Pour toi

par-delà tout passe qui commence

et l’aventure est déjà dans tes rues


par-delà la distance qui figure

une fille que sa beauté rend folle

pleine de miroirs et de bras


par-delà l'aube  vierge et mère

et les feuilles


par-delà les ombres de midi

qui rendent le jour orphelin


par-delà les cercles dans l’eau

d’une larme lentement détachée


par-delà les saules violets

pleins d’intimités de colombes


par-delà les biches de la pluie

par-delà le bleu du ciel bleu


pour toi

rien que des bouches de poésie

rien que des formes du vent »


Ounsi al-Haje


L’irradiante

« Celle qui ressemble à un soir de guerre

Celle qui irradie

Celle qui s’infiltre dans son ombre

Celle qui retourne boire dans sa cage comme l’oiseau

Celle qui pose les énigmes

Et qui fait don d’une de ses mains

Celle qui descend

Et qui court dans son sommeil

Quand la foudre est paralysée. »


Vénus Khoury-Ghata


Les obscurcis

« … Nous étions sept par temps de véhémence et de promiscuité

Cinq enfants et deux platanes aux bras raccourcis

La première neige tombant du front de la mère

mouillait son corsage plein à craquer de noix creuses et de cris

La mère portait son chagrin sur sa paume et soufflait dessus


Elle profitait de notre sommeil pour déplacer la montagne face à la fenêtre

Nous offrait un peu de planète et de dépaysement

Déplaçait la montagne mais pas le vent

La mère ne connaissait pas le nom du vent ni sa consistance

Ses mains vouées à la fourche à la pelle creusant sans cesse le même sillon

de sa gorge à la clôture du champ

Ses mains ne lui appartenaient pas lorsqu’elle trainait la tempête par le licou

l’attachait à l’ombre du cheval debout sur son hennissement. »


Abas Beydoun


« Nous avons passé une nuit, plongés dans un courant de parfums marins, et une autre nuit auprès des cyprès et des amphores de pins, sous le feuillage des safranières, là où s’étendent les prairies de la mer. Puis, nous nous sommes abreuvés du sang du coeur de l’aube et de celui de la nuit. Nos yeux se sont embués, tandis que nous étions sous les eaux vertes. Nous sommes sortis, étincelants, de l’oeuf de la Pâque marine et de l’argent des poissons. Le sable était sur nous autant d’étoiles ; nos peaux bruissaient telles des feuilles d’or et, sous l’eau de nos âmes, nous fûmes sable prisonnier. L’eau envahit nos feuillages et d’écailles et de nacre nous fûmes recouverts. Nous sommes entrés au creux de la mer, au milieu de ses multiples fils et sous l’enveloppe de notre coeur ; et sur les prairies de nos veillées, battait la mer… »


Issa Maklouf


« Ce que je raconte aujourd’hui 

Ce sont les histoires que j’aurais espéré entendre

Ce que je raconte n’est qu’une part de ce que je n’ai pas vu

Si j’avais vu, je n’aurais pas raconté. »


ISRAËL  


Avrom Sutzkever


Paysage de fin de nuit

« La lune chevauche un chameau de granit bossu.

Ecoute :

Des frémissements traversent la terre

Comme des nuées

Un éclair aux cornes violettes

Plonge dans la mer, allumant

La courbure d’une vague

Mais la lune méfiante regarde

Comme un vieux fossoyeur qui voit un nouveau-né »


Nathan Zach


Veuve

« J’ai acheté un parfum turc

Don du ciel il s’appelle

je l’ai mis au lobe de mes oreilles

pour trouver grâce aux yeux des hommes.


Aux yeux des hommes pas de parfum,

leurs yeux sexe rasé

le musc n’attire personne

mes seins attirent les hommes.


Moi aussi, je suis lasse des parfums,

me maquille quand ça me prend,

me coiffe par habitude,

mets du rouge à lèvres, à joues, déjà démodé.


Quand je viendrai vers toi le Sabbat

je t’apporterai un gâteau.

Je ne l’ai pas fait,

aussi ne garantis rien.


Tu m’ouvriras la porte

tu apprécieras le parfum

me regarderas au fond des yeux

caresseras mes cheveux

sur un tapis persan.


Viens alors entre mes seins,

Mon coeur déborde d’astres vieillis,

Mais ne viens pas trop vite,

nous devons encore attendre. »


Israël Eliraz


Tu dors Orient

« 1 - à l’heure qu’il est, ici, le champ

est l’abysse du ciel.


sur les branches bruissent

des anges qui attisent le feu.


un vent vient balayer

l’oeil, la poussière.


révélant ce qui se cache

au-dedans du visible.


Et si cela n’est pas une

montagne c’est un dieu.


et un homme crie vers les montagnes

Tu dors, Orient »


Nurith Zarchi

« Arahimon le terrible

Vient joue avec moi ma couche

Et toute son abrahamité s’est détachée de moi

Comme les lys du b, ton de la tige

son ventre était doux comme maman

Nous étions mon Loth moi et lui à son niveau des frères

Et j’ai découpé pour lui dans le ciel

Les noms de tous les animaux des pensées —

Mais dans le ventre on m’a coupée

La voix d’Abraham Abrahoum de lui

Et il s’est approché m’a appelée ma mort

Abraham mon frère étreins-moi

Avec toi et ne peut s’arpenter en moi

Sa paume de l’odeur du champ sur mon sein

Toute la nuit quand je l’ai longé

Toute la nuit. »


Ronny Someck


Première leçon du cours sur la poésie exacte

Selon La Mendiante de Naples de Max Jacob

« Tu vois », dit-il, le moustachu ? »

« Il y a trois moustachus », je réponds.

«Le moustachu », continue-t-il, « avec l’oeil chinois ? »

« Les trois sont moustachus avec l’oeil chinois », je précise.

« Le moustachu », insiste-t-il, « avec l’oeil chinois et une cicatrice 

au-dessus du sourcil.»

Alors il sortit un revolver, tira sur celui de droite et sur celui du milieu,

et montra celui de gauche

«en disant :

« Celui-là, je meurs d’envie de le tuer. »


Demain, chers élèves, dans le cours sur la poésie d’amour, on va étudier comment transformer le coeur

En criminel traqué. »


Haviva Pedaya


Un homme s’en va

« Un homme va

De Damas à Paris

A-t-il franchi un tunnel découpé dans l’air

Comment le savoir

J’ai vu soudain que l’Orient migrait 

Qu’une colonne médiane ne peut que trembler

Je suis allée de Jérusalem à Beer-Sheva séparées par tant d’années

Je n’ai pas fabriqué d’ustensiles pour l’exil

Comme Ezéchiel couché sur le côté

dans son lit de Babylone

365 jours

Et sa bien-aimée, morte, et Sion en exil

Abraham est allé de Beer-Sheva au Moriah

Trois jours de marche

liant et détachant son fils dans sa pensée

Trois jours d’égorgements et de pleurs

Nous sommes toujours attachés nous dénouons encore

Qui sont ceux qui égorgent et rient

Voilà que tous s’en vont

Certains nous ont devancés et sont déjà partis pour la ville des morts

Y allons-nous aussi

Alors que je veux être extraite des tombeaux

Voilà

Jusques à quand n’y aura-t-il rien

En lui et suffoque

Un homme qui monte

Sous l’effet des larmes de la vodka

Je ne saurais le dire

En ira-t-il toujours ainsi en Orient

Soit le vent soit la terre

En attendant je préfère demeurer dans le mot

Il n’existe pas d’autre maison

Je doute qu’il y en ait jamais eu

Dans mon hébraïté ma cécité mon arabité

Car c’est une musique qui ne chante que d’elle-même

Mes lèvres remuent

Mais ma voix est inaudible

Car c’est la langue dans laquelle les grands ont maudit et aimé

Dont j’ai été chassée pour être rachetée Hébreu parle hébreu

Maintenant l’Orient crie aussi. »


PALESTINE


Taha Mohammed Ali


Quarante ans après la destruction d’un village

« Le passé sommeille à côté de moi

Comme le tintement

Près (auprès ?) de sa grid-mère la cloche

L’amertume me poursuit

Comme les poussins poursuivent

Leur mère la poule

Et l’horizon…

Cette paupière fermée

Sur le sable et le sang

Que t’a-t-il laissé ?

Et quelle promesse t’a-t-il faite ? »


Walid Khaznadar


Absence

« Sa chambre vide

Un siège de cuir noir à droite

Un siège de cuir noir à gauche

Un tricot vert et noir, fatigué, éperdu d’amour

Posé sur le rebord en marbre de la fenêtre


Rien : sa chambre vide

Pas de vent, pas le moindre bruit

Les violettes se réfugient dans le mur

Et derrière la votre les nuages

S’enfoncent dans l’azur impénétrable


Soudain…

Un bruit étouffé et doux, dans le corridor

Soudain…

Son absence ardente et profonde

Emplit la chambre. »


Ghassam Zaqtan


Plus loin que cela

« J’ai besoin de voir la terre

de reprendre la lecture à la sagesse des récitants

de penser comme l’aigle

J’ai besoin de voir la terre, intégrale

de restituer le chant à la poésie

d’appeler les montagnes étrangères : ô mes soeurs

de soustraire le coeur au cadavre des souhaits

au miel lourd des prophètes


Peut-être reste-t-il sur les hauteurs des montagnes

d’autres lilas que tes yeux

un autre fil d’argent que ta voix

Peut-être reste-t-il

dans un lieu superbe purifié par les péchés

un appel qui n’a pas été lancé

un métal qui n’a pas été palpé

un désir qui n’a pas abouti


Ô mon aimée que je ne peux nommer autrement que mon aimée

la fleur de l’âge risque de s’enflammer dans ma main

alors je t’en prie

je t’en prie

séparons-nous »


4 commentaires:

Miche a dit…

Merci ...

Brigetoun a dit…

merci à vous Miche

Dominique Hasselmann a dit…

Troisième photo : fait partie des multiples expos de Jean-Michel Othoniel en Avignon ? :-)

Brigetoun a dit…

oui, ne les ai, pas encore vues (pas mal de retard dans les tâches domestiques, tris, dons etc...) mais j'ai profité de celle installée dans la cour d'entré de Clavet (avec un gros plan décentré parce que ça me plaisait ; sourire)