vendredi, juillet 28, 2023

Festival – jour 23 – un peu de marche et les dramaticules de Beckett


Belle journée, départ au premier bruit de perceuse, quelques courses dans le festival qui se meurt doucement et un retour en oubliant une parti de ce que voulais...


M'en aller à quinze heures trente vers un théâtre très proche dont j'ignorais l'existence en voulant faire minuscule détour pour allonger trajet, partir sans chapeau (trente deux degrés seulement nous sommes entré dans un temps où je juge que point n'en ai besoin... Pas si chaud en effet, mais les rayons qui frappent le sol le crâne en rebondissent...retraverser le rempart pour trouver même force implacablement dardée sur la petite rue sans ombre à cette heure, se délecter de la beauté dure et la laisser me pénétrer et me calciner lentement et discrètement


arriver au théâtre, un de ces lieux éphémères comme il y en a tant dans la ville (et intérieurement l'état de la salle dit que n'est pas si récent que ça) m'installer dans la courte ombre de la grande tour trouée qui lui fait face pendant une dizaine de minutes, avant d'accéder à l'intérieur, de descendre vers le premier rang dans le noir face à un visage immobile qui évoque les mots qu'il ne prononce pas et dont je mets quelques minutes à réaliser que ce sont ceux de Beckett, de « Cette fois » dont je viens de lire un fragment sur le site des Editions de Minuit

un visage pas moins qui te fait pivoter sur la dalle pour voir qui c’est là à tes côtés sur la pierre au soleil fixant les blés ou le ciel ou les yeux fermés rien à voir à perte de vue que blés blondissants et ciel d’azur de temps en temps vous jurant amour à peine un murmure des larmes assurées avant qu’elles tarissent pour de bon soudain là au milieu des pensées qui te trottaient des scènes quelles qu’elles fussent peut-être au fin fond de l’enfance ou le ventre maternel pire que tout ou ce vieux Chinois bien avant Jésus-Christ né avec de longs cheveux blancs...

écouter fascinée le ou les voix qui disent ce magnifique texte en regardant sa vie sur ce visage...

Commençait ainsi la représentation par la Compagnie la Machine à fumée de « Catastrophe et autres dramaticules »

Loin des idées reçues habituelles qui le qualifient d'absurde ou de désespéré, le théâtre de Beckett tâche au contraire de décrire le monde avec humour et justesse, seulement il ne parle que de l'essentiel : être au monde. Tâcher d'exister. D'histoires, il ne s'encombre pas. De tempéraments, il n'a cure. Il se contente de mettre ses personnages au monde : c'est le monde lui-même qui est absurde. Les pièces courtes ici présentées, Catastrophe, Cette fois, Fragment de théâtre I, Actes sans paroles I et II, il les nommait lui-même des dramaticules. Nulle part ailleurs que dans ces courtes pièces, si peu portées à la scène pourtant, la pensée de Beckett ne s'est faite aussi claire, aussi acérée. Chacune d'elle est un monde en quinze minutes

modifiant simplement l'ordre des courts textes puisque cela débutait donc sur le texte le plus compact « Cette fois » pour le faire suivre d' « actes sans paroles  I » et le suicide impossible, « fragment de théâtre » au dialogue beckettien au possible, « actes sans paroles II » où j'avais l'impression que la poussière abondante et secouée m'envahissait me mettant en accord avec leur monde défait et enfin « Catastrophe » et la transformation d'un humain en un symbole parfait d'une catastrophe...


Retour par l'intérieur et la sensation en pénétrant dans l'antre de porter le soleil en moi (douche, allongée un moment avec musique).

6 commentaires:

  1. Beckett : et tout est dit avec force et simplicité... ;-)

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  2. même pour les dramaticules sans paroles

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  3. les mains aussi (et le reste)

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  4. Ainsi allant ...plaisir réussi des mots et des rencontres en oublier la vrille de la perceuse et celle des rayons ardents
    Cœur transpercé mais heureux

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  5. quoique la vision de Beckett sur le monde peut souligner l'absurde plutôt que d'éveiller le bonheur

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