Après le ciel pesant du matin sur ma fatigue dans la cour, après l'ondée de la mi-journée, m'en suis allée à contre carcasse, suçant énergiquement un caramel, les yeux sur les variations infinies de notre ciel d'automne, savourant la chaleur du chandail et de l'imperméable, vers un peu plus de deux heures d'apprentissage de trucs pour apprendre écriture et lecture aux primo-arrivants et analphabètes (nettement moins passionnants que les explications du linguiste sur les différences entre les langues faisant obstacle à l'apprentissage du FLE (français langue étrangère.. faut pourtant que j'enregistre les gestes Borel-Maisonny et me familiarise avec eux... le cas échéant, BF ayant très nettement dépassé ce stade)
Au dessus de mon retour (curieusement moins las) le ciel avait choisi de se noyer dans le noir.
Et pour nourrir Paumée je reprends un long passage du dernier des microgrammes de Robert Walser lu avant de m'endormir lundi soir
« … Pendant quelque temps, il penserait à moi. Ce serait une joie pour lui, mais qui bientôt pourtant l'abandonnerait. Ma façon de m'éloigner de la vie ferait grandir en lui une espèce de richesse de sentiments que les jours qu'il aurait à franchir se chargeraient bientôt de lui reprendre. Il n'aurait pas le loisir de penser longtemps à moi. A la rigueur, il écrirait quelques précieuses maximes sur mes pérégrinations terrestres, qu'il se plairait à nommer mes pèlerinages terrestres, car il aimerait à s'exprimer avec recherche, à métamorphoser d'inflexibles vessies en lanternes compatissantes. Comme un bienheureux, il engloutirait en un clin d'oeil un beefsteak ou une escalope et siroterait son verre de vin avec une délicatesse qui le comblerait d'aise, mais il lui faudrait ensuite reprendre sa lecture de livres dont les auteurs ont rendu l'âme depuis longtemps. La mémoire est une chose très amusante, mais si ses souvenirs de moi venaient à s'effacer, il se considèrerait à ses propres yeux comme un joueur qui a perdu une somme d'argent au jeu, et je sais que bientôt, il ne prononcerait plus un seul mot à mon sujet, l'idée évidente et singulière lui ayant passé par la tête que lui non plus n'était pas éternel, mais appelé selon toute vraisemblance, à subir le même sort que moi... »
merci pour cet extrait
RépondreSupprimervous m'aviez donné envie de lire, et j'en est commandé un exemplaire, je l'attends... je me dis que j'ai bien fait...merci
il est totalement délirant non sans délice parfois
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