vendredi, août 09, 2024

82 ans d’écart

 



Matin départ au moment où la chaleur entreprenait d’échanger la chaleur de la nuit pour la chaleur du jour, dans faible brise qui, sans ébranler mon chapeau, me faisait joues fraiches ou presque,




Avec besoin de poison et désir de poisson vrai (même si finalement ce furent des filets de rouget parce que cossarde suis et qu’ils étaient juste tels que le voulais) et de quelques légumes pour soudure.

Mais au surplus mes intentions de ménage et surtout de tentative de continuer l’atelier d’été abandonné en roue et de tenter de revenir peu à peu sur mes contributions passées pour leur inventer un lien (là j’avais besoin  de faire d’une vague bonté un désir) se sont évaporées dans un mal être un peu moins grand mais un à quoi bon virulent…

Alors reprends mon prologue pour revenir à un temps où ma volonté était inconsciente mais acharnée



lent puis accéléré, pour trop d’années

Fus conçue. Me suis accrochée, suis née, ils ont souri de fierté et bonheur, ne m’en suis pas souciée, apprenais à respirer et à ne plus pédaler dans le liquide.

Ai senti que j’avais une peau et qu’elle était touchée. Ai senti autre peau, l’ai respirée, elle était chaude et douce, ai aimé être posée contre elle, m’y blottir, elle n’était pas moi ou n’était plus moi mais elle était pour moi.

Ai entendu des sons distincts de mon univers, n’étais plus dans le son, mais il était là. Ai entendu l’absence de son. Ai découvert le silence. L’ai brisé par du son qui venait de moi. Ai entendu une voix qui était musique, ai senti qu’elle entrait en moi pour faire sourire mon ventre. 

Ai respiré, respire, ne le sais pas mais parfois suis gênée un peu un instant pour le faire par un drap un petit bout de tissu blanc qu’on pose sur ma peau, proteste en pleurant sans savoir pourquoi, deviens rouge de fureur, m’élargit, ma poitrine se dilate, deviens cri, souri quand ça finit, tète l’air, un bruit doux sort.

Il y a eu la lumière qui entrait en moi et puis du flou, il y a des images, des choses que ne peux toucher et quand elles deviennent proches ne les vois plus, juste une lumière rose ; j’apprends qu’il y a des visages et qu’ils sont différents, qu’il y a qui me font ouvrir les lèvres et que c’est bon, j’apprends les sourires ; il y a les couleurs, il y a la violence plus ou moins grande des lumières, il y a la douceur, il y a le noir.

Il y a ce besoin qui me ronge parfois, crie jusqu’à ce qu’on le satisfasse ; il y a ces fois où avant que ce trou en moi produisent le cri suis soulevée, pressée dans la douceur, ouvre la bouche pour la téter. Il y a la force, les jambes, les bras, le dos qui bougent, il y a prendre, agripper, remuer, aimer cela, et parfois les gestes ont un but, un résultat et c’est bien mais j’aime aussi quand c’est juste du mouvement, le moi, même si ne sais pas encore ce qu’est ce moi, bougeant dans le monde qui bouge, en faisant partie, le faisant mien. 

Il y a la rencontre des obstacles, des que j’aime, des qui me rejettent, refusent, me font mal. Il y a ces grandes choses qui sont des mains, qui me touchent, qui me servent, qui caressent, qui vont avec des visages, des voix et des odeurs. Il y a aussi les odeurs oui. Il y a tant de choses, de présences dans ce tout que ne démêle pas vraiment, et dont ne sais si elles me  sont bonnes ou me refusent, si elles m’aiment, si les aime, moins ou davantage sauf celles qui m’appellent, m’attirent ; il y a celles évidentes qui me sont nécessaires, qui sont un moi extérieur, agrandi et fort.

Ai émis des sons, ai joué avec sons, ont prétendu que disais des mots, ai aimées mots pour toujours, ai proposé mots, ai compris leurs mots ou l’ai cru. Ai touché, ai senti touchers, ai appris le léger, le rude, le fuyant, le râpeux, le brûlant, la pierre, les épines de pin, la fragilité des pétales, la douceur de la soie, la peau rude des mains de l’homme, larges rouges avec des cordages saillants et leur chaleur tendre, la douceur de la joue de la femme, l’agacement de la laine, le poisseux des bonbons, le sable humide coulant des doigts, les blessures de certaines herbes ou ce que j’appelais herbes. Ai découvert l’équilibre, la marche et puis la souplesse, le rythme, le bruit des pas tapés avec le souffle du vent dans les feuilles. Ai regardé, ai choisi, ai découvert des êtres de ma taille, me suis battue ou j’ai embrassé. Ai été moi et puis est arrivé une petite chose gigotante, ai appris que devais l’aimer et l’ai aimée, ai protégé, expliqué aux adultes ce que disait la petite, l’ai admirée, suis devenue la grande, ne l’ai pas voulu, suis partie de mon côté, ai été l’autre.


9 commentaires:

  1. PIERRE NESTOR8:04 AM

    Arriver à remonter à la source de la vie, aux premières sensations, aux premiers émois, grand défi que vous relevez haut la main et me donne l’envie furieuse de relire (un peu) Winnicott.

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    1. Pierre NESTOR11:35 AM

      Oui, car le mystère de la naissance est aussi épais que celui de la mort.

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  2. Peut-être la meilleure partie de l'existence, dans l'eau !

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  3. Pierre Nestor merci - très agréabe à faire et sans doute faux

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  4. Pierre Landré nous venons d'un liquide qui n'est pas vraiment de l'eau (sourire)

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  5. Oui cela a été ..cela sera toujours Un beau texte

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  6. Ô ! Quel beau texte !
    J'aime énormément

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