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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mercredi, novembre 10, 2010

Mon lutin favori, que je n'ai jamais eu envie de jeter malgré sa gueule de travers et sa peau étrange, se moquait de moi mardi matin, un peu à contre temps puisque carcasse et humeur éclosaient à l'unisson du bleu revenu, presque saturé de lumière.

M'en suis allée, aux Halles, ai acheté trop de nourritures qui excitaient ma gourmandise, ai plaisanté, ai décidé que, oui, je devais être capable de faire le long aller et retour dans la nuit jusqu'à Benoit XII, en traversant la ville, et j'ai pris un billet pour «Extinction » de Thomas Bernhard, joué par Serge Merlin, dans une mise en scène de Blandine Masson et Alain Françon, parce que j'avais du mal à résister à la réunion de ces noms (et que j'aime tout spécialement le livre)

ai rencontré des chantiers, suis rentrée en oubliant la pharmacie (pour me rendre plus difficile l'expédition nocturne ?)

ai décidé que cela ne devait pas entamer ma bonne humeur, pas plus que l'écoute à demi distraite de l'examen du budget (d'ailleurs je me suis absentée dans mon privilège : sieste) - me sentais, tout de même, incapable ou sans envie de mettre un mot derrière un autre, et j'ai repris, surtout parce que je l'avais décidé sous la douche, en me demandant que poser ici, ce que j'avais pondu l'autre jour pour un atelier de Liminaire à partir d'un texte d' »étranger devant la porte de Claude Esteban » http://www.liminaire.fr/spip.php?article742

« S’inspirer d’une peinture et composer, comme traduit de sa propre émotion, un texte en regard, vers ou prose. Sur la page, le texte s’inscrit en filigrane. Découpes du vers ou de la séquence, syncopes dans le lacis des lignes, tirets pour unique ponctuation, espacements, tout concourt à une appréhension spatiale, assujettie à la vue. Le texte écrit répond à ce jeu de variations et d’échos, évitant soigneusement les références, évoquant d’une manière toute personnelle l’histoire de cette peinture. Un geste, un instant, un lieu »

ai cherché une image de la piéta d'Avignon, puisque réellement j'avais écrit de mémoire, et sans doute pour une bonne part dans le souvenir de ce premier contact avec elle vers 9 ans, le jour où je suis devenue amoureuse, pour la vie, du Louvre, de l'homme au gant du Titien, du jeune homme de Bronzino, du Baldassarre Castiglione de Raphaël et d'elle, ce qui rétrospectivement me remplie de fierté. (photo provenant de http://www.pbase.com/francist/image/4351001 )

Une barrière – barrière de corps sur fond or – était en ce temps là - trop d’années pour qu’on le dise - dans un des petits cabinets au fond après la grande galerie - il y avait un salon très grand une ou deux marches et une grande salle - avec le désordre fabuleux de l’histoire de Marie de Médicis – ça a changé – en ce temps là les petits cabinets avec des flamands - et d’autres et donc ça - cette barrière humaine - plaquée comme un camée gigantesque sur un fond or – un triangle très ouvert très aplati – au sommet un visage presque enfantin – une très jeune femme – tourné un peu comme si guettait notre réaction – du bleu presque noir ce triangle - appuyé sur des silhouettes qui sont taches de couleur - que l’on regarde à peine – deux courbes très tendues penchées vers le centre - vers ce qui tranche là en travers – partant du bas du tableau la longue ligne de ce corps - ocre clair ou blanchâtre – le bras abandonné qui équilibre je crois - il faudrait que le revois ce tableau – mais l’impression reçue enfant - de lui et de l’homme au gant un peu plus tôt - dans la galerie - mais de lui surtout – jamais oubliée – cette géométrie des corps qui sont corps mais pas tout à fait – stylisés – et l’émotion tout de même – grande – m’est toujours resté - et lui rendais des visites régulières – diverses salles – éclairages meilleurs – mais plus droit aux glissades des sandales sur le parquet ciré de la grande galerie – et pas besoin de lui rendre visite chaque fois – seulement étaient là - juste la présence de ces quelques tableaux chers - dans ce qui était devenu un de mes cadres

J'ai bichonné carcasse, changé de robe et suis partie dans la nuit, à contre mal-être, suis sortie, suis revenue prendre un parapluie et m'en suis allée.

Dans la pluie, dans le vent, avec douleur qui s'ébrouait, un coup de tonnerre. Alors j'ai tourné bride, suis rentrée, me suis battue avec le parapluie et la serrure et me suis rencognée lâchement pour écouter la pluie glouglouter dans la descente de la terrasse supérieure. Assumant parfaitement ma lâcheté, et pourtant cette envie de théâtre, pas assez importante pour que je passe outre à cette marche, au soupçon que tout le spectacle me serait gâché par la perspective du retour, si même carcasse se taisait, était au départ sincère et n'avait rien à voir avec ça :

« parce qu'ils doivent utiliser leur abonnement, ils vont au théâtre à Linz et vont voir une comédie exécrable et n'ont pas honte, et vont à ces concerts ridicules au Brucknerhaus comme on l'appelle, où règnent les fausses notes poussées à la puissance maximum. Ces gens, je veux dire tes parents, a-t-il dit, n'ont pas seulement pris un abonnement au théâtre et au concert, ils vivent leur vie par abonnement, ils assistent aussi chaque jour à leur vie comme ils vont au théâtre » - hum là ça me va peut-être un peu trop, mais juste là, j'espère - »à une comédie exécrable, et n'ont pas honte d'assister à leur vie comme à un concert détestable où seules dominent les fausses notes, et ils vivent parce que cela se fait, non pas parce qu'ils l'ont voulu, parce que c'est leur passion, leur vie, non : parce qu'ils y ont été abonnés par leurs parents. Et de même qu'au théâtre ils applaudissent à contretemps, ils applaudissent aussi dans leur vie à contretemps, et sans cesse ils manifestent bruyamment leur joie dans leur vie là où il n'y a aucune raison de manifester bruyamment sa joie, et leurs visages arrogants font les grimaces les plus repoussantes alors qu'ils devraient rire de bon coeur. Et de même que les oeuvres auxquelles ils assistent grâce à leur abonnement sont une catastrophe et du niveau le plus bas, leur vie aussi est une catastrophe et du niveau le plus bas.... » « Extinction » - Thomas Bernard tel qu'en lui même.

La pluie s'est calmée, et j'ai pioché tranquillement, relisant des passages, me demandant ce qui avait été retenu dans les nombreuses pages, dans les thèmes de ce livre pour le spectacle que je ne verrai pas, ma foi tant pis.

Et puis j'ai suivi, à travers les twitts, une évocation de ce qui se passait à Bagnolet, où moi et beaucoup aurions aimé être http://brigetoun.tumblr.com/post/1527322865/bagnolet-le-9-novembre-soir-dbourrion-daniel pour le pechackucha, puisque c'est ainsi qu'on appelle cela , http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article2297

8 commentaires:

joye a dit…

J'aime beaucoup ton regard souriant.

Pierre R. Chantelois a dit…

Votre sourire est irrésistible. Il montre bien que cette journée et... cette nuit, malgré la pluie, ont eu des effets jubilatoires. Et trivialement, je remarque que les travaux dans les rues ont cours chez vous également. Une nuisance au piéton ;-)

micheline a dit…

non il ne se moque pas de toi, ton petit lutin ..seulement un petit sourire en biais pour bien faire la différence entre ce qui est écriture en italique et écriture droite ; entre nos abonnements à la vie et le temps qui advient

Lautreje a dit…

Sur les photos, ton lutin et toi vous vous faites face, votre rire est complice. Qui devient le lutin ?

jeandler a dit…

Ce qu'il y a de bien avec toi, c'est que théâtre ou concert ou pas, tu as toujours sous la main une monnaie de rechange. Jamais de relâche, de rideau tombé, de fermeture au programme ou de grève, et, le parapluie refermé et mis à séché, tu ouvres les vannes des pages écrites... tant et si bien que l'on ne peut avoir de regrets à partager tant avec sourire toutes ces choses-là sont dites, tranquillement, en philosophe qui connaît bien sa monture et sait où elle peut la mener. Ni trop loin, ni trop près...mais ici en confort.

Gérard Méry a dit…

Ne fais pas de mal à ton lutin, il te sourit et tu lui réponds

Brigetoun a dit…

bien trop habituée à lui pour lui faire du mal

arletteart a dit…

AH!!! ces abonnements ........
et tout ingurgiter parce qu'il faut y aller!!!!
Admiration sur la Pieta D'Avignon une amie ressemblait à Madeleine incroyablement
Elle ne connaissait pas cette merveille et visite fût faite