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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération
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mardi, janvier 04, 2011

Long pillage en faux voyage

Cul posé sur chaise, ou parfois jambes circulant mais à l'intérieur de mes murs protecteurs, sans idées, juste capable d'avoir plaisir du jeu de la lumière sur eux, je me suis offert voyages en imagination, presque réels par la grâce des mots, de leur puissance d'évocation quand sont choisis, mis en forme par Gracq, en plongée dans les «carnets de grand chemin» (avec le plaisir des pages à couper, ô les surprises des occasions sur Amazon) mais je me sers de mon présent pour peupler de quelques images mon pillage.

sautant à travers la France, et même un peu le monde, en longues et attentives routes, avec, un peu au hasard, et parce que, parmi les pays que j'aimerais connaître il est moins souvent évoqué que des destinations lointaines, le Gers, qui, oublieux des Armagnacs du temps de Charles VII «s'est donné par le coup de soleil d'un mariage de coeur à une fiction romanesque et folâtre» pour être le département des Trois Mousquetaires

«Le chapeau pointu des médecins de Molière coiffe ça et là, non sans humour, la tourelle des gentilhommières éparses dans la campagne : il flotte un air de gueuserie à la fois délabrée et parodique sur les gîtes de cette noblesse amie de l'opérette qui semble vraiment,, à considérer son standing rustique, n'avoir compté que des cadets. Castels paysans de peu d'apparence, bâtis de matériaux médiocres sous le crépi qui s'effrite : des grumeaux d'argile jaune, plutôt que des moellons, font ici le plus souvent, quand le pisé ne les remplace pas, la substance des murs........ On comprend que les beaux fils de la Gascogne, aux longues rapières et aux longues dents, se soient échappés par volées de leurs pigeonniers faméliques comme des corbeaux de leur corbeautière. »

et, de route en routes, de sensations en réflexions doctes et rêveuses, celles qui traversent le plateau central, parce que même souvenirs de leur fausse monotonie, et même goût, j'en ai, du temps où les faisais, en petit bloc calfeutré dans l'habitacle avec mon père, variant l'itinéraire comme cela était possible avant l'autoroute, chance pour les petites villes, regret pour l'intimité supposée qu'elles permettaient avec les plateaux, les vallées brusques, ces vues immenses et animées, la terre ingrate produisant des pierres ou les creux humides :

«dans cet équilibre instable et plus que menacé, il suffit à chaque instant d'un accident minime du terrain ou du relief : une plaque de lave ou de calcaire soudain plus chaude, un versant raide exposé au midi, pour que le sud brutalement, à un détour du chemin, éclate et flambe au creux de la verdure mouillée........ Seulement, dès qu'on sort des gorges mouillées et que de nouveau on s'élève, on a changé de région : on a quitté le repaire des arbres, on est entré dans le pays des lointains calmes, dans la région des montagnes bleues. Les poumons s'emplissent d'une inspiration délicieuse quand on roule vers la fin de l'après-midi sur la route qui, par St Sernin, avant de plonger vers Lacaune, suit pendant longtemps une ligne sommitale, tandis que partout au loin émerge et s'allonge sur l'horizon, sans arêtes, le troupeau des douces montagnes rases, fourrées de bruyère, et parfois sommées de longues barres de forêts, dont la couleur semble déjà toute infusée de nuit, et fait penser à ces teintes d'ardoise tendres et de cendre bleue qui flottent autour du disque de la lune, quand il apparaît longtemps avant le coucher du soleil dans un jour clair.»

mais au bout de 100 pages, la maison me réclamait, j'ai levé la tête, me suis souvenue que j'exécrais la voiture (sauf justement les routes hors foule et qui prennent leur temps) et puis, après un peu de ménage, un peu d'épluchage, un rien de repassage, j'ai attrapé un de mes Giono préférés, de ceux de la fin, quand il devient plus sec, laisse parler la nature de son sud, autour d'une histoire de gens «à côté», «l'Iris de Suse», et j'ai accompagné, un peu, Tringlot, dans sa montée à pied de Toulon aux pays perdus de la montagne.

«À mesure que l'heure passait, la lumière écartait davantage les branches de son éventail ; des décors s'effaçaient, d'autres se dressaient : un pan de forêt en écailles noires, des rochers ruinés qui échangeaient quelques gros oiseaux, la couronne grenat d'un village de bois au sommet de vertigineuses prairies, la chapelle de Saint-Basile (dit Loubet) avec son clocher en fer de lance, en équilibre dans de fragiles éboulis d'argent, une étroite chute d'eau dressée immobile sur le socle des bosquets, bourdonnant comme un bourdon, une forteresse dépenaillée dans des ardoises, la fourrure des frênes le long des sentes, les éclats de lumière dans les pierriers, les jardins potagers très hauts, gros comme des timbres et peints en violet à coups de pioche...»

et puis j'ai fermé les volets sur la nuit qui emplissait la cour, presque, avec un peu de jour enclos, et me suis tolérée, moi et mon vide en ce jour.

dimanche, juin 17, 2007

comment être trop longue avec une journée preque vide.
L’air était léger, doux et chaud, samedi matin, de quoi panser les dégâts qu’ont subis certains vauclusiens (enfin pas les vignerons ou les producteurs de fruits, là c'est sans remède).Une envie de danse, et de jupes virevoltante



En allant faire provision de pates cuites, j’étais un peu déstabilisée par mon brusque passage aux talons hauts qui appellent de grands pas et la relative étroitesse de ma jolie robe au mollet, puisque définitivement les minijupes ne sont plus de mon âge, mais le cœur y était.
Et pendant qu’un petit tout léger vent s’amusait avec mes cheveux et que le soleil caressait ma joue qui me disait son bonheur, j’ai baigné mes yeux dans un ciel redevenu bleu. Juste une petite idée, y-a-t-il un rapport entre notre ciel et notre enthousiasme, enfin celui de la majorité dont comme toujours je ne suis pas, pour suivre et presque précéder la vague bleue. Déchirant !

Dans l’après midi, jouant avec l’idée de m’attaquer à ma montagne de repassage, j’écoutais la célébration de Julien Gracq sur France Culture, et un passage, je crois, de « La littérature à l’estomac » devenue un rien consensuel, qui n’était pas ceci, s’agissant là de l’écriture ou plus exactement d’une sorte d’écriture.
… l’abandon total au " caractère inépuisable du murmure ", à la dictée intérieure, y doit se doubler d’un effort de tous les instants, et qui réclame, lui, l’attention la plus soutenue, pour desserrer les mâchoires du langage, pour paralyser ses mécanismes moteurs, toujours prêts à se substituer à la pensée qui lâche la bride. Une langue, et surtout une langue qui comme la française a beaucoup servi (il s’agit ici de son usage littéraire) tend à ressembler de plus en plus à un système compliqué d’aiguillages entrecroisés – où le mécanicien aux yeux bandés, beaucoup plus souvent que de provoquer quelqu’une de ces magnifiques catastrophes de locomotive renversée dans la forêt vierge dont rêve Breton, risque, plus banalement encore que d’autres, d’aboutir au cul-de-sac ensommeillé d’une voie de garage
Et je retrouve la timidité que l’élève de terminale, que je fus, éprouvait devant lui, si je rencontrais de ses lecteurs passionnés. Curieuse et avide d’un peu tout, des pavés à la mode dans les salons à Butor ou autres, j’éprouvais devant lui une crainte, une distance, un peu comme le sentiment de ne pas être digne de son exigence. Je ne sais d’ailleurs pourquoi ;
J’ai un souvenir vague et agréable du Château d’Argol, mais d’avoir senti aussi que je le lisais mal, un souvenir d’ennui du Balcon en forêt, je l’avoue, ennui qui devait venir surtout de moi, du moins de mon moi d’alors. Mais pourtant j’avais été séduite par la Presqu’île, seulement, même là, la trace est plus un souvenir d’avoir aimé qu’autre chose. Je devrais relire, ou, pour tout le reste de l’œuvre, lire. Ce que je constate en écoutant le cher Jacques Ralite et surtout en flânant sur le site que lui consacrent les éditions Corti, pêchant des brides, comme : .
« Aspects paradisiaques de la terre cultivée dans l'ïle Batailleuse ; les cultures même semblent l'objet d'un choix décoratif : plantes luxuriantes à haute tige, maïs, tabac, osier, chanvre, dont les petites futaies vertes secouent dans le vent l'odeur grisante, entêtante. La belle fourrure des saules, qui reborde l'île de petit gris comme une pelisse étalée. «
Et le repassage ne fut pas fait. Ne faut compter sur aujourd’hui, où je vais compter les électeurs.

Et vers neuf heures et demie j’ai suivi la rue Joseph Vernet vers les Célestins, presqu’un prologue au Festival. Les flammèches rose pâle du ciel exaltaient la teinte des tuiles, et la lumière frisante semblait sourdre des façades. Le récurage, la réfection de l’église des Célestins ressortait plus abruptement dans la fin du jour, entre maquette et os de seiche et j’ai espéré que l’intérieur de l’église était resté dans son état de décrépitude extrême, pour servir de cadre au spectacle de Castelluci et que le cloître serait gardé en l’état, même si le contraste est saisissant.
Il s’agissait d’une création du ballet « Présence » chorégraphie de Tayeb Benamara sur une intention un rien ambitieuse « J’ai une utopie, celle de croire que les citadins peuvent vivre en paix avec leur environnement et avec la part naturelle de chacun… ressentir une émotion oubliée, mise de côté, une présence ».
Le cadre les servait, qui est irrésistible à mes yeux, flatté par de jolis éclairages. Un spectacle sympathique, entre jeux et leçon de danse au début, entre tenues de plage et longueurs romantiques, classicisme et traces de hip hop. Des symboles point trop insistants, contact des pierres et des troncs, petits tas de riz.
Un chauve en charge du rôle de l’hurluberlu, se singularisant peu à peu par sa danse souple, énergique, hip hop dépassé, qui s’est révélé être la vedette invitée Aragorn Boulanger, gracieux serpent à corps d’homme, ou Pierrot égaré, ou carcasse secouée, ou ascète hindou. Contraste entre la technique un peu scolaire du corps de ballet, même si la chorégraphie servait la beauté de chacun, et une danse habitée. Peut-être pas encore un très grand danseur, mais déjà une très belle danse.
Un solo de Tayeb Benarama, qui s’approprie cette technique et dont le physique de pâtre méditerranéen colle au thème. Un moment de transgression extrême : les danseurs fumant et amusement de constater que certains n’avaient pu s’y résoudre et mimaient cette horrible action.
Et aux quelques passages où mon attention faiblissait je levais les yeux vers mes chers platanes.