Avignon – festival encore un peu - paresse ou quiétude – rencontre – Diptyque – théâtre iranien

Pour petites courses oubliées mardi, pour charrier draps et vêtements en aller retour, pour prendre un billet pour deux des concerts aux Carmes des Templin-jazz, ce moment extrêmement sympathique qui est retrouvailles avignonnaises, presque familial, m'en suis allée dans la ville, toute calme, qui se mettait lentement en marche (sauf les travailleurs) en un matin d'été ordinaire.
place de l'horloge, devenue désert, au moins en cette fin de matinée, un seul acteur-distributeur de tract que l'on aurait presqu'applaudi pour sa constance.
Et puis pour déjeuner ai commencé ma petite cuisine, et pour m'allonger ensuite, ai endossé un vieux caleçon trop large en faux jean et un tee-shirt aux bretelles entortillées pour décolleté décent, planté une pique pour relever mes cheveux, quand on a sonné.
Et Brigetoun et son antre, sous leur plus piètre aspect, ont vu arriver, charmante, robe fraîche, chapeau de paille et adorable fille dans les bras, Florence Noël, qui faisait l'effort de venir me «livrer» en personne mon exemplaire papier de «Diptyque», la revue dont elle a courageusement assumé l'idée, les choix, la réalisation, et ma foi l'objet est fort beau.
(pour un aperçu de la version numérique http://diptyque.wordpress.com/2010/07/04/parution-du-numero-1-en-version-numerique/ et pour vous le procurer ou mieux vous abonner aux deux numéros, c'est sur le même blog)
Et je lui rend grâce, à elle et au bébé, parce que j'ai oublié ma gêne de vieille laie débusquée et que ce fut un fort agréable moment (j'espère simplement ne pas avoir été trop bavarde, réflexe automatique et idiot).
Et puis quand elles sont reparties, ai repris confection et ingestion pitance (j'engraisse lentement) et j'ai commencé à me promener dans les textes de Jos Roy, Angèle Paoli, Michel Brosseau, Sylvie Durbec, Nicolas Vasse, Juliette Zara, Michèle Dujardin, Dominique Sorrente, Sébastien Ecorce, Denis Heudré
«les peaux les plus douces
cachées
toucher
pour rassurer la nuit
la terre ne fait plus silence
il a fallu allumer tôt...»
etc.. (le sommaire est très riche, et les noms cités le sont un peu par hasard, un peu par début de familiarité) et Florence Noël, of course
«on est toujours sans nouvelle du soir
et c'est si peu à l'orée des visages
cette crainte à peine lue qui ondule le front...»
et, comme j'en avais besoin, l'ai posé, pour un sieston, commencé et fini tard, dont j'ai émergé quelques minutes avant 17 heures. J'ai dit un adieu définitif à mon envie d'aller voir «Kichinev 1903» dont c'était la dernière, j'ai refermé «Diptyque», après un dernier coup d'oeil aux dessins et belles photos (ici Annik Reymond) - après avoir évité de regarder ma petite contribution (à laquelle grande place a été donnée !), un rien sosotte, à propos de Daniel Bourrion, Laurent Margantin, Fred Griot et Andréas Embirikos (pour Publie-net) -, et entrepris de passer chiffon et serpillère, d'arroser, de culpabiliser très modérément, par habitude, de faire cuire patates et sortir boite de crabe, de faire un tour sur internet, dans son beau gros reste de vitalité, plein de trous.

Et puis me suis nippée, un peu mieux, et suis partie, vers 8 heures et demie, dans une lumière ravissante, comme je n'ai pas su la capter,
dans une ville qui vit toujours son festival, mais apaisé, sans foule et sans polémiques, au rythme des spectacles qui disparaissent peu à peu,

croisant ce que j'ai rêvé philosophe, mais qui m'invitait à venir voir le Misanthrope,

deux joyeux italiens, et nous nous sommes apostrophés, fatigués de porter leur panneau,

jusqu'au Gilgamesh qui abrite, entre autres, trois compagnies iraniennes, parce que j'avais petite curiosité

attendu un peu, en regardant les affiches danser dans le petit vent qui avait transpercé mon tricot de lin,(et qui se sont refusées à danser vraiment quand j'ai sorti mon appareil), le début de «ville dénuée de ciel», une pièce de Pouria Azarbayejani, mise en scène par Kiomars Moradi dont le résumé disait
«Une station de Métro vétuste de Paris, Nasrine et Alma, attendent que le passeur qui les a fait clandestinement passé de leur pays (Afghanistan et l'Iran) en France, leur apporte des passeports. En se racontant leur histoire on apprend qu'elles étaient quatre au départ mais le destin les a séparées»

(photo du programme)
station désaffectéee en fait – un bloc rectangulaire (avec des écrans vides pour le moment sur la face visible) sur lequel est allongée une femme vêtue d'oripeaux, pantalon, superpositions de chandail, foulard, et on verra un peu plus tard l'autre (Alma) superpositions de robes longues et foulard, les deux visages et une notable partie des cheveux bien visibles – le noir assez sordide de la scène installée dans ce qui est je crois un garage en hiver – un grand panneau (tissu) au fond sur lequel apparaîtront des vidéos, peinture mouvante, gros plans sur toute la surface ou centrés des visages des deux autres femmes, Efi beau visage de femme mure, et Firouzeh (je crois) lumineuse et douloureuse.
Un certain manque de moyen, une science du découpage, une certaine sophistication dans les rythmes des images, et du jeu des deux actrices en scène qui s'aident, se chamaillent, parlent des autres, d'une façon elliptique qui nous laisse deviner peu à peu, parlent avec les absentes ou les écoutent (en rêve mais cela n'est vraiment dit que vers la fin), attendent un homme qui doit décider de leur futur, ou simplement leur amener des cigarettes pour Alma, des calmants pour Firouzeh.
Et peu à peu, on devine leur long trajet, leur rencontre, les hommes aimés et les hommes qu'il a fallu supporter ou séduire pour continuer, et la noyade d'Efi trop vieille pour qu'ils s'encombrent d'elle, et le suicide, tête sur des rails, de Firouzeh qui avait toujours mal à la tête depuis que son père l'avait séparée du garçon qu'elle avait rencontré.
Un jour Alma disparaît et j'espère que c'est l'imagination de l'auteur iranien qui veut qu'elle soit enlevée par des trafiquants d'organe. Firouzeh se retrouve pleurant devant des grandes vues des rues de Paris.
Un beau spectacle, qui avec un peu plus de moyens, pourrait être un très beau spectacle. De bonnes actrices, qui créent des personnages très féminins et très différents, liés par une certaine liberté, le courage, un zeste de futilité.


rencontré un petit chien tout marri d'être traité comme les fumeurs.