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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération
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samedi, mai 04, 2024

Un anniversaire hors les murs et le début d’un poème tragique

 


Le plaisir des yeux

caressant le bleu profond

revenu matin

ouvrir une housse, repasser comme puis les trois premières robes trouvées, deux chemises et une jupe tout en tournant un peu en rond, en esprit et, fer posé, d’un endroit à l’autre ai fil des idées, et la journée s’est achevée, la fatigue est venue.



J’avais dit que j’irai relever un moment une amie derrière la table de Rosmerta lors de la petite fête pour les 25 ans d’Attac dans un « tiers lieu » hors les murs… mais pendant que je terminais de recopier le début de la traduction par Quignard du poème tragique de Lycophron qui figure en fin de ce billet, un peu avant cinq heures, j’ai en la sensation d’une lumière absentée, et regardant par la fenêtre, me penchant ai vu que le ciel qui avait lentement vitré au blanc était maintenant un étang noir… la météo consultée annonçait un orage, vieilles douleurs m’envahissaient, ai envoyé un mail disant que j’étais lâche et abandonnais.. Immédiatement me suis imaginée tendue entreprise pour que l’eau ne pénètre pas et fureur contre ma lâcheté, ai empoigné canne, sac et blouson et suis sortie voir ce qu’il en était.




Les yeux perdus dans le jeu des gris entre le plomb et la transparence sale, avec quelques espoirs bleus ai avancé jusqu’à me trouver, remparts franchis devant l’impasse menant à mon but initial


en avance et dans les premières à temps pour mettre mon grain de sel pendant que l’amie installait sur notre coin de table des panneaux regroupant de belles photos de Rosmerta, des petits flyers destinés aux éventuelles familles accueillantes 


(ai loupé images… juste réussi presque une de la table voisine de l’association soeur qui loge des familles), de trop piapiater, de rendre visite à la table d’Attac, d’attendre que les gens arrivent en écoutant la très sympathique accordéoniste, de voit arriver une assez forte présence de Rosmerta, et que l’heure venue, Christophe Aguiton, l’un des fondateurs d’Attac prenne la parole, retrace l’était et l’évolution du monde avant 1999, et ls changements d’équilibre intervenus depuis lors… choses intéressantes mais qui, étant donné mon âge, ne m’apprenaient pas grand chose



Et comme, têtue, j’étais restée debout presque tout le temps, comme carcasse murmurait sa révolte future, comme les gens arrivent mais que n’étais vraiment pas utile, m’en suis allée avant débat éventuel et petit bal prévu. Ai attendu un instant le tram qui n’arrivait pas, et suis repartie à pied… 


Et laisse la place à ce que j’avais préparé en débit d’après midi : comme en début de nuit j’avais repris le livre de Poésie/Gallimard réunissant les traductions par Pascal Quignard, avant quelques textes de lui-même qui rappellent les « Petits traités », de Lycophron et Zérès, j’ai l’envie de recopier ici le début de l’Alexandra de Lycophron avant la tempête splendide mais fort obscure d’images violentes, espérant que la longueur de la citation ne soit pas blâmable


Je dirai —

c’est sans détour que je dirai toutes choses, sur quoi tu m’interroges. Je dirai

cela depuis l’origine et dès ce qui culmine. Si la Parole se fait Longueur :

pardon, maître. Çar non pas calme ni lente la fille

aux réponses divines, elle ne desserra pas comme jadis les lèvres, et dès l’abord, vouées d’équivoque — palpitantes :

elle cria, au contraire, elle épanchait un cri qui confond et à quoi on se mêle, — cri improférable

de sa gorge brilla, mâcheuse de laurier, surgissait un langage

mimant si près la voix sonore, répétant la voix dont la question étreint — celle d’un sphinx : assombrissant.


Ce qui me lie par le fait de mon souffle et grâce à ma mémoire

tu vas l’entendre, toi tout-puissant, et resurgissant au plus profond de toi :

compact, alors erre d’un bout à l’autre où le poème fait contrée, erre au travers de ses chemins au dire malheureux, au dire impossible que noue ce que la langue laisse entendre :  à mots couverts : au découvert : de ce qui terriblement l’assigne.

Erre au travers de ses chemins d’un bout à l’autre vers précisément ce lieu: par la direction de quel chemin dressé, tout droit,

ce chemin-ci, chemin de longue pratique sentier usé d’allées et de venues, et si apte au mouvement d’apprendre, guide les pas et où mette les pieds : en l’Obscur.

vendredi, mai 03, 2024

pluie toujours, souvenirs de lecture et une "traduction" de fragments





Jour de parapluies

de pluie imperceptible

de quelques travaux



Un peu de tâches ménagères faites avec trop de désinvolture, une sortie d’un peu plus d’une heure pour une  formalité et devoir de marcher (sans y mettre l’application qu’indique le mot devoir)… 



et comme, le matin, avais repris et enfin réellement écrit ma contribution, comme puis, au #1 de la boucle 2 de l’atelier de François Bon, je recopie le trop long  #4 de la boucle 1.

Souvenirs de lectures


Je me souviens, dans le bureau de mon grand-père, rue du Printemps à Paris, de sa main extrayant d’un rayon, à mi-hauteur des deux hauts rayonnages tapissant le coin entre la cheminée de banal marbre gris, vaguement directoire | à mes yeux tout au moins | et de la fenêtre sur cour, un livre broché à la couverture blanche cernée d’une bande rouge et me le tendant en me disant, « tu peux piocher dans ces livres, mais je te conseille celui-ci, ça devrait te plaire » et ce fut un éblouissement, la découverte de la gourmandise des mots à travers Edouard Glissant au sortir des Mazo de la Roche, Elizabeth Goudge ou des Maurois, des livres autorisés par ma mère ou même des extraits de classiques qui avaient le charme de ce qu’ils ne contenaient pas.. gourmandise qui m’est restée… quant à ce livre « La Lézarde » ne l’ai jamais relu, Glissant si.

Je me souviens des tomettes de la grande pièce boulevard Michelet à Toulon sur lesquelles je m’étais assise pour ouvrir « la Modification » que venait de terminer, perplexe et pas franchement conquise, ma mère et qu’elle m’avait prêté à ma demande | je viens de médire d’elle, en fait j’aurais sans doute dû plus souvent la solliciter | intriguée par une de ces conversations d’adultes aux lisières desquelles je m’incrustais, je me souviens du chemin de fer, je me souviens surtout de l’écriture qui me hissait, comme l’apparence sérieuse de ce livre, hors de la masse adolescente. Je me souviens du désir qui me venait quand j’entendais les noms de Butor ou Robbe-Grillet (pas encore de Sarraute ou Simon) que je n’ai pu assouvir que plus tard pour ceux qui paraissaient en poche… et justement je me souviens d’un des premiers de ma petite bibliothèque avec Butor encore et « le Passage de Milan ». Je n’ai maintenant aucun des deux et ne les ai pas relus depuis des années.

Je me souviens que la vieille édition brochée de mon père qui avait beaucoup vécu, au point de perdre quelques pages, de « Moby Dick » que m’étais accaparée, que j’ai lue et relue, un peu partout jusqu’au moment où l’ai perdue malgré sa taille je ne sais plus quand ; je me souviens de la découverte et de m’être passionnée pour les pages « scientifiques » en grattant mes jambes poisseuses d’un mélange de sable et de sève de pin, assise sur le toit d’un des blockhaus loués à la Base Aéronavale au Palyvestre là où il y a des immeubles vieillissants à l’arrière de la rangée d’immeubles bordant le port,  implantés là où il y avait la mer et un vague projet de port, et j’étais ravie il y a un an de trouver et acheter un exemplaire « en très mauvais état » presque comme le fugitif. 

Je me souviens des couvertures illustrées des minces livres de poche par lesquels j’ai découvert Sarraute et que je n’ai plus, les ayant remplacés, un peu avant de déménager, par le Pléiade, un de mes rares… acquis parce que c’était elle…

Je me souviens que j’ai lu très tard Proust parce que faisais un blocage et que j’avais décidé, isolée qu’étais dans mon univers de dactylos | ça je m’en étais extirpée | d’agents immobiliers, de gérants et entrepreneurs, que c’était un auteur qu’on ne lisait pas mais dont on parlait vêtu de flanelle grise en buvant du thé et écoutant des pièces pour piano de Chopin… Je me souviens que j’en avais petite curiosité mais que j’ai attendu qu’un peu après mes quarante ans un médecin ami de mes parents décide que je faisais une dépression | maigre à l’extrême étais, avec des crises de tétanie | et qu’on m’embarque pour une « maison de repos » à Pégomas pour mettre dans ma valise « Le côté de Guermantes » avec je ne sais plus quel dialogue de Platon en livres de poche, pensant que ce seraient là lectures solides qui me tiendrait occupée et hors de mon entourage un certain temps. Je me souviens que les découvrant dans ma chambre le jeune psychiatre a considéré que j’étais arrivée là, derrière cette fenêtre qui ne s’ouvrait pas, à la suite d’une erreur d’aiguillage et m’a dressé ordonnance verbale de me tenir à distance de mes co-malades navrants, et entre des séances d’intraveineuses pour me rendre forces de faire ami/amie avec les soignants et de me promener, par autorisation spéciale, dans les environs. La lecture m’a pris un certain temps parce que les bords de route n’y étaient guère propices mais a suffi à me faire entrer, en les prenant un peu en désordre, dans le monde des lecteurs de Proust.

Devant les deux premiers de mes rares Pléiade, le tome 1 des mémoires de Saint-Simon et le Montaigne, offerts par mes grands parents, sur ma demande, comme cadeaux de Noël les années de mes 16 et 17 ans, je n’ai pas besoin de me souvenir, ils le font. Surtout le Montaigne que j’ai pendant des années mis dans ma valise de vacancière et qui porte, taches, pliures, brins d’herbe et autres, traces de mes moments d’absence en sa compagnie et je souris en pensant aux débuts de matinées où, à plat ventre sur l’herbe rare d’une Cité Scolaire, route de Montfavet me semble-t-il, où nous étions hébergés avec les Cemea (ne sais plus comment j’en étais arrivée à découvrir la possibilité de les rejoindre) lors d’un festival d’Avignon, je piochais dans sa pensée, ses lectures etc…  en attendant que nous partions avec quelques amis professeurs et un grand hindou ne parlant à peu près pas le français, arrivé là par mystère, chargé d’un oreiller pour amortir le contact de mes fesses pointues et des bancs qui meublaient alors les premières salles du off naissant, circuler entre rencontres, lectures et spectacles.

Et pour le poème du jour, parce que j’ai retrouvée cherchant un autre livre ce matin, le livre Poésie/Gallimard réunissant avec d’autres textes de Pascal Quignard sa traduction d’ »Alexandra » de Lycophon et de quelques fragments de Zétès ou de Quignard en version Zentès plus exactement en reste à un très très  court fragment (qui m’a sauté aux yeux en feuilletant)

Fragment LXII (2)

(…) Ils transportent le soleil qui joue dans le seau qui est plein

mais ne l’introduisent pas dans la cave.

mercredi, mars 20, 2024

Accompagner cortège, picorage lecture

 


Blanc effiloché

flottant sous léger souffle

sur bleu adouci




Comme le 19 était grève, pas seulement à la radio, par sympathie pour les « agents » des Services Publics, m’en suis allée matin



comme d’autres, retrouver la petite cohorte qui se préparait à manifester en suivant rue de la République.



Marchais sur le trottoir comme non légitime, juste pour accompagner, les abandonnant en passant devant me Carrefour pour acheter poisson sous plastique,



les rejoignant, puisque c’est un de mes chemins, devant la mairie, écoutant quelques minutes la prise de parole.. et rageant devant la déliquescence accélérée de cette richesse notre que sont les dits services publics…



Et puis dans l’après-midi, pensant au texte projeté sur ce qu’a été, qu’est, pour moi, le geste d’écrire, au crayon, au burin (assez ou très très très peu, sourire), à la plume ou sur un clavier… revenant sur cette phrase de Flusser « Avoir des pensées non écrites est n’avoir strictement rien. » m’arrêtant dessus avec une certaine mauvaise foi, et lui opposant les gestes qui sans mot sont pensée, comme ceux d’un artisan, d’un enfant qui découvre le monde avant les mots… et la façon dont un acteur ou un danseur s’exprime au delà ou sans les mots, j’ai repris Le corps de l’acteur de Pippo Delbono (entretiens avec Hervé Pons aux Solitaires Intempestifs, relu il y a deux ou trois nuits) et ce qu’il appelle l’échauffement, exercice pratiqué par ses acteurs pour éviter la psychologie dans leur jeu et la recherche de la virtuosité « Grâce à l’échauffement, l’acteur peut trouver à l’intérieur de son corps, sans se creuser la tête, des sentiments comme la douleur, l’amour, la beauté, la souffrance. » et, plus loin « Je cherche, comme un danseur et pas comme un acteur. J’oeuvre à la maitrise de mon corps pour que la parole devienne comme une autre façon de penser ». Et je réalise que je me fourvoie en arrivant à pister chez lui une formulation de l’idée du geste/pensée puisque dans son théâtre le jeu de l’acteur doit recherche le sacré (et refuser la pensée) arriver à « un état au monde sans défense, sans préjugé, en totale innocence et contradiction, car c’est à ce moment là anéantis, qu’ils peuvent jouer. C’est le lieu de la poésie.. »


L’abandonnant avant qu’il en vienne au bouddhisme, mais sans doute un peu influencée, ai pris L’acteur qui ne revient pas (journées de théâtre au Japon) de Georges Banu et, presque au hasard, parce que le livre s’ouvrait d’abord là, à propos de Tamasaburo Bando (trésor vivant et onnagata |acteur de kabuki représentant une femme) : « Tamasaburo, dans une séance de démonstration, montre les ressources de la colonne vertébrale… Le dos parle et en même temps captive. Il suit les palpitations de la femme par la calligraphie d’une ligne serpentine car son discours cherche à dire un être autant qu’à charmer l’oeil… Yoshi Oida écrit dans L’Acteur flottant que, selon la pensée traditionnelle, la colonne vertébrale sert de véhicule à la communication spirituelle des « grands initiés » de Bouddha à Jésus. »


Autre page qui s’ouvre, un peu après le chapitre dans lequel il voit dans le théâtre de Genet, qui contrairement à Artaud, Craig, Brecht, Claudel… n’aurait pas assisté à une représentation de théâtre oriental, une parenté avec le kabuki par les indications qu’il donne dans ses Lettres à Roger Blin sur le cérémonial qu’il désire, les costumes comme « des monuments difficiles à porter », un jeu des acteurs refusant « les gestes courants afin d’imaginer un alphabet de postures conventionnelles, construites pour la scène, postures que les interprètes doivent apprendre », il passe rapidement par le butô, et son succès plus facile en Occident parce qu’il s’opposait aux formes codifiées, ce qui m’a amené à refermer le livre et, à prendre L’Origine de la danse de Pascal Quignard … et suis tombée dans l’eau prénatale 

« Tanaka : Je ne danse pas une danse qui appartient à ce monde. Je danse la danse dont le corps se souvient. Min signifie le fleuve, le flux, l’eau vive. Je relâche le corps dans le courant. J’oublie même l’eau dans laquelle je suis immergé et où je danse quand je danse dans l’air…. » et j’arrête parce que tout le livre serait à citer (et que n’en ai ni la force ni le droit) et que je suis très loin de mon vague point de départ (quoique), je range Kant et garde Quignard pour mes relectures vespérales et nocturnes. 


Et j’ai victorieusement évité de me risquer à trouver des mots pour le #9 de l’atelier du tiers.livre, au moins pour aujourd’hui.

samedi, avril 17, 2021

Non lecture, un tour, lecture


en haut de la rue

un sentiment de vide

les lauriers coupés


un manque qui m'a presque fait trébucher, la perte de ces deux buissons magnifiques qui a assombri un temps mon cheminement vers Rosmerta dans ce printemps bleu encore un peu piquant... allais m'incruster dans une lecture/débat organisée par une bénévole, dont la première avait eu un grand succès (avait attiré et captivé treize jeunes) par curiosité, et peut-être pour m'en inspirer... mais avais mal, compris horaire ou j'étais en avance...


au bout d'un moment, tournant en rond entre bureau et cours somnolentes, ai renoncé, suis rentrée, faisant un petit tour de rues en rues, jusqu'au chantier de l'ancienne prison, la poterne, le Rhône,


et rentrée dans l'antre, parce qu'il était cité par François Bon dans la vidéo présentant la fin de l'atelier d'hiver, ai péché dans le casier dont il dépassait (son format presque carré) «L'Origine de la danse» de Pascal Quignard (chez Galilée), non du tout pour me préparer à écrire ni chercher une idée (hors la sensation de perte d'équilibre qui se fait de plus en plus fréquente et se transforme en flottement réprimé en danse) mais par plaisir de retrouver ces textes, et dans ces textes ce motif fréquent chez lui.

«La dépendance à l'origine, l'inhérence au corps contenant de la mère tout à coup, d'un coup de rein, est rompu. Tel est l'instant natal.

Incroyable danse expulsive (perte des eaux) intrusive (l'intrusion de l'air dans le corps), chute sur la terre (dans la non motricité, dans la possibilité de la mort, dans la défécation, dans la faim), tel est le fond de l'expérience des hommes.»

et deux pages plus loin

«Dans l'eau du ventre ils se dépliaient, ils touchaient, ils exploraient, appuyant le pied sur un point d'élan ils gravitaient,

ils tournaient et se retournaient,

dans l'ombre,

ils dansaient presque.


Tout à coup ils dansent vraiment

tout à coup ils surgissent

dans la lumière, dans le froid, dans l'air...» et ce m'est deuil de couper, de mettre fi,n à cette citation déjà plus longue.... mais je poursuis, moi, avec les un peu plus de 100 pages suivantes.


dimanche, février 02, 2020

Variable

ciel gris, petit frais
les doux nuages s'offraient
trous de lumière
charrié draps, zigzagué, il est trop tard pour un vaccin, resterai vieille étourdie, la pluie est venue, molle, sur mes derniers cent mètres, pendant que je me rêvais grande, jeune, belle et si fraichement douce.
Pour la suite, une vraie averse, un retour bleu etc.. et le plaisir retrouvé en suivant Pascal Quignard dans Une journée de bonheur
les fleurs, la pré-vie, la naissance, la poésie et la culture qui passe avec le charme de rêves et puis les Vieilles peaux pâles et jaunes et douces, vous êtes devenues plus épilées et plus soyeuses dans l'âge (là toucher les innombrables rides rappeuses d'une main rouge, bleu et oui un peu jaune, sourire en haussant un peu les épaules mentalement, passer au paragraphe suivant, et savourer sa saveur un peu passée après tant de beautés)
Vous vous êtes assouplies, attiédies auprès de la flamme qui vous réchauffe autant qu'elle vous éclaire en tremblotant, en clignotant.
et en l'absence de feu me planter devant la cour, le bleu qui la coiffe et le pigeon qui vient se poser sur le haut mur en face... croire que nous nous regardons. 

samedi, mars 03, 2018

Puisque n'avais rien à dire...

Le ciel gris de cendre tassée du petit matin s'était éclairci, la température était redevenu humaine, le vent était mort quand m'en suis allée, longeant rue Joseph Vernet des robes fleuries, faites pour frôler souplement les corps de sveltes et souples jeunes femmes (images des films des années 40) puis les pierres, façades, tours, humides comme le sol,
comme l'air qui hésitait à être vraie pluie, les branches noires des arbres désolés par l'hiver, allais donc me persuadant que j'étais terre de Vaucluse assoiffée et bienheureuse, ce qui accentuait mon sourire, 
allais vers la mémoire du monde
et puis avec la Corderie de Christophe Grossi que j'avais commandé, et un autre livre pour lui tenir compagnie, ai continué à la recherche vaine d'une cuillère à manche long et cuilléron étroit pour remplacer celle qui me sert pour les pots de confiture et café et qui se cache depuis trois jours, constatant, navrée, que les petits arbres (même s'ils étaient dans de grands bacs de bois carrés) enlevés pour installer le terne dallage seraient remplacés par quelques sièges pour passants fatigués (et ne craignant pas de se trouver plantés ainsi dans le chemin des allants et venants) et deux arbres qu'ils n'ont tout de même pas sacrifiés
je ne sais si ce sont les écologistes de la majorité qui nous valent cette guerre à toute végétation ou, pour celle qui est conservée, ces armures de bois ou briques pour bien les contenir... mais je sens que ma fidélité à notre maire s'érode jusqu'au fil...
Quand vers midi, renonçant à ma quête-promenade, suis revenue vers l'antre, le ciel devant, au dessus de moi, s'est doucement puis franchement déchiré en bleu... et à midi la lumière commençait à toucher le haut du mur mitoyen dans ma cour (la cuillère perdue, elle, m'attendait au fond du bac à légumes)
Et comme, n'ayant rien à dire, je fus bavarde, vais continuer à être longue, en prenant les cinq premiers mots de la première page, la première ligne de la page 76 des deux nouveaux livres
Nous n'avons jamais compris le...
C est allée se reposer à l'étage et notre fils joue dans la pièce d'à côté. Je triche et j'ajoute la 2 : La porte de sa chambre n'est pas fermée. Corderie – Christophe Grossi (la règle fixée ne lui est pas favorable, dommage... mais je sais que... sans compter la saveur des deux dessins de Daniel Schlier rencontrés en chemin vers la page 76)
Nous allions au cinéma, je...
Son corps ne grandit pas à la même vitesse et elle a eu, successivement, des oreilles immenses, des pattes interminables, un tronc de teckel, la petite queue en virgule est devenue touffue. mort d'un cheval dans les bras de sa mère – Jane Sautière
et, pour m'encourager (si ma bourse ne le faisait pas suffisamment) à décider de ne plus acheter pendant un long moment de livre, je continue ce jeu idiot et cruel (prenant toujours les premières phrases des pages 76) avec la pile de livres en attente (sans compter ceux que téléchargerai sur publie.net)
Entre les apparitions, la vie existe encore. L'apparition – Perrine Le Querrec
Dès que les montagnes reprennent position le long de la rive, la végétation déserte. En descendant les fleuves – carnets de l'Extrême-Orient russe – Eric Faye et Christian Garcin
Pour sa part, elle a été mariée naguère. et puis zut la seconde : Quand, et à qui, je ne sais pas ; elle est tout à fait vague là-dessus. New York, Haïti, Tanger et autres lieux – Truman Capote
Dans le flot franchissant, calme et indestructible, le grand pont métallique qui enjambe les rails au point de passage de Bornholmer Strasse, cette nuit-là, tandis que Martin meurt, je ne vois pas venir la grande victoire de l'Ouest, de la démocratie, toutes ces tartes à la crème dont on a fait depuis un usage iconique, je vois des milliers d'hommes, de femmes, d'enfants qui vont enfin pouvoir se réapproprier cette moitié de ville dont les ont, presque trente ans plus tôt, amputés Walter Ulbricht et sa clique sans que, tous démocrates que nous soyons, nous n'ayons levé le petit doigt. Entre les deux il n'y a rien – Mathieu Riboulet
j'imagine cependant que tu aimerais voir ta famille ?
pourquoi vous posez des questions où vous savez les réponses ? La couleur du lait – Nell Leyshon traduction Karine Lalechère
«Oh, arrête tes conneries !» Elle était en colère. Concision même avec deux phrases de Nord-Michigan – Jim Harrison, traduction Sara Oudin
Soudain mettre la main sur la chose arrête de saisir. S'en approcher suffit. Belle concision aussi de Pascal Quignard (Mourir de penser)
Invasion de Pères Noël en décembre : je hais les bruits de porte. Aphorismes dans les herbes et autres propos de la nuit – Sylvain Tesson (à vrai dire lui il traîne ça et là depuis longtemps et je pioche dedans, souvent déçue, parfois récompensée
Comme ce sont lectures pour le calme du soir et de la nuit, selon l'habitude dont mon oisiveté actuelle n'arrive que très exceptionnellement (trajet parfois ou salle d'attente) à me détourner – les jours étant pour internet, méditations, rêveries, activités, relectures et journaux, articles politiques, économiques, ou petits journaux d'ONG - et qu'outre les soirs de mauvaises humeurs où je retombe sur de vieux polars, j'ai pris actuellement, comme un rite, l'habitude, parce que je n'avais jamais lu dans l'ordre ses cinq cents et quelques pages, de savourer auparavant entre dix ou vingt pages du Discours aux animaux de Novarina.
Ce soir ce seront sans doute dix pages, impatiente suis de retrouver Le traquet kurde de Jean Rolin (page 76 – Quoi qu'il en soit, ce n'est que six ans plus tard qu'il jette l'éponge, ayant assisté quelques mois auparavant, rapporte Brian Garfield, à un congrès d'ornithologie à Oxford, dans un fauteuil roulant, et dans l'isolement croissant auquel le condamne sa surdité) dont je n'ai lu que les 24 premières pages la nuit dernière, après «le terrier» de Kafka dans la traduction de Laurent Margantin.
du danger de n'avoir rien à dire... pardon.