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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération
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jeudi, décembre 03, 2020

Censurée

 


Pour me motiver, sur une idée que j'avais eue, j'ai décidé matin de monter au jardin des Doms pour surplomber la ville et ses entours... Suis partie, munie d'un bonnet, d'une autorisation, d'un masque et du manteau d'un peu plus de demi-saison dans lequel me sens bien... Mais en allant, comme une introduction, jeter ma poubelle aux remparts, ai constaté que notre seigneur vent avait une fâcheuse tendance à pénétrer par la longue encolure d'icelui, à se promener entre lui et mon chandail qu'il tentait de transpercer...

Ai re-gravi mon escalier, pendu manteau, enfilé ma parka grise en la fermant bien, et suis repartie, un peu secouée parfois, même si je défiais le mistral qui dessinait au dessus de nous et du fleuve une grande coulée bleue où nageaient quelques lambeaux blancs, 

en lui affirmant qu'il n'était pas à la hauteur de ce qu'en disait Stendhal : « Strabon et Diodore de Sicile assurent que sa violence est telle qu'il enlève les pierres et renverse les chars » (bon, dans ma cour il effrite le mur mitoyen depuis plusieurs siècles me donnant juste le mal de ramasser les gravats et poussières et il ne renverse que les plantes en pot)... « à la vérité il fait un beau soleil mais un vent froid et insupportable pénètre dans les appartements les mieux fermés et agace les nerfs... »


Et lâchement, même si ce que mes yeux, entre masque et bonnet, contemplaient me donnait plaisir, même si l'un ou l'autre appareil, tremblant un peu entre mes mains, le confirmaient, arrivée en haut de la première rampe, devant le portail, ai rebroussé chemin, laissant le rocher et le jardin à leur paix ventée, ai franchi la grille, retrouvé la place et m'en suis allée acheter le canard et des confitures et, de retour dans l'antre, j'ai retrouvé ces mots d'Elsa Triolet : « Avignon, ville aux grands murs, s'étirant vers le ciel... Dans mon cœur et devant mes yeux apparaît une immense harpe, le haut touchant le ciel, le bas posé sur un piédestal de pierre grise, claire. Le terrible vent d'Avignon parcourt ces murs et il me semble y avoir entendu de ces faux accords sans délivrance. » et j'ai admiré avec sourire de travers la force poétique de son imagination (en fait, l'était pas si fort le mistral, mais assez costaud, plus que moi).

samedi, janvier 01, 2011

«Ce jour n'est pas le plus heureux que je puisse concevoir, il me faudrait avoir vu le spectacle à côté de Victorine m'aimant comme je l'aime et avec une fortune assurée, 6.000 francs de rente par exemple. Alors il n'y aurait eu que mon léger mouvement de fièvre qui m'eût gêné, mais probablement alors il n'eût pas existé, le bonheur l'aurait chassé, comme le mal-être, je crois, le fait naître.

Ce jour est donc d'une superbe médiocrité de bonheur...» Stendhal – 10 nivôse, dernier jour de l'année 1804 - «Journal»

«Là, devant moi, s'étalent les épreuves , les placards qui doivent partir aujourd'hui. J'ai l'impression de traverser un champ d'orties brûlantes. Je n'ai même pas envie d'en parler dans ce journal.

Je suis peut-être de nouveau sur un de ces sommets où j'écrirai deux ou trois petits livres, rapidement, avant de m'offrir une autre interruption. Du moins je possède assez d'expérience pour continuer. Aucun vide en moi. Et pour le prouver, je vais rentrer à la maison, me mettre en quête de mes notes sur Gibbon, et commencer à dresser soigneusement le plan de l'article.» Virginia Woolf – 31 décembre 1936 - «Journal d'un écrivain»

«Levé à quatre heures et demie. La pluie crépite sur le toit. Je taille dans le vif de ce que j'avais écrit, écarte généralités et pédanteries, me détache, à grand-peine, de ce qui était fait, écrit, acquis (apparemment) pour repartir à nouveau frais, en suivant l'ordre naturel, laborieusement dégagé, des idées. À la difficulté de la tache s'ajoute celle qu'on «éprouve à sacrifier des pages qu'on avait âprement disputées à la confusion où les choses sont ensevelies aussi longtemps qu'on n'y a pas fait âprement réflexion. Cela m'occupera jusqu'à midi avec, toutefois, un petit intermède manuel. De deux poupées ashanti, fabriquées il y a cinq ou six ans et pareillement ratées, j'en tire une seule, correcte, après avoir rectifié la tête, ellipsoïde, de la première que je rends discoïde et greffe sur le col de la seconde.» Pierre Bergounioux tel qu'en lui-même– 31 décembre 1997 – «carnet de notes»

«Plus tard, Nathan avait fini par aller se coucher vers onze heures, excédé de fatigue. A minuit, nous nous sommes embrassés sous un rameau de gui, et comme les pétards nous y invitaient dans la rue, j'ai mis son manteau à Madeleine et nous sommes allés faire un tour dans le quartier, nous avons croisé une bande de jeunes qui faisaient claquer quelques pétards et feux de Bengale, nous nous sommes souhaités la bonne année, eux surpris qu'un adulte promène sa petite fille blonde dans les rues et moi surpris par leur politesse à notre égard, des poignées de main que l'on devrait se donner plus souvent.» Philippe de Jonckeere - 31 décembre 2004 «Désordre – un journal» http://www.publie.net/fr/ebook/9782814500112/désordre-un-journal

Temps mou. Jacinthes s'écroulant sur elles-mêmes sur la table de la cour. Rien, sereinement rien. Petite chasse aux 31 décembre les plus proches de ma main et ma mémoire. Piste, patate douce, chocolats presque sublimes avec recueillement et interrogation interne. «Litanie» de Daniel Bourrion

«... chapelets durs et tellement longs dans les soirées du mois de mai dehors c’était l’éveil du monde et nous dans la chapelle à nous meurtrir genoux

... au moins par les vitraux on devinait la belle lumière jouant sans nous

... à avoir froid aussi les murs épais retenaient l’hiver manière de pénitence..»

programme pas sans charme, si l'on excepte la patate douce. Bigetoun ou Brigitte Célérier – 31 décembre 2010.

et pour l'avenir, pour le monde, l'Europe, la France, je souhaite qu'il ne soit pas trop déterminé par notre récent passé, pour moi, pour nous, je vous laisse le choix des rêves. Dans ce faux suspens du temps que nous avons créé avec le calendrier, où nous voulons croire que la réalité est flexible.

vendredi, mai 21, 2010

Le mistral a malmené le ciel, le silence, notre sommeil, ne sais depuis quand, depuis un peu avant l'aube pour moi (et je m'étais endormie contre lui), emportant mes vagues projets d'une visite à Hubert Robert chez Angladon et, en face, aux écrivains russes de Ceccano, ancrant en moi un refus de la journée, une vacuité sur lesquels il régnait avec telle insistance que j'ai occupé le petit éclair qui subsistait dans mon crâne cotonneux à le pister, incapable de me limiter à quelques allusions, enjambant seulement les répétitions trop manifestes et les compliments qui lui sont souvent adressés, lorsqu'on pense à lui en son absence ou dans le premier jour de son installation quand il nettoie le ciel.

En commençant par les anciens, et le didactisme

«Comme le pays qui lui fait suite vers l'intérieur, elle est toute entière exposée aux vents et surtout aux rafales du mélamborée, qui est un vent âpre et violent. On prétend que ce vent entraîne ou roule parfois des pierres et qu'il peut, de son souffle, précipiter des hommes à bas de leur char et les dépouiller de leurs armes et de leurs vêtements.» Strabon

Nos vêtements étant plus fermement arrimés que les toges ou voiles nous restent, mais il a su me faire décoller et atterrir rudement.

«Dans la Narbonnaise, le vent le plus célèbre est le mistral que nul au monde ne surpasse en violence. Il porte les navires de la Gaule au port d'Ostie, à travers la mer de Ligurie, le plus souvent en droite ligne" Pline le Jeune

"Les Gaulois de la vallée du Rhône voyaient en lui leur dieu le plus effrayant ; ils lui dressaient des autels et lui offraient des sacrifices ; les Provençaux le considéraient, avec la Durance et le Parlement, comme une de leurs trois grandes calamités." Élisée Reclus

«Il commande l'architecture de la grange ou de la ville et mène le terroir à sa fantaisie. .. se jette sur les granges qu'il prend à bras-le-corps comme pour les renverser, interrompt d'un rugissement de lion ou d'un hurlement de loup les conversations aimables tissées dans la tiédeur du palier. ... Les tempes semblent martelées, les oreilles pourfendues, et l'on dirait que des milliers d'aiguilles pénètrent dans la peau qui s'écaille. " Félix Grégoire

"C'est pour se garder du mistral et lui casser les ailes à tous les tournants, qu'on a bâti ces milliers de petites rues étroites et courtes se coupant à angle droit, quand ce n'est pas à angle aigu, dont les vieux noms pittoresques me ravissent," Paul Arène (qui a beaucoup écrit de lui) pour retrouver Avignon

«J'étais hors d'état d'avoir aucun plaisir. Un mistral furieux a repris depuis ce matin ; c'est là le plus grand drawback de tous les plaisirs que l'on peut rencontrer en Provence..... On ne sait où se réfugier ; à la vérité il fait un beau soleil mais un vent froid et insupportable pénètre dans les appartements les mieux fermés et agace les nerfs de façon à donner de l'humeur sans cause au plus intrépide.» Stendhal

J'en jette beaucoup, mais, un peu hors sujet, pour la joliesse :

"De la fenêtre, on voyait les oliviers, avec leurs couleurs d'écailles de poisson, qui bougeaient dans le mistral comme ces sardines qu'il voyait jadis grouiller dans le canot de son père, en Sicile, ils avaient tout à fait la même couleur argentée.." Romain Gary

ou "Elle les lavait et les peignait interminablement à la fontaine, sauf les jours de mistral où elle en faisait des nattes très serrées, liées par des rubans. On pouvait dire si le mistral serait méchant ou non, d'après l'arrangement de ces nattes." Consuelo de Saint-Exupéry

"cela, sans dessus dessous, recevait d'aplomb le soleil provençal, âpre à son premier réveil, plus âpre par l'aridité du mistral qui s'y mêlait par moments. Double trait qui traversait la transparente créature" Michelet (la Mer)

"Les langues toutes gymnastes, agiles, accentuées... elles font un écho sec au mistral au soleil, ou bien c'est le paysage lui-même qui peu à peu a pris cet accent" Fred Griot (Visions) Ces deux dernières citations aimablement fournies par la recherche de mots de Publie.net

Parce que j'aurais pu reprendre ces mots :

"Ohé ! vieux bavard de vent,

Veux-tu bien vite te taire ?

Tu souffles par trop souvent,

On n'entend que toi sur terre." Alfred Béjot

et, revenant dans ma ville

"les grands coups de mistral, francs comme des bourrades ; ses ronflements de tonnerre dans les cheminées de la rue du Portail-Matheron ; les pierres dorées, veloutées par la poussière et par l'usure ; les roseaux de la Barthelasse.. " Edmond Jaloux (quand la flamme décline)

Il a beaucoup faibli au cours de la journée, mais j'étais aussi entêtée et de mauvaise fois que les députés UMP dans la défense du bouclier fiscal, et d'ailleurs de bonnes grosses bourrasques venaient régulièrement affirmer sa main mise sur nous.

Voilà, voilà

Et comme il a faibli des nuages nous sont venus (la dernière photo vient de mes archives)

dimanche, février 11, 2007


il y a un avantage à être inculte, c'est le nombre effarant de découvertes qui demeurent devant vous. Je n'avais jamais lu W.G. Sebald et le dois avouer que je n'en avais jamais entendu parler (compte tenu du cadre de ma vie ces dernières années c'est relativement normal) et j'ai plongé jusqu'à l'apnée cette nuit dans Vertiges. Je suis un peu clouée chez moi entre temps et carcasse et me réduis à des dérives entre sommeil et blogs et à ce monde qu'il nous transmet, entre vie d'étranger et littérature.

Un cadeau pour Céleste si elle passe par ici - quelques lignes sur le réel ou imaginaire voyage de Stendhal et de la Ghita (et je redécouvre que mes exemplaires déliquescents de De l'Amour et de la vie d'Henry... peur de orthographe - ne m'ont pas suivis, à racheter) : Se reposant le jour, voyageant de nuit, ils franchissent les collines de l'Emilie-Romagne et traversent les marais de Mantoue baignant dans leurs bancs de brumes sulfureuses, pour arriver au matin du troisième jour à Desenzano, sur le lac de Garde. De sa vie, il n'a jamais ressenti aussi intensément la beauté et la solitude de ces rives, écrit Beyle.... leurs soirées dans une barque sur le lac, ils virent à la nuit tombante les plus étranges nuances de couleurs qui soient et vécurent des heures de quiétude inoubliables.
zut ! je voulais que la photo mal prise de mon petit monde nocturne vienne ici. Pour Vertiges il y a 267 pages de bonheur, avec Kafka, Cazanova, Sebald surtout et sa façon de voir et penser les gens et les paysages. Comme cette arrivée en train à Milan, assis face à une franciscaine et une jeune lectrice de roman-photo qui absorbées dans leur lecture l'on réduit à se plonger dans un vieux manuel de langage italien : Elles étaient maintenant toutes les deux penchées en arrière sur leurs sièges, éclairées par la lumière du couchant, l'une rasée sous sa coiffe blanche, du moins me l'imaginais-je ainsi, l'autre entourée de sa merveilleuse chevelure bouclée. Déjà nous entrions dans la gare obscure qui nous transformait tous en ombres. Le train ralentissait toujours plus; le grincement des freins s'exaspéra jusqu'à la limite du supportable - et cette merveilleuse distance de l'imparfait, qui spiritualise en le tenant à distance, ce qui l'entoure et qu'il décrit si précisément.

mardi, juin 20, 2006

J'aimerais tant être à Paris pour tous les bonbons, ou concerts, du Festival Agora, y compris, surtout, les inconnus. A l'Ircam, je ne sais pourquoi, la salle, malgré la série d'escaliers qui plongent vers elle, m'était confortable.
Hier matin pendant que j'étais sous la douche, j'entendais vaguement, sur France-Culture, les lundis de l'histoire - le thème était l'Italie - et Rome au moment où je sortais de la salle d'eau, avant, après ou pendant une évocation de Mazzini.
Flemme de sortir - Après les pâtes et l'aïoli, j'ai repris, dans la flaque de soleil de la cour, de vieilles photos et les "Promenades dans Rome" de Stendhal. J'ai pris un coup de chaud, mais les faux souvenirs de Stendhal ne donnent rien qui me séduise sur le Palais des Conservateurs au Capitole (la coquille) ni l'arc de Septime Sévère, et j'ai flâné.

Un clin d'oeil : "Madame Lampugnani nous a menés... au concert que donnait Mme Savelli. La musique était plate, ce qui ne m'a pas surpris, elle est du maestro Donizetti."
L'amusement de penser que ce qui suit, dans sa précision, est peut-être une fiction : "ce soir, enveloppé de mon manteau, car nous avons la tramontana, vent fort incommode, j'ai parlé d'antiquités jusqu'à neuf heures ; ensuite je suis allé écouter un acte de Donna Caritea, opéra de Mercadante. J'ai passé ainsi une soirée sans parler à une femme et sans ennui. M. N. veut bien me prêter un Suétone... Je compte demain aller lire une vie ou deux dans le fauteuil de bois qu'un Anglais a fait placer tout au haut des ruines du Colisée".
Et le plaisir de retrouvailles : "On parle encore à Rome du cardinal de Bernis... C'est que ce cardinal était magnifique et poli ; c'est aussi tout ce que l'homme privé, s'il est prudent, voit d'un grand seigneur" et en l'occurrence c'était aussi bien.
J'ai laissé Stendhal à ses listes et ses considérations sur les conciles mais j'ai pris, pour dîner, "Rome, 1630" d'Yves Bonnefoy, à la recherche de Saint Charles-aux-quatre-fontaines, ma chère préférence. "Borromini.. les réseaux d'une émouvante musique, où chaque forme, essayant de sortir de soi, se lie à une autre forme et une autre encore,par une rythmique très subtile, mais sans faire jamais que reconstituer à un plus haut niveau de complexité le malheur de la forme close. Musique subjective, moderne, de nostalgie : mais qui ne sait que manifester le temps humain qui s'angoisse en vain et se perd." Je prends presque autant de plaisir au goût de ces mots, qu'à l'ambiguïté du plan et au délicieux raffinement des détails.
Et je ne suis pas allée jusqu'à Moravia.
râge et nostalgie en hommage au Musée de l'Homme Posted by Picasa