jusqu'au 1er décembre
soyez sages et heureux
divagations
Jour de belle lumière que j'ai laissée vivre sa vie sans moi sur la ville avant dem'en aller comme la nuit tombait vers la place Saint-Jean-le-Vieux
la nuque gelée
buste et ventre étrécis
pieds frigorifiés
marcher à bien trop grands pas
attendre sur la place
un M en retard, à la grande carcasse beaucoup trop légèrement vêtu... va falloir y remédier, mais pas le temps ce soir.
Vent qui chantait rude dans la nuit et ce matin, mais glaçait et secouait moins, un peu, permettait une marche plus souple (et le très laid décor de Noël est arrivé sur la place)
rue Joseph Vernet
lumière mangeant les yeux
et feuilles gisant
Monter dans la nuit vers la place de l'horloge et l'opéra
pour assister à deux « opéras » qui n'avaient en commun que leur brièveté et la musique de leur compositeur, Ravel
« l'heure espagnole » que Ravel désignait comme une « comédie musicale » sur un livret de Fran-Nohain, dans un arrangement pour petit orchestre de Gabriel Groviez (que la critique, en 1911, trouva trop osé et même pornographique...)
https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Heure_espagnole , en fait charmant, inventif
(en coproduction avec l'Opéra de Tours, l'Opéra de Monte-Carlo et l'Opéra Royal de Wallonie)
(ci-dessus comme ci-dessous photos Mickael&Cedric – Studio Delestrade trouvées sur la page Facebook de l'Opéra
et « l'enfant et les sortilèges » « fantaisie lyrique » en deux parties sur un livret de Colette https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Enfant_et_les_Sortil%C3%A8ges , décidé en 1916, dont la composition commençait en 1919 et qui fut créé en 1925 (production de l'Opéra de Monte-Carlo comme lors de la création)
« « Chère Madame,
Dans le même temps que vous manifestiez devant Rouché le regret de mon silence, je songeais, du fond de mes neiges, à vous demander si vous vouliez encore d'un collaborateur aussi défaillant. L'état de ma santé est ma seule excuse : pendant longtemps, j'ai bien craint de ne pouvoir plus rien faire. Il faut croire que je vais mieux : l'envie de travailler semble revenir. Ici, ce n'est pas possible ; mais, dès mon retour, au commencement d'avril, je compte m'y mettre, et commencer par notre opéra. À la vérité, j'y travaille déjà : je prends des notes, sans en écrire une seule, je songe même à des modifications... N'ayez pas peur : ce n'est pas à des coupures ; au contraire. Par exemple : le récit de l'écureuil ne pourrait-il se développer ? Imaginez tout ce que peut dire de la forêt un écureuil, et ce que ça peut donner en musique ! Autre chose : que penseriez-vous de la tasse et de la théière, en vieux Wegwood (sic) noir, chantant un ragtime ? J'avoue que l'idée me transporte de faire chanter un ragtime par deux nègres à l'Académie Nationale de Musique. Notez que la forme, un seul couplet, avec refrain, s'adapte parfaitement au mouvement de cette scène : plaintes, récriminations, fureur, poursuite. Peut-être m'objecterez-vous que vous ne pratiquez pas l'argot nègre-américain. Moi qui ne connais pas un mot d'anglais, je ferais comme vous : je me débrouillerais. Je vous serais reconnaissant de me donner votre opinion sur ces deux points, et de croire, chère Madame, à la vive sympathie artistique de votre dévoué. - Maurice Ravel » .
Je reprends sur le programme de salle une partie de la note d'intention de Jean-Louis Grinda metteur en scène des deux œuvres (qui ont également en commun le Directeur Musical Ribert Tuolty, la chorégraphe | en fait tous ou presque tous les déplacements sont dansés surtout dans le cas de l'enfant | Eugénie Andin;le décorateur et costumier etc... auxquels s'ajoute pour « l'heure espagnole » Louis Lavedan auteur des dessins et ambiances aquarellées... et deux des interprètes Anne-Catherine Giillet qui chante A Conception et B la bergère et la chouette, et Ivan Thirion qui chante A Ramiro et B l'horloge comtoise et un chat)
« … Ma réflexion est partie de l'Enfant pour lequel je ne voulais pas voir de chaise qui chante, d'horloge qui parle, de tapisserie qui s'exprime. Avec Rudy Sabounghi (le créateur des décors et des costumes) nous avons donc développé un scénario qui ne trahisse pas l'oeuvre mais qui la fait voir sous un jour nouveau... Proposant ainsi une vision très réaliste de l'oeuvre, nous sommes donc partis de manière inversée sur un traitement totalement imaginaire de L'Heure Espagnole. Dans un décor de bande dessinée, peint à l'aquarelle, nos cinq protagonistes s'agitent en tout sens, se parlant sans jamais se regarder, pour s'adresser toujours « face public », cassant ainsi l'idée de tout réalisme dans cette irrésistible comédie ».
Laquelle n'est plus franchement regardée de nos jours comme pornographique mais comme une farce joyeusement enlevée comme la musique.
Contrairement à ma voisine, après avoir ri j'ai tout de même préféré la joyeuse féérie de l'Enfant qui n' a vraiment pas besoin que l'on ajoute des travestissements à son côté naturellement onirique, et la délicieuse variété des musiques dont s'inspire Ravel.
Pas de voix extraordinaires mais une belle unité et des sourires et rires en bel élan s'accordant à la musique. (bon, c'est mal dit mais le public était tout souriant, et il'y a à mes yeux aucune faute de goût dans la farce et la fantaisie)
Suis sortie avec crainte de ne pas être capable d'un aller et retour Rosmerta plus la tension nécessaire pour les exercices ou devoirs (à vrai dire ai annoncé mon renoncement mais sans conviction), ce qui était meilleur façon de ne pas y arriver. De fait sur le pas de la porte j'ai retrouvé le vent glacé, pas excessivement fort sans doute mais bien trop pour moi, et me suis contenté de trois quart d'heure d'errances tête baissée et en privilégiant les passages et rues choisies selon leur orientation, jusqu'à la rue Racine négociée pliée en deux avant de descendre vers le fleuve et le souffle.
Et puisque' il y a deux jours ai publié ma contribution au 15 de l'atelier enfances de François Bon, je recopie, l'introduisant par la photo d'un bol qui m'a souri, même si le personnage évoqué par l'infinitif du texte est certainement très nettement plus âgé, mon texte pour le #4 « un petit 38 »
l'oreille
Un bonjour tonitruant dans le couloir, les retours de classe, les pas dans le couloir vers les chambres d'enfants. Tourner avec précaution la tête, appuyer joue gauche sur le drap, faire face à la porte, le bec de cane remue. Entrouvrir paupières, juste une fente, regard filtré par les cils, bouche un peu ouverte comme quand on dort. Une tête, yeux verts attentifs, cheveux noirs bouclés au dessus d'un nez et d'une bouche pincés par l'hésitation, passe, puis le corps, elle entre, sur la pointe des pieds avec ostentation, pour marquer son doute devant ce sommeil affiché, d'ailleurs elle parle, dit que Maman va venir, qu'elle elle ne fait que passer, dépose cartable, sort un cahier, un livre, prend un bonbon dans la coupe sur notre bureau, sort. La tête oublie d'être lourde, se mobilise sur le refus de ce qui va venir. Attendre. Le soleil s'insinue par la fente des volets, vient frapper le mur près de la porte ; fermer complètement les paupières pour ne plus attraper par les yeux la tache de lumière qui fait battre la fièvre dans les tempes douloureuses. Attendre. L'air de la porte qui s'ouvre à nouveau, la voix qui ne tient pas compte de la fermeture des yeux, du refus, les mots qui se veulent souriants, qui exigent la coopération. Soupirer comme on acquiesce de mauvais gré, appuyer les mains sur le drap, pousser les fesses en arrière, s'asseoir. Elle pose sur le lit une cuvette, des compresses, un flacon et la barbare seringue accueillie par un regard qui se veut sombre et une crispation de l'épaule. Elle tire à elle le bras gauche, elle se penche, dit « hop » et l'aiguille s'enfonce suivie d'un liquide que refuse le muscle, elle chantonne, range flacon et seringue, susurre « brave fille » en réponse à la grimace. Un moment de pause, un échange de regards avant le moment détesté. Elle appuie sur l'épaule. Se laisser aller, s'allonger, tourner la tête vers la fenêtre pour en finir plus vite. Détester le visage amusé que le coin de l'oeil capte pendant qu'elle se penche, verse de l'eau tiède, regarde, se félicite d'avoir fait une aussi jolie oreille. S'absenter pendant qu'elle nettoie, se redresse, range son attirail, crie un « j'arrive » et sort. Par la porte qu'elle n'a pas fermée le regard intrigué et vaguement inquiet du petit frère. Regarder le mur face au lit, ne plus être là ni maintenant. Un moment, « La Petite Musique de Nuit » de Mozart vient du salon, et puis des voix. S'asseoir, se pencher pour attraper, posé au pied du lit, « Les Quatre Filles du Docteur March », remonter les genoux pour caler le livre, au moment où la sœur arrive avec, en équilibre sur un plateau, trois verres, une bouteille de sirop, une carafe, des morceaux de pain et les trois quart d'une tablette de chocolat, lui sourire, voir derrière elle la soi-disant meilleure amie, son sourire appliqué et son gazouillis. Se préparer à la supporter.
Matin vent qui semble avoir molli après les claquements de volets oubliés par un/e imbécile mais qui reste assez vivant pour que dansent avec plus ou moins d'éloquence, fouettant l'air parfois, les branches du laurier de la terrasse supérieure et que tombent une partie des crottes du bandeau, matin relativement actif avec repassage minimum interrompu pour ne pas trop tarder à préparer déjeuner, remplacé par nettoyage des vitres de la porte fenêtre, presque satisfaisant pour une fois, frottage rapide de l'argenterie et pour effacer l'odeur horrible de l'Argentil, frottage un peu trop long des meubles pour le parfum aimé de la cire d'abeille... Cuisine pendant que l'ombre des branches balaie doucement le mur. Déjeuner assez tôt (pour moi qui le fait rarement avant 14 heures) le nez dans les « Choses vues » de 1850 de Victor Hugo, de façon à ce que vaisselle soit faite, table et papiers en position, pour attendre FB avec laquelle rendez-vous à 15 heures avait été pris pour aide et contrôle devoirs....
Ne rien entreprendre, écouter sur France Culture le Cours de l'histoire de lundi et mardi sur la marine que n'avais entendu que d'un bout d'oreille... Téléphoner à 15 heures 30, laisser un message disant que je sortirai à 16 heures.
Et petite rage au cœur partir à l'heure dite dans un vent un peu moins froid, un peu moins fort qu'hoer mais encore gaillard, rencontrant une lune en avance, une petite vierge rue Félix Gras que n'avais jamais remarquée, les décors de Noël en cours d'installation
des arbres apparemment intacts ou plus ou moins dénudés et des feuilles mortes de tous les tons un peu ternes tombées des platanes accompagnés de petits rameaux et feuilles d'un vert vaillant arrachés par Messire vent.
Mais honte à moi pas eu le courage d'aller jusqu'à Rosmerta et j'ai rempacé la réunion des bénévoles (deviens, un peu à contre-coeur mais volontairement, de plus en plus « honoraire ») par une infusion de thym dans l'antre.
Ciel bleu ardent ce matin, souvenir de tiédeur pour le nettoyage-pigeons... semblant d'activité, suis enfin arrivée à trouver porte d'entrée dans un texte qui me refusait et poursuivi sur ma lancée pendant un peu plus d'un quart de la longueur probable.. et puis ce mieux s'est dégradé, ai décidé de ne pas aller à Rosmerta (vais abandonner les bénévoles plus jeunes et vaillantes et en rester de plus en plus au lien/mails), lassitude s'installant ai sombré dans une sieste trop longue et profonde d'où j'ai émergé vacillante,
suis partie vers pharmacie et une petite heure de marche (qui s'est écourtée) cueillie dans la rue par un semblant de bourrasque et une fraîcheur qui faisait se remonter les épaules des passants, avançant les bras serrés.
soudain un vent froid
et pendant que cheveux sèches, pendant que dos récupère après ménage, prendre le recueil Poésie/Gallimard « Poètes de la Méditerranée », prélever trois fragments de poèmes
« Nous nous sommes exclus de l'espace informe de l'air
pour une terre soucieuse de combler ses excavations avec os chiffons aboiements
nous avons perdu cette mobilité qui faisait de nous des choses reconnaissables à leur contenu
viables entre azote et asphalte
nous nous sommes décolorés... »
Vénus Khoury-Ghata « les obscurcis » (Liban)
« Hors la vie qui court en arrière
Le visage d'un masque et mon visage
Si j'étais un homme enfermé dans une femme
Si j'étais une prière de phrases serrées
Si les monts de Jérusalem étaient dans les déserts de Beer-Sheva
J'ai traversé de nombreux déserts
Et je ne suis pas parvenue au Moriah
Maintenant je me sens dans ma patrie
Car j'ai soudain compris combien cette terre bouge
Et combien son tremblement est inconfortable
Et j'erre parmi les frères
Et certains vont d'Irak en Amérique
Et certains du Liban à Nicosie
Et certains d'Israël en Palestine
Et certains d'Israël en Israël en Israël
Et ils ne trouvent rien car Israël est absente d'Israël
Toi qui voulais être libre chez toi
Fabrique des ustensiles d'exil
Il n'est pas d'être libre au monde qu'on n'ait chassé... »
Haviva Pedaya « Coucher de soleil » (Israël)
«... Elle nous reconnaitra et elle pleurera
Elle se souviendra de nous et pleurera
Elle ramassera les cailloux et les graines
Et elle pleurera
Elle tremblera de froid
De la profondeur de l'exil
Et elle pleurera
Nous lui parlerons des champs de chardons
Des fruits de coloquinte
Des crimes des vents
Des griffes de la dispersion
De la cruauté de la nuit
De l'ardeur des soirs
Nous lui parlerons de la défaite
De l'amertume et de la perdition
Nous lui rappelerons les bourgeons des oliviers
Et elle pleurera... »
Taha Mohammed Ali « La colombe partie dans le train de l'hiver » (Palestine)