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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

samedi, septembre 18, 2010

Puisque vendredi matin, le ciel avait choisi de se nier, de se faire immensité blanche légèrement grumeleuse, puisque j'étais à l'unisson, j'ai choisi de puiser dans ma boite et j'en ai retiré (tant pis, c'est assez long et ne sais ce que cela vaut) deux textes envoyés à Liminaire, un jour de mai où Pierre Ménard avait organisé un atelier d'écriture «tentative d'épuisement d'un lieu parisien» place Stalingrad. Nous avions suivi les petites notations de certains participants (et leurs photos) sur tweeter. Pierre Ménard les avait regroupées et avait invité qui le désirait à participer en différé, à distance, ajoutant deux autres propositions d'exercice. Il reprend les textes écrits sur place sur http://www.liminaire.fr/spip.php?article595 mais je n'ai pas été capable de retrouver les deux autres auxquels j'avais préféré participer, peu capable que j'étais de voir la place, malgré mes souvenirs, autrement qu'à travers les yeux et avec les mots des participants, pourtant assez différents de l'un à l'autre, ce qui est assez passionnant à suivre.

Et en fait, j'avais un peu confondu les deux thèmes, mes petits textes pouvant à la rigueur être inversés.

Le premier, à partir d'un passage de «Entre» d'Antoine Emaz, consistait en : «Un paysage qui nous est familier, que l’on observe tranquillement depuis chez soi, un jardin, une cour, une place.Parvenir à l’expression la plus brève et la plus tendue pour décrire cet endroit, ce qui passe entre le dehors et ce qui nous est intérieur. Non pas l’état premier de la sensation, mais l’aboutissement de notre expérience au réel.»

Brigetoun :

Mon univers borné, volontairement borné. Quand je me lasse de l'écran, quand mes jambes le réclament, quand je veux faire le blanc, je me lève, je fais deux pas, je me tourne face à la fenêtre. Et d'abord, je vois. Le mur, avec ses pierres apparentes et les joints inégaux, qui ont plus ou moins bavé, les parements mal dégrossis, blessés, vivants. Juste devant moi, sur les trois quart de la largeur, il s'élève jusqu'au bas des carreaux les plus hauts, et au dessus, dans la partie cintrée, il y a, un peu plus loin, et selon la qualité de la lumière la distance, telle que je la saisis, varie, le mur, un peu plus haut, qui borde la cour voisine, et en perspective perdue, sur la droite, le haut de la maison abandonnée, pas réellement dégradée, sauf les volets de bois noircis d'humidité, et puis une petite terrasse ravalée, très blanche, qui fait suite, et des masses que je n'identifie pas, qui ressemblent à des containers, mais c'est vraiment dans le coin, je sais seulement qu'ils sont là, ils ne m'arrêtent pas. Et au dessus, le plus souvent, il y a un bleu irradié, glorieux. Et c'est en lui que je repose mes yeux, et alors les idées me viennent, pendant que mon regard glisse, revient sur les pierres, s'y ancre, et parfois, idéalement, l'idée prend corps. Je joue avec, je dévie, je la précise. Et puis, je me détourne, mes yeux passent sur la partie haute du mur, à gauche, après le tuyau où est peint du lierre, derrière mon olivier, et reviennent à mes volets de bois, aux murs jaune doux, et je passe à l'action, j'exécute vite ce que j'ai décidé si c'est sur un acte que je me suis arrêtée, ou je prend un papier et note, commence à écrire. Ou, à vrai dire, le plus souvent, je suis restée dans un rêve indistinct, dans une contemplation pure et distante, écoutant ce qui vient de ma chaine, musique ou paroles, et je renoue ma lecture là où je l'avais abandonnée.

Pour le second, à partir de «Smoky» de Lambert Schlechter : «Contempler ce que l’on voit depuis sa fenêtre et décrire le plus précisément possible le spectacle que l’on y observe. Ce qui se passe dehors même s’il ne se passe rien. Se retourner ensuite et décrire son intérieur. Ce que l’on voit chez soi, ou ce que l’on pense. Ce à quoi l’on rêve, ce qui nous tient à coeur. Composer son texte en passant d’un univers à l’autre à plusieurs reprises.»

Brigetoun :

Debout devant la porte-fenêtre, les plantes de la cour, le balancement dans une petite brise gaie de branches disproportionnées en quête de la lumière qui, violente au dessus de nous, n'arrive que pendant quelques brèves heures à descendre jusqu'au sol, la tache d'une fleur, ou de plusieurs, rose, bleu, rouge vif, selon mes derniers achats. Mon univers vide, peuplé uniquement des variations de l'air, lumière et vent. Je me hisse sur mes pieds comme si j'étais jeune et pleine d'élan, je bois un peu cet air, et puis je me retourne vers le comptoir de la cuisine, dans une zone encore éclairée, et rentre, tout de suite à côté, dans l'ombre, presque l'obscurité de mon antre. Coquille, douce, les rayonnages hétéroclites et les livres au classement aléatoire, au fond de ce grand cube, le chêne d'un dressoir devenu bibliothèque qui perd peu à peu son identité de legs paternel, la douce brillance du cerisier ciré de mon coffre. Le plaisir que j'ai à les voir, familiers, pas luxueux, d'une beauté humble mais réelle. Le confort de cet éclairage presque absent, doux comme du miel, et de la certitude de la lumière, là tout de suite, il suffit de se retourner, et d'avancer vers elle et la cour, le mur de droite qui est à cette heure-ci doré de soleil, les rares bruits qui parviennent, au delà de la maison qui borne ma vue, de la petite rue qui la borde, des remparts, avec la présence du fleuve duquel nous nous défions. Un extérieur limité, proche, à la mesure de mes désirs maintenant. Et puis je peux si je le veux y voir un espace plus grand, étranger, généralement un coin de mer entre des rochers, et les rochers où se blottir, ils sont là, dans la profondeur de la pièce.

11 commentaires:

Pierre R. Chantelois a dit…

Selon ce que je lis, cette petite cour intérieure était une réelle inspiration et les mots de l'auteure en sont une belle illustration. Il en va ainsi du regard depuis une fenêtre. Les pensées qui se dégagent de ce regard ne peuvent être inspirées par un sens profond de la poésie.

Lautreje a dit…

Les textes peuvent s'inverser, peu importe au fond, ils prolongent l'instant de grâce. Belle journée Brigetoun !

micheline a dit…

Subtiles correspondances entre ce que nous ajoutons de notre lumière intétieure à la patine d'un meuble et ce que le bleu du ciel instile dans notre intime ressenti

D. Hasselmann a dit…

Les commodes sont des meubles chauds, arrondis, comme enceintes de ce qu'elles dissimulent dans leur tiroirs.

Sans doute des lettres, des écrits, des cartes postales, des vêtements, des objets glanés ici ou là : un réservoir de mémoire, que l'on astique de temps en temps !

Michel Benoit a dit…

En prison, le ciel est par-dessus le toit si bleu si calme...

Brigetoun a dit…

un arbre par dessus le toit berce sa palme - je voulais y aller (expo en plein air) mais il pleuvait, me suis lavé les cheveux et surtout j'ai des ennuis avec mes jambes, elles veulent plus depuis deux jours (on verra bien)

Gérard Méry a dit…

J'ai cru à une image pieuse en déroulant ta première photo..repose tes jambes !!!!

joye a dit…

Tu dis d'avoir confondu, mais c'est heureux !

Comme m'a dit une prof d'art, dans l'art, tu ne peux pas faire une erreur.

L'écriture, c'est ainsi aussi, si tu comprends ce que je veux dire.

arlette a dit…

Regarder sans voir .......
comment décrire simplement ce que je vois de ma fenêtre ????
bel exercice à mettre en pratique assurément
Merci c'est très beau cette mer au loin .....dans les rochers du regard

andree wizem a dit…

je préfère le premier texte...
sous les va et vient il y a le cheminement de l'écriture et après la divagation le retour à la lecture
comme à la trame...

j'espère que le bleu de la courette va perdurer...

jeandler a dit…

Coté cour, côté jardin
Brigetoun au miroir