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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mardi, avril 19, 2011

Ce matin ai rencontré noble dame, sereine, muette et régulière, un peu sévère, si digne que légèrement sotte semblait, et son escorte

« Cloris, que dans mon coeur j'ay si souvent servie

Et que ma passion montre à tout l'Univers,

Ne veux-tu pas changer le destin de ma vie,

Et donner de beaux jours à mes dernières heures ? »...

François Maynard

« Je voudrois bien estre vent quelquefois

pour me joüer aux cheveux d'Uranie,

Puis estre poudre aussi tost je voudrois

Quand elle tombe en sa gorge polie »...

Etienne Durand

me semble que le cher homme battait la campagne, va pour le vent s'il est puissant, mais l'imaginer en poudre me semble difficile, et dans son délire il se trompe de Dame

et puis il y avait le plus aimable, je trouve

« Gros et rond dans mon Cabiet,

Comme un ver à soye en sa coque,

Je te fabrique ce Sonnet

Qui de nos vanitez se moque... »

Charles Vion Dalibray

mais ils étaient accompagnés de durs, rudes, violents garde-corps, mal résignés aux dédains de leurs dames (que l'on comprend peut-être)

« J'ouvre mon estommac, une tumbe sanglante

De maux ensveliz : pour Dieu, tourne tes yeux,

Diane, et voy au fond mon coeur party en deux

Et mes poumons graves d'une ardeur viollente,


Voy mon sang escumeux tout noircy par la flamme,

Mes os secz de langueurs en pitoiable point... »

Agrippa d'Aubigné

« Les vens continuelz, l'espais de ses nuages,

Ces esrans nuits remplis d'aspix, non de poissons,

Les cerfs craintifs, les ours et lezardes sauvages

Trancheront leur repos pour ouïr mes chansons.


Comme le feu cruel qui a mis en ruine

Un palais, forcément léger de lieu en lieu,

Le malheur me dévore, et ainsi m'extermine

Le brandon de l'amour, l'impitoyable Dieu. »...

Agrippa d'Aubigné.

Les ai quittés, j'avais à faire et puis, à vrai dire, ils avaient un petit côté usurpateurs, inspirés par ces temps mais produits par un autre, même s'ils ne manquaient pas de drue saveur.

Mais continuant, charriant mon sac rouge chargé de victuailles, ai rencontré ce couple en sa rugueuse simplicité, et entendu une voix

...« Il laboure le champ que labouroit son pere ,

Il ne s'informe point de ce qu'on delibere

Dans ces graves conseils d'affaires accablez,

Il voit sans interest la mer grosse d'orages,

Et n'observe des vents les sinistres presages

Que pour le soin qu'il a du salut de ses bleds. »...

Honorat de Racan

Que j'aime cette époque où l'on avait l'orthographe que l'on décidait.

Puis, un peu plus loin, un charmant profil perdu

« Mélise avoit la jupe blanche,

L'escarpin, le corps et la manche,

Les noeuds, la coiffe et le collet ;

Voyant cette brune ainsi mise

En plein midi, vous l'auriez prise

Pour une mouche dans du lait »

La Giraudière – mouche, il vous plaît de le dire, mais charmante, Messire.

Et m'attendaient, pour mes derniers pas, deux dames souriant discrètement

« Vous cachez votre sein, mais vous montrez vos yeux,

Qui de tout vaincre ont le beau privilege :

N'est-de pas me sauver du milieu de la neige,

Pour m'exposer au feu des Cieux ? »

disait, impromptu, ou il le prétendait, Charles Cotin.

pendant que ma voisine, ma plus habituelle, se récitait mezzo-voce ou un peu moins, mais j'ai entendu le premier ver, et me suis répété les trois suivants

« Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,

Et la mer est amere, et l'amour est amer ;

L'on s'abyme en l'amour aussi bien qu'en la mer,

Car la mer et l'amour ne sont point sans orage. »...

Pierre de Marbeuf

À vrai dire, n'ai pas retrouvé s'abyme ait fait lalala – et l'ai retrouvé, comme les autres poèmes, dans « Mon âme, il faut partir, anthologie de la poésie baroque française par Jorge Gimeno, découverte (et me suis ruée pour l'avoir, j'étais en manque d'un vieux recueil du 17ème de Garnier-Famarion, mort au champ de l'humidité de ma cave.

Et tant pis, pour les présents, avant de le refermer, je reprends un des sonnets de Jodèle parce que j'ai goût prononcé pour lui, pour la circulation des mots de vers en vers, pour le chant, la poésie qui résistent à la virtuosité.

« Comme un qui s'est perdu dans la forest profonde

Loing de chemin, d'oree, et d'addresse, et de gens :

Comme un qui en la mer grosse d'horribles vens,

Se voit presque engloutir des grans vagues de l'onde ;


Comme un qui erre au champs, lors que la nuit au monde

Ravit toute clarté, j'avois perdu long temps

Voye, route, et lumiere, et presque avec le sens,

Perdu long temps l'objet, où plus mon heur se fonde.


Mais quand on voit (ayans ces maux fini leur tour)

Aux bois, en mer, aux champs, le bout, le port, le jour,

Ce bien present plus grand que son mal on vient croire.


Moy donc qui ay tout tel en vostre absence esté,

J'oublie en revoyant vostre heureuse clarté,

Forest, tourments, et nuict, longue, orageuse, et noire. "

13 commentaires:

joye a dit…

Excellentissime ! ici, les têtes qui parlent sont, pour la plupart, aux restos de fast food.

***

Une effroyable horreur couvrait la terre et l'onde

Une effroyable horreur couvrait la terre et l'onde
Et déjà les démons menaient par l'univers
Les funestes oiseaux, les fantômes divers,
Et des songes légers la troupe vagabonde,

Quand Morphée emprunta la chevelure blonde,
Les roses et les lys qui n'ont jamais d'hiver,
Et mille autres appas d'un long crêpe couverts,
Dont aujourd'hui Phillis étonne tout le monde,

Et d'un pas languissant témoin de ses douleurs,
Il me la vint montrer, les yeux noyés de pleurs,
Et la bouche aux soupirs incessamment ouverte.

Qu'allez-vous entreprendre ? ô dieux trop irrités !
Si Phillis doit pleurer, qu'elle pleure ma perte,
Et que votre colère épargne ses beautés.

Jean Ogier de GOMBAULD (1588-1666)

***

Brigetoun a dit…

bravissimo et merci

Pierre R. Chantelois a dit…

Je ressens beaucoup de plaisir à relire ces belles poésies dans la langue de Montaigne. Et j'eus soudain une belle pensée affectueuse de ces lectures tout en douceur de Maria Casarès et Gérard Philippe sur les plus beaux poèmes de la langue française. François Villon, Agrippa D'Auvigné, André Chénier... Et vos photos ajoutent une belle dimension visuelle à ce doux souvenir. Merci

Dominique Hasselmann a dit…

Ces mascarons ont la durée devant eux.

JEA a dit…

Etrange manie que toutes ces langues tirées... Comme si bourgeois propriétaire aux initiales entrelacées souhaitait provoquer les passants, recracher la pluie quand elle dégouline.
A moins, autre hypothèse, que les maisons de médecins soient ainsi rendues identifiables ?

Lautreje a dit…

oh la belle prise : "la mouche dans du lait "! Délicat profil, je la vois gonfler sa jupe blanche et partir en riant !

Anonyme a dit…

Suis d'accord pour celui qui veut être poudre ... il a l'air d'en avoir dans le nez !
les pierres ont des secrets

micheline a dit…

pour escorter notre présent, ces vieux mots peuvent servir encore chacun à sa façon

Michel Benoit a dit…

Les six premières photos sont des têtes que je n'ai point photographiées.
Comment ce fait-ce ?
Ah oui ! C'est l'hôtel Danieli rue de la Ré (il y a aussi des lions tous pareils).
Comme il y a beaucoup de têtes, je l'avais mis de côté (comme l'Amirande et l'hôtel de Crillon). Et, finalement, je ne les ai toujours pas prises.
Les voilà, c'est bien !

Brigetoun a dit…

il en reste Michel, il est très boursouflé, et elles ont leur sève mais un sacré contraste de leur brutalité avec celles du 18ème (aucunes d'ailleurs n'étant contemporaines des poèmes)

Brigetoun a dit…

j'aime bien le commentaire de kouki, il est évident d'ailleurs qu'il va éternuer

arlette a dit…

Oh!! la la en suis toute rebiscoulée

Gérard Méry a dit…

Et donner de beaux jours à mes dernières heures, ...j'aurais aimé la trouver cette phrase.