Suis un peu à côté de l'Avignon culturel en ce moment et j'ai réalisé hier soir que le Parcours de l'art de cette année joliment baptisé « traces du futur » se tenait depuis le 8 octobre, avec peut-être moins d'artistes que d'autres années et juste dans quatre lieux qui fermaient dimanche soir... M'en suis allée sous ciel toujours absent (mais s'est crevé en bleu jusqu'à n'être que plaque dans l' après-midi) | notant en passant le courage des employés de la boutique Catimini qui se sont repliés sur d'autres marques de vêtements pour enfants dans l'automne qui commence à marquer quelques arbres, passant par le pharmacien pour arriver un peu avant onze heures aux Célestins... et ma foi s'ils sont peu nombreux (avec une très forte majorité féminine) ai trouvé des choses intéressantes pour leur démarche mais avec des œuvres qui fuient un peu les appareils de photo de qualité moyenne ce qui, en y ajoutant un passage flou de carcasse mienne au milieu de ma visite a nettement nui aux images...
œuvres séduisantes pourtant spécialement dans le cas de celle qui occupe le double bas côté double de gauche, Claire Chefdeville. J'avais photographiés certains cartels que je lisais avec attention pour renseigner une petite vieille à canne qui se refusait à comprendre « comment c'était fait » mais son site https://claire-chefdeville.com/ que, y retrouvant mot pour mot certains des textes je les recopie paresseusement, y ajoutant le début de son texte relatif à sa démarche : ... Je mets en œuvre des procédures d’empreintes d’éléments du corps, d’objets ou de lieux, chargés de mémoires et de blessures, avec des matériaux « à prise » : le mortier-colle, l’alginate, le latex et le béton. Ainsi, mes travaux ont une relation indicielle avec des objets qui sont en rapport avec la maison et le corps, avec ce qui fait tenir debout, ce qui protège et enveloppe .... L’empreinte fait émerger une présence paradoxale, celle de l’absence, conduisant mes travaux à interroger des mémoires, des transmissions et des blessures.
Séduite d'abord par les panneaux que des pinces à linge maintiennent sur un fil de fer à distance des parois de façon à laisser la lumière les traverser doucement pour révéler la matière ce que les photos ne rendent pas vraiment autant que l'aurais voulu, intitulés « Lavandières » Jusque dans les années 1960, les lavandières lavaient le linge au lavoir de Tholon à Martigues. Avec du latex, j’ai prélevé des empreintes des pierres de ce lavoir, pierres usées par les genoux des lavandières. Les trois empreintes sont accrochées ici comme le seraient les draps qu’elles mettaient à sécher. C’est une forme d’hommage à ces femmes lavandières, ces femmes du peuple, dont le travail et la place dans la société sont invisibilisés.
Ai moins aimé (par contre la photo était plus facile à prendre) « Cache tes épaules » Le cyanotype a été réalisé sur un drap familial avec un châle en laine tricoté par ma grand-mère paternelle. A la campagne, les femmes devaient couvrir leurs épaules dénudées. Cette technique de création utilise un mélange de deux produits contenant des ions ferriques réagissant à la lumière, ce qui donne ce bleu de Prusse. L’exposition se fait naturellement au soleil, avant qu’un rinçage à l’eau ne révèle l’image. Un cyanotype avec un objet de cette texture nécessite de travailler sous verre et la dimension importante de la pièce nous confrontent à des problématiques techniques importantes.
Plus difficile à saisir mais qui flattait mon goût pour les vieux linges « Trousseau » Ce projet consiste en l’empreinte, sur une couche fine de mortier, d’un dessus-de-lit crocheté par ma grand-mère. De la couverture en coton qui enveloppe le corps ou le lit, qui réchauffe et rassure, l’objet devient une sorte de revêtement de sol. Le mortier, pourtant matériau de construction assurant une solidité à l’ouvrage, est ici très fragile de par la fine couche étalée au sol. Ce sol, froid et cassable, ne pourra pas être piétiné. Le visiteur est face à un renversement, le tissu souple est devenu fragile et cassant, le vide est devenu plein, l’absence est présence. ...
Restait, carrément quasi impossible à montrer un projet en cours « Marie-Thérèse Jeanne 1812-1854 Ouvrière en soie » qui pour le moment se réduit à uns installation regroupant une empreinte de l'entrée de la maison de Marie-Thérèse Jeanne par frottage de feuilles de murier sur papier Wenzhou (à vrai dire il faut lire pour le savoir), un montage audio à partir d'enregistrements de lignes de machine d'un moulinage et un petit livret que l'on peut emporter … navrée je me garde le plaisir de le lire (fait et m'a passionnée comme toutes les rapides biographies de « petits ») me bornant, c'est déjà long à recopier sur le site des passages de l'introduction qui y figure (histoire qui semblerait presque trop belle pour être vraie)
Pour le Parcours de l’Art #28 à Avignon, j’ai souhaité travailler sur un projet porteur de mémoires de femmes dans la ville. J’ai décidé de m’intéresser aux ouvrières de la soie et aux lieux fréquentés par ces femmes, des “lieux matrimoniaux”. Les ateliers de la soie, filatures et moulinages ayant disparu à Avignon, j’ai débuté par une recherche documentaire. La seule entrée avec l’occurrence “ouvrière soie” sur le site des archives municipales, m’a conduit à un dossier «JEANNE Marie Thérèse, 1812 Avignon - 1854 Malaucène, ouvrière en soie».... J’apprends que Marie Thérèse Jeanne a été abandonnée en 1812 à l’hospice d’Avignon, qu’elle accouche d’un garçon, Guillaume dont le père, Antoine Jean Remond Capdevila, reconnait l’enfant.
J’ai été immédiatement interpellée par cette histoire. L’un de mes ancêtres a été abandonné en 1820 à l’hospice de Quimper. Il s’appelait Guillaume et a eu 5 enfants dont la dernière, Marie Thérèse, est mon arrière grand-mère. Il y a donc une étonnante résonance entre mon histoire et celle de Marie Thérèse Jeanne. Son fils, Guillaume, porte le nom de son père, Capdeville, alors que je m’appelle Chefdeville..
J’ai commencé à démêler le fil de sa vie en me laissant guider là où il me conduira.
Marie Thérèse Jeanne incarne tous les enfants et les jeunes femmes, ouvrières anonymes dans la soie. Je voudrais rendre visible la vie d’une femme, sa vie de labeur et par là même, de toutes les femmes, inexistantes dans les livres d’Histoire et les places publiques de nos villes et villages.
Et ma foi, même si la longueur de ce billet n'égale que ma paresse pour le rédiger, j'en reste là pour aujourd'hui... les courageux qui passent visiter Paume n'en auront pas fini avec le Parcours ni même les Célestins (même si serai nettement moins longue pour les autres)
11 commentaires:
Il est vrai que les tissus de la réalité (sans vouloir faire l'éloge des châles sur les épaules ou ailleurs) rejoignent parfois le tissu des songes : l'esthétique se laisse décliner - au beau sens du terme. :-)
merci pour ce joli commentaire Dominique
Amusée de retrouver Catimini Plume dans votre billet chère Brigitte (même si la situation de l'enseigne semble compliquée) ... Et un faible pour le "Cache tes épaules", le bleu sans doute. Bon dimanche à vous. Catherine alias Catimini
oh Catimini l'amitié crée des automatismes (sourire !) me pardonnerez vous de corriger ?
Vous êtes toute pardonnée (sourire)
Oh ! Comme j'aime le travail de Claire Chefdeville, particulièrement "les lavandières" et son travail d'empreintes... j'aime beaucoup aussi travailler sur l'empreinte... je suis allée sur son site et vraiment une belle découverte... j'y ai trouvé un lien (bien que différent) avec la démarche de Pauline Sauveur https://paulinesauveur.fr/ que j'aime beaucoup...
une très belle note merci
merci Maria, oui beaucoup aimé aussi
Je me suis surtout attardé sur les œuvres occupant le chœur de l'église, séduit dès l'abord par les incrustations...
Michel les ai aimées mais totalement loupées (et je fuyais ma contemporaine) donc j'en parle plus vite aujourd'hui (et pas des incrustations c'est vrai alors que...)
Le travail de Claire Chefdeville parle surtout aux femmes je pense
Travaux d'aiguille... c'est contagieux, je vais mouler mes ouvrages au crochet dans le mortier avant de les faire porter par mes modèles.
Euh Claudine c'est peut être un peu excessif là (rire) enfin heureusement ça sera fragile
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