Ils sont arrivés, venus de je ne sais où, un tendre père, son amoureuse, un petit double raisonnable, et le fils bien sûr le fils.
Ils étaient en sourires, mais aussi en durs frissons.
Ils disaient qu'ils venaient découvrir Noël.
Ils ont attendu.
Et puis à travers les cyclamens, le bruit de roues grinçantes, un cheval et un chariot, un peu décrépis, ou étranges assez, d'un flou irréel, et une voix de basse, sortant d'un corps efflanqué, une robe de bure, mais douillettement fourrée, un sourire timide et très chaud.
Ils étaient surpris, ce n'était pas ce qu'ils avaient cru.
Mais il le savait, il le leur a dit, et aussi que trop fins ils étaient, pour le gros homme rouge.
Il a commencé par demander, comme une entrée en parole sans importance, ce qu'ils désiraient – et puis les a regardé, encore, et pendant qu'ils discutaient de la réponse, un triomphe dans sa basse, en notes claires : il savait.
Dans le chariot derrière lui, a pris des ballots. Et c'étaient vêtements chauds, rêches étoffes brunes, qu'elles ont trouvées sans charme.
Il a souri à leur grimace, il les a aidé à s'y enfouir, et leurs visages émergeaient comme roses, et elles en ont ronronné.
Il a ouvert les derniers paquets, et c'étaient fruits secs, ceux qu'on appelle mendiants, étalés comme une tapisserie, des teintes rousses, des notes d'or doux terni, des beiges, et dans leur corps ont mis chaleur et force.
Ils l'ont remercié, reconnaissants mais en manque de rires, de rêves, de joie fusante.
Il a mangé avec eux, et puis leur a dit : qu'ils étaient en avance, que le gros homme rouge n'était pas prêt, qu'il était le remplaçant, là juste pour eux.
Il leur a demandé de fermer les yeux – et d'un cri rauque de les ouvrir.
C'était beau. Ils ont cueilli un peu de cette blancheur. Les enfants ont fait des glissades. Ils riaient, et leur mère aussi, les bras serrés autour de son corps.
Alors le vieux les a emmenés sur son chariot, dans une cuisine pleine de fumée. Une femme droite qui a ronchonné, car point n'était temps pour la neige, mais heureusement elle avait champignons d'avant, juste avant, du matin, cueillis avec la rosée.
Leur a fait une belle grosse omelette, leur a donné du vin chaud, et puis du chocolat pour les tiots.
Ils étendaient leurs jambes. Ils étaient si bien, même si avaient un peu mal au coeur.
La buée dessinait vagues sur les carreaux.
Le vieux a roté, a dit que plus n'avait de temps.
Ils sont remonté dans le chariot. Il les a laissé dans une ville de pierres sèches.
Se sont regardés. Ne savaient plus que faire.
Le père a hélé une femme qui s'envolait. C'était une déesse, peut-être juste une fée.
Elle leur a souri.
Elle a chanté et il y a eu des lumières, un peu folles et des gens qui flottaient.
Cris et musique. Trompettes et saxos. Batterie. Fouets qui claquaient. Un cirque tourbillonnant, qui montait, descendait, sur le mur. Des chevaux, des tigres, des dompteurs, très vite, et puis surtout des acrobates, roulant sur ce sol mouvant, sautant sur des trapèzes, des paillettes d'or, des clowns qui couraient, riaient et criaient échevelés.
Les yeux des enfants brillaient, la mère riait.
Mais le père s'en est allé, et ils l'ont suivi.
Là sur le mur il y avait les aigles, qui les attendaient.
Ils sont monté sur leur dos, le père et la fille sur le premier, et la mère et le fils sur l'autre.
Les aigles se sont envolés. Comme ils sont intelligents, presque autant que beaux et fiers, les ont ramenés dans leur pays.
Pour faire la fête avec les poissons, glisser entre deux eaux en suivant leurs virgules colorées, boire du vin de palme, s'allonger sur la plage, regarder les étoiles.
Brigetoun en faim et digestion, assumant d'être très bétassou.
Enfin, tout de même, sur une idée qu'a eu Michel Benoit en début d'après midi, est partie vers 18 heures 15 vers le mur des offrandes, en décidant d'oublier qu'il n'est lumières que de Lyon (et qu'à Lyon les lumignons traditionnels sont détrônés par des illuminations officielles) pour le mettre sous la protection des flammes.
Arrivée la première, a installé les deux bougies récupérées dans sa cuisine, et puis s'est brûlé les doigts en allumant les petites lumières que trop ont apportées, et puis a plaisanté, a écouté un garçon (de beaux appareils et certainement de belles photos) parler des puissances de douleur qu'exhalaient la prison, est restée poliment sceptique,
a répondu, avec les autres, aux passants étonnés qui trouvaient cela sympathique.
(la photo de neige me vient du Faucon http://falconhill.blogspot.com - et la statuette est de Titou)
12 commentaires:
Très belle fable, brige !
oui, et le mur des offrandes ... encore belle offrande de ta part tout ça :)
Bétassou ?
Très jolie histoire !
Fraîche comme un pinson !
un beau cadeau que tu nous fais là ! j'en ronronne.
C'est une balade avignonnaise. C'est la spécialité de Brigetoun.
avec un peu de Louvre et un brin de Roquemaure
Mais tu sais bien que je ne vois qu'Avignon !
Je retiens les amandes protéinées et ta dernière très belle photo
Belle série de photos. Coup de coeur pour la toute dernière.
...et moi les champignons cueillis dans la rosée de ta bétasserie.
Magnifique le mur des Offrandes et quelle heureuse idée. Espérant que la presse soit là!
Personnellement, je n'avais prévenu aucun journaliste.
Bien plus beau que les illuminations de Lyon très très ......sophistiquées
conte de Noël en prime
Merci à vous
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