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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

lundi, juin 29, 2009

Quand je marche dans les rues d'Avignon, je ne regarde pas que le ciel, et, surveillant tout de même de temps en temps où je pose mes pieds, je rêve parfois devant les maisons adventices posées sur les toits, et ces terrasses qui ont vue que je n'ai pas, soleil que je n'ai que peu, chaleur aérée que n'a pas mon four.
Je les collectionne. J'en choisis une, la première en laissant presque jouer le hasard et la regarde, y noyant ma vacance du jour.
Comme une pièce de leggo, ou d'un jeu de construction en gros bois, pour un enfant dont le regard l'aurait transformée, voulant y mettre du réel, faisant de ce solide un objet indécis, imprécis, flottant, perdu en rêve, sans existence ni vraisemblance, et, brouillant ses limites, se l'appropriant.
Comme une idée de maison, perchée sur roche, en Crête, ou oh ! n'importe où, fruste façade lisse, au crépis implacable - un artisan maladroit, ou pressé, ou bien insouciant - les menuiseries tachées - et derrière, en retour, en appui, une maçonnerie inégale, un bout de ruine, un rocher - et devant, un voile posé par l'imagination, ou plutôt une dalle, sur la fragile, ancienne, friable, solide, dure rondeur des tuiles - descendre , enjambant la fenêtre, y marcher, regarder la ville ou la mer.
Ermitage pour un ascète, non point caché mais exhibé, comme l'était la colonne d'un stylite fou, qu'on longerait avec indifférence - dans le refus de toute grâce, végétation de tubes, durement minérale - un plateau, sans rien qui arrête la pensée, et l'étendue où perdre les yeux - la prendre pour un appui aux ruminations brumeuses, en espérant mieux.
Mais, les yeux mi-clos, j'y vois plutôt le château d'un vieux cargo - les manches pour le souffle - et j'entends les bruits du port, les plaisanteries des dockers et marins, les cris pour guider, la grue qui grince, la descente des charges en cale, et nous sommes petits, bruyants et sales à coté des porte-containers qui n'existent pas encore - la cabine sent la peinture fraîche et le métal froid, et j'ai un peu mal au coeur - j'attends le dîner - puis on continuera à embarquer la cargaison sous des lumières fortes, avec de rares appels résonnant dans la nuit - demain soir, nous serons à Sète.

15 commentaires:

JEA a dit…

Vous savez qu'à bord des cargos fiables (non les passsoires pour cimetières de rouilles marines), se louent l'une et l'autre cabines pour passagers. Vous embarquez. Plus de repas, ni autres "taches" ménagères. Une autre (dé)mesure du temps. Pas de harcèlements (courriers, téléphone and so on...)
Retrouver des horizons sans fond. Et des cieux vertigineux. Rien des croisières débiles et autres voyages encadrés. Les équipages sont réduits, cosmopolites comme dirait l'autre. Peu approchent le Français. C'est partir pour aussi se retrouver ?!?

micheline a dit…

un ailleurs, autre chose loin n'importe où, en partance imaginaire, parce là où je vis ce n'est jamais assez et puis se retrouver toujours si peu loin du point de départ..au creux de sa mer..adoptive
et juste, ce matin, en ouvrant les yeux, je me disais: mais qu'est-ce que tu es venue faire là plutôt qu'ailleurs? plutôt que pas du tout?

Brigetoun a dit…

je l'ai fait plusieurs fois, il y a longtemps, juste pour traverser la Méditerranée - toujours rêvé d'un long voyage ainsi

pierre a dit…

Superbe texte, Brige!

La maison perchée - coiffée - la maison sur le toit.
Une cabane, une cabine, sur des pattes de poule
pour amoureux

Michel Benoit a dit…

Sète, son port, sa plage, son Musée International d'Art Modeste, j'aime.

DUSZKA a dit…

J'ai fait 40 jours de traversée de la Nouvelle Calédonie à Marseille, il y a plus de 40 ans ! Sur un cargo mixte, avec hublot de ma cabine sur le pont et l'odeur du copra. Les Marquises, Tahiti, le Pacifique en diagonale, le canal de Panama, Madère, Fort de France, l'Atlantique en diagonale et le détroit de Gibraltar et la belle bleue ! Seule avec trois enfants en bas âge. Après un séjour de trois ans à Maré (Iles loyauté). Mon mari, médecin militaire, était resté coïncé sur place obligatoirement par un voyage de De Gaulle ! Quelle traversée !
Aujourd'hui je me remets à rêver grâce à ton propre rêve. En fait, levée aux aurores pour la récolte des haricots verts - avant la cagna - puis conditionnent pour les conserves en gardant quand même de quoi déguster frais de chez frais ! Un vrai bonheur de campagnarde berrichonne !J'aime beaucoup t'accompagner "en ville" - une si jolie ville ! - pour ne pas voir que l'herbe de mon champ, les couleurs de mon potager, les odeurs de mon verger... et le lourd travail pour tout ça. A 72 ans ça pèse un, mais le résultat est si agréable. Si tu n'étais pas si loin je t'enverrais bien un panier de fraîcheur potagère...

Gérard a dit…

J'aurai pas confiance dans le château de ton vieux cargo

Michel Benoit a dit…

Duszka, tu a fais un des plus beaux voyages du monde ! Je t'envie !

JEA a dit…

Une édition actualisée de ce guide devrait sortir sous peu :
- http://livre.fnac.com/a1764994/Hugo-Verlomme-Guide-des-voyages-en-cargos-et-small-ships?PID=1
Pas de pub déplacée de ma part. Verlomme est le seul à avoir trempé sa plume dans cette encre-là. Hors snobismes et modes.

Brigetoun a dit…

les voyages ne me sont accessibles qu'imaginaires

albin, journalier a dit…

Des Esseintes voyage bien à Londres sans quitter Paris.

arletteart a dit…

A partir d'une fenêtre d'un balcon , d'une silhouette inventer une autre histoire ....tentation permanente ...images -imagine

tanette a dit…

Poursuis un peu le voyage, tu arriveras chez moi, je suis à 1 h 30 de Sète, seulement.

mire a dit…

chère Brigitte enchanteresse,
Il faut que je vous envoie un email pour voir si ce titre est ok. ha ha.


Merveilleux texte et oui c'est l'imagination qui retourne vers les étoiles notre première naissance.

pierre a dit…

Ne sont-ce pas les plus beaux voyages que les imaginaires ?