A l’initiative de Jérôme Denis (de Scriptoplis http://scriptopolis.wordpress.com/ ) et François Bon (Tiers livre http://www.tierslivre.net/spip ), le premier vendredi du mois est l'occasion d'un Grand Dérangement ou de vases communicants : un blogueur écrit chez un blog ami, et vice versa. Et pour ce vendredi d'août François Bon avait eu la gentillesse de me proposer un échange, en me suggérant une compilation de mon mois de juillet en festivalière.
J’ai pensé à l'heureuse surprise des lecteurs de "paumée" … et puis j’ai pensé à moi, et me suis trouvée bien embarrassée. Comment résumer, tirer quelque chose de longues tartines journalières notées sur le vif et d'une masse de photos (à la qualité brigetienne) alors que je stagne dans la dépression post-festivalière, corps et crâne en panne, me risquant tous les deux jours à peine dans les rues d'Avignon, dont la torpeur n'est plus secouée que par le passage de cars de touristes ?
En fait, heureusement vu le piètre résultat, il semble y avoir incompatibilité entre nos messageries ou les fées s’en sont mêlé, ma tartine ne lui est pas parvenue, et je n’ai donc pas reçu de texte de lui. Seulement, paresseusement, même s’il s’agit d’une redite, je m’en sers. Telle que. Parce que, même si ce n'est pas évident, j'ai mis un certain temps pour arriver à ce premier début de bilan.
Pendant un mois, suis sortie de mon antre pour profiter, juste un peu au delà de mes possibilités, de la "ville du théâtre", avec les consommateurs purs, les spectateurs plus ou moins élégants (avec désinvolture) de la cour d'honneur, et du "in", et dans ce dernier les amateurs (dont je suis) des petites formes, les habitués, les appliqués ou gourmets, ou engagés, ou professionnels, peu ou prou, (qui assistent aux conférences de presse avant les spectacles dans la cour de Saint Louis, aux émissions de France Culture qui, cette année, avaient lieu dans le nouveau conservatoire, aux débats variés, les plus agréables et intéressants dans la cour de l'école d'art, aux colloques, aux conférences.), ceux qui hument l'atmosphère de la ville, la foule, les parades, les bateleurs de toute qualité dont les désespérés, les acharnés du off qui arpentent les rues avec le gros catalogue, un plan, une montre et une bouteille d’eau et s'y perdent parfois, les spectateurs d'une belle programmation de films libanais, palestiniens, israéliens dans la salle d'Utopia, et l'attente et l'après film dans la cour, et ceux qui dégustent le charme et la belle qualité des lectures dans la canicule ou la délicieuse nuit de Calvet.
Je n'ose parler des spectacles de la cour d'honneur, mon impression désabusée (mais pas de sortie en fureur, juste un peu d'ennui) n'est pas en accord avec les critiques que j'ai lues, et n'est que la réaction toute personnelle d'une vieille amatrice inculte de théâtre, qui a beaucoup vu, et finalement pas si peu retenu (le festival il y a une quarantaine d'années, et une habitude de l'Odéon, la Colline, les Amandiers de Nanterre, Bobigny, Créteil, le théâtre de la Bastille et les Bouffes du nord principalement), et qui a besoin, pour endurer physiquement la durée des spectacles, outre l'entêtement et le désir de tester son endurance, d'être un peu distraite des refus parfois véhéments de sa carcasse par la force de ce qui est là, devant elle. Et à vrai dire, je dois me souvenir de moments d'acquiessement, des beautés de certains textes, de certaines images, de l'intelligence de partis pris de départ dans l'abord des textes, pour ne pas céder, la fatigue aidant un peu, au bougonnement de la vieille baderne devant la prétention de jeunes gloires qui y perdent le souci de l'os, du rythme, de la juste mesure entre le coup de poing et l'éparpillement, et de ceux dont la marque est la provocation tout de même très, très, relative et un peu obsessionnelle.
Pépites -
Des moments de bonheur, d'intérêt, ce qui me revient en première analyse.
La magie terrible et somptueuse des "inepties volantes" de Dieudonné Niangouna (accompagné par la musique de Pascal Contet et celle, douce ce soir là, des merveilleux platanes) dans la nuit du cloître des Célestins - je retrouve ce que j'ai noté : "Le texte s'essaie à l'énonciation, à la simplicité efficace et puis les images viennent peu à peu et les souvenirs et cela devient littérature très raffinée dans sa construction, poésie sans gratuité et c'est bien...L'accordéon enfle, en un son continu comme un monde dur de moteurs, et il est repris, amplifié. Début de récit et la langue se déploie, se trivialise, se disloque sans perdre le sens. Un peu plus tard, souvenirs d'enfance, en guerre, de Bukowski, l'ami, pas l'autre le connu, et de "nous avons tué ce juif de Socrate", de la ville où "les bonnes soeurs avaient planté des cochons dans la nature". Les ninjas et le rêve d'un royaume de sans bras… Violence de l'accordéon. La parole se fait oratorio et toute l'Afrique ou presque et sa littérature défilent… Des éclairs de lumière sur les parties hautes du cloître. Niangouna se tapit au bas d'un platane, près de Cointet, des onomatopées. Duo violent de l'instrument et de la voix, puis les mots émergent, s'imposent, seuls, lyriques…. Retour à un discours presque direct, simple, pour une fin de massacre. Langage de la rue transfiguré. Le lyrisme et les images sexuelles ou simplement horriblement violentes reviennent. Avec toujours un détachement. Les images se télescopent. Violence, tragique, colère et plaisir grand de cette langue. De plus en plus violent, de plus en plus lyrique. Les tueurs. Choc du corps se jetant sur un panneau métallique comme un gong. Et cela continue."
La magie terrible et somptueuse des "inepties volantes" de Dieudonné Niangouna (accompagné par la musique de Pascal Contet et celle, douce ce soir là, des merveilleux platanes) dans la nuit du cloître des Célestins - je retrouve ce que j'ai noté : "Le texte s'essaie à l'énonciation, à la simplicité efficace et puis les images viennent peu à peu et les souvenirs et cela devient littérature très raffinée dans sa construction, poésie sans gratuité et c'est bien...L'accordéon enfle, en un son continu comme un monde dur de moteurs, et il est repris, amplifié. Début de récit et la langue se déploie, se trivialise, se disloque sans perdre le sens. Un peu plus tard, souvenirs d'enfance, en guerre, de Bukowski, l'ami, pas l'autre le connu, et de "nous avons tué ce juif de Socrate", de la ville où "les bonnes soeurs avaient planté des cochons dans la nature". Les ninjas et le rêve d'un royaume de sans bras… Violence de l'accordéon. La parole se fait oratorio et toute l'Afrique ou presque et sa littérature défilent… Des éclairs de lumière sur les parties hautes du cloître. Niangouna se tapit au bas d'un platane, près de Cointet, des onomatopées. Duo violent de l'instrument et de la voix, puis les mots émergent, s'imposent, seuls, lyriques…. Retour à un discours presque direct, simple, pour une fin de massacre. Langage de la rue transfiguré. Le lyrisme et les images sexuelles ou simplement horriblement violentes reviennent. Avec toujours un détachement. Les images se télescopent. Violence, tragique, colère et plaisir grand de cette langue. De plus en plus violent, de plus en plus lyrique. Les tueurs. Choc du corps se jetant sur un panneau métallique comme un gong. Et cela continue."
Malgré mes ennuis de transport, et ma petite crainte d’être pour une fois déçue, l’ »Ode Maritime » de Pessoa, la beauté du texte et sa violence croissante, l’apparente austérité, les infinies nuances données par Jean-Quentin Chatelain
Une des déclinaisons de l'antiquité qui servait de base, de déclencheur, à plusieurs spectacles avec "sous l’œil d’Œdipe » de Jouanneau que j’ai aimé, qui murit dans mon souvenir - la guerre bien sûr, l’exil, le goût du pouvoir, et surtout le poème des rapports fraternels (dans tous les sens du mot), et la belle équipe d’acteurs.
La colère efficace, l’ironie féroce, face au mensonge de sa et notre société, de Pippo Delbono et son esthétisme.
Un petit spectacle doucement dérangeant sur l’attrait de la mort, du détachement, d’un québécois, Christophe Lapointe, « CHS », malgré le trop lourd dispositif scénique imposé à ma chère chapelle des Pénitents blancs.
Une des déclinaisons de l'antiquité qui servait de base, de déclencheur, à plusieurs spectacles avec "sous l’œil d’Œdipe » de Jouanneau que j’ai aimé, qui murit dans mon souvenir - la guerre bien sûr, l’exil, le goût du pouvoir, et surtout le poème des rapports fraternels (dans tous les sens du mot), et la belle équipe d’acteurs.
La colère efficace, l’ironie féroce, face au mensonge de sa et notre société, de Pippo Delbono et son esthétisme.
Un petit spectacle doucement dérangeant sur l’attrait de la mort, du détachement, d’un québécois, Christophe Lapointe, « CHS », malgré le trop lourd dispositif scénique imposé à ma chère chapelle des Pénitents blancs.
L’assez réjouissante insolence, l’apparente désinvolture, très (un peu trop) dirigée de la troupe de Dave Saint Pierre, et…. je me rends compte que cela pourrait s’allonger jusqu’à devenir de plus en plus insupportable, puisque j’ai vu un ou deux spectacles par jour pendant un mois, en dehors des lectures, expositions… et vie courante se glissant dans la ville réveillée.
La ville qui garde une effervescence réjouissante malgré une présence qui s’est intensifiée, depuis deux ans, des services d’ordre), le passage des paquets de foule aux petites rues presque désertes qui sont mon privilège d’avignonnaise, la recherche de l’ombre et le rayon de soleil sur la peau, et la chaleur solide où s’enfoncer (mais pas la clim que je fuis), le mistral qui ne fut vraiment méchant que la nuit de Mouawab, les tables où les gens s’attardent et les musiciens au coin d’une rue bien après minuit (et les enfants qui font du manège au lieu de dormir), les pas sonnant dans le calme vers une ou deux heures du matin, entre les belles pierres, après une journée ébouriffée, l’odeur des plantes dépassant des jardins, et celle des sacs d’ordure, les échanges paresseux, les cloîtres dans la nuit.
Trop longue suis, et sans grand intérêt pour qui n’a pas eu envie un jour de ce bain rituel. J’en reste là. Au cas où ceci n'est pas jugé décourageant, la chronique de chaque jour, brouillonne, illustrée, subjective trop, détaillée, peut être parcourue, en remontant dans le temps, à partir de http://brigetoun.blogspot.com/search/label/festival%202009 ou, pour en rester à l’aspect de la ville, les photos, dans une pagaille qui ne va pas si mal à la réalité, prises au gré de mes arrêts par mon petit appareil de fonds de sac ou de creux de main à http://picasaweb.google.com/celerier.brigitte/Festival200902
Trop longue suis, et sans grand intérêt pour qui n’a pas eu envie un jour de ce bain rituel. J’en reste là. Au cas où ceci n'est pas jugé décourageant, la chronique de chaque jour, brouillonne, illustrée, subjective trop, détaillée, peut être parcourue, en remontant dans le temps, à partir de http://brigetoun.blogspot.com/search/label/festival%202009 ou, pour en rester à l’aspect de la ville, les photos, dans une pagaille qui ne va pas si mal à la réalité, prises au gré de mes arrêts par mon petit appareil de fonds de sac ou de creux de main à http://picasaweb.google.com/celerier.brigitte/Festival200902
7 commentaires:
Merci encore, brige, pour tout !
Point de paresse ici, mais un appétit certain teinté de nostalgie et des photos parfois surprenantes à en éclipser le texte.
l'heure des bilans
pour un mois, un jour, une année, une vie..
-juste un peu au dessus des moyens..
-l'entêtement et le désir
-souvenir de moments d'acquiessement.....
-et les Pépites -
pourquoi dans l'un des plateaux de la balance une petite "tare" supplémentaire au détriment de l'équilibre?
Là n'et pas là la question sans doute.
Pour être franc aujourd'hui, je n'ai pu finir la tartine, question de régime !
Pour une publication, vos pages et photos quotidiennes attendaient. Vous venez ici d'ajouter l'introduction.
Ne manque plus qu'une maison d'édition (alors que les lecteurs - masc. gram. - s'impatienteraient).
Une belle moisson attendue.
Rien que du plaisir, gommant, taisant, oubliant (?) tes déplaisirs.
vos photos sont géniales...et grâce à votre texte j'assiste à la fin du festival avec cette ambiance particulière d'après fête, j'aime la manière dont vous l'évoquez, merci !
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