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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mercredi, novembre 11, 2009

petite chose asociale et transie, après charroi de bocaux, papiers et cartons, vers les remparts voisins, dans un petit vent froid et sous un ciel moutonneux, me suis renfermée dans mon antre solitaire, un peu cotonneuse et fumant trop - vide, de mon petit vide plat, je reprends sans presque les voir des images en réserve, au hasard, ou loupées, et m'en sert comme ponctuation entre les traces que, curieuse et papillotante, je garde de lectures picorées.

Nicolas Vasse, http://nicolas-vasse.blogspot.com/, en recherche pour sa peinture, s'est offert une encyclopédie de la peinture chinoise, et cite sur Facebook des passages des traités des peintres anciens, ce qui m'a renvoyée à « Souffle-Esprit » de François Cheng, ce petit recueil de passages des mêmes qui traîne toujours dans un des rayonnages « en vigueur », et je lui réponds par des sentences, mais ne crois pas avoir repris ce beau petit concentré (l'un des moins directement poétiques)

« Montagnes et eaux, herbes et arbres, procédant de la création naturelle, incarnent le Plein. L'artiste qui appréhende l'univers par l'esprit, et dont la main obéit à ce même esprit, incarne, lui, le Vide. Oeuvrant au sein du Plein, l'artiste doit fait paraître le Vide dans sa qualité d'être et de non-être de son pinceau-encre. Les Anciens comprenaient bien cela. Eux savaient rendre les coloris des montagnes et des arbres, la vivacité des eaux et des rochers ; et de plus créer par-delà Ciel et Terre une aura mystérieuse. Au gré de leurs inspirations, les traits qu'ils traçaient se dépouillaient toujours du superflu et conservaient l'essentiel ; ils attiraient le Vide originel et captaient les images invisibles. » Fang Shih-shu (dynastie Ts'ing)

et, passez, parce que longuette je vais être, dans le soir qui descend, car me plaît de noter que, dans cette petite case de ma mémoire, j'ai trouvé le mouvement, la danse puis, en sautant dans mon brouillard interne, sur un chemin assez peu linéaire, j'ai repris ces soirs-ci « le théâtre et son double » d'Artaud, en commençant par « le théâtre balinais »

« Chacun de leurs mouvements trace une ligne dans l'espace, achève on ne sait quelle figure rigoureuse, à l'hermétisme très calculé et dans celle-ci un geste imprévu de la main met un point.

Et ces robes aux courbes plus hautes que la fesse et qui les tiennent comme suspendus en l'air, comme piqués sur les fonds du théâtre, et prolongent chacun de leurs sauts comme un vol.

Ces cris d'entrailles, ces yeux roulants, cette abstraction continue, ces bruits de branches, ces bruits de coupes et de roulements de bois, tout cela dans l'espace immense des sons répandus et que plusieurs sources dégorgent, tout cela concourt à faire se lever dans notre esprit, à cristalliser comme une conception nouvelle, et, j'oserai dire, concrète, de l'abstrait »

et je dérive vers un autre regard occidental porté sur un théâtre oriental, avec Georges Banu dans « l'acteur qui ne revient pas », et la sueur du corps de l'acteur ou du danseur

avec le kabuki .. »Il y a là une forte dépense corporelle, mais le visage peint dissimule la sueur dont les gouttes perlées s'estompent dans le blanc du maquillage. On peut les apercevoir seulement si on est tout près. Le visage qui camoufle les traces de l'effort s'apparente alors à l'oeuvre d'art.. »

« Dans le buraku, par contre, la sueur du récitant fait partie de la beauté même de sa prestation. Il crie, chante, pleure, se lamente, jouant tour à tour les jeunes et les vieillards, les pères malheureux et les femmes abandonnées... N'étant pas assimilable à un seul personnage, sa sueur ne pénétrera jamais dans la fiction, pour rester seulement de ce côté-ci, du côté du travail du conteur. Si elle est extérieure à la situation jouée, elle n'est nullement extérieure au spectacle. Elle en accroît la puissance.... »

.. »Tanaka Min danse le corps couvert d'une fine couche de terre qui l'apparente à des êtres obscurs, nocturnes, auxquels souvent le bûto assimile l'espèce humaine... Il bouge lentement, avec de longs moments de concentration presque immobiles et, assez vite, la rosée de la sueur surgit... Le corps dégouline, mais la sueur en même temps le lave de la strate de terre, le nettoie, le purifie. A la fin l'eau des muscles à tout emporté... « Le signe qui saigne » dirait Danièle Sallenave."

et, comme j'en étais arrivée à un danseur japonnais, j'ai relu les quelques pages de la belle méditation d'Ushio Amagatsu « dialogue avec la gravité », jusqu'à la fin :

« Immobilité et mouvement, absence ou présence du son, ténèbres et lumières ; incessantes variations, perpétuelles oscillations du temps et de l'espace que l'on reçoit dans la frontalité. Entre les deux côtés, entre le regardant et le regardé, quelque chose doit advenir, vers quoi tend le corps dans son dialogue avec la gravité ; et c'est parce qu'il n'affronte là qu'une absence, que le corps est là, comme ce qui rend présent le monde. »

et puis suis allée fermer les volets de la cuisine sur la nuit précoce.

10 commentaires:

Nicolas Vasse a dit…

très bel article Brigitte ;)

JEA a dit…

3e photo :
les entrelacs des racines comme des empreintes vivantes du temps

jeandler a dit…

Quel parcours, quelle fluidité!
Les mots, les images se glissent dans ces paysages. La route est longue, demande une journée entière, sans crainte de la peine, à la sueur du front. Une âme pérégrine.

micheline a dit…

insatiable Brigetoun ...
par les chemins de l'inérable tu crée une nourriture de l'art
et du ressenti qui n'est quà toi

cjeanney a dit…

Le vide, l'absence, l'épuration, voilà que ma journée commence belle, dans ce rythme faussement indolent qui est en fait pointu, (ai pensé à Matisse aussi qui cherchait le trait ultime débarrassé des scories, et à cette nouvelle dont j'ai oublié le titre dans les nouvelles orientales avec le peintre et la réalité qui se croisent, le dialogue des deux semblable au dialogue du danseur japonais avec la gravité)

DUSZKA a dit…

Beau, doux, tout à fait en accord avec la saison, l'humeur, comme toujours plein de la délicate vision du jour qui s'écoule entre couleurs et balancements... Bonne journée chère Brigitte !

Muse a dit…

Pour moi c'est l'heure où, oiseau de nuit, je vais tenter de prendre l'air du large, sur le Vieux Port et rêver d'ailleurs...

Gérard a dit…

Je m'interroge sur tes deux dernières photos

Brigetoun a dit…

n'est ce pas ?

Nathalie a dit…

J'aime énormément tes images floues rosées ici. Même pas envie de savoir d'où elles viennent, je m'en nourris pour ce qu'elles sont, les prends comme un cadeau.