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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mercredi, mai 19, 2010

Deux jours de lumière revenue, de vent faiblissant jusqu'à devenir agréable, d'ego souffreteux, d'égoïsme à terrasser, et de lecture bienheureuse.

La lumière faisant chanter les ombres omniprésentes dans mes rues étroites, la peau des murs à peine effleurée, le charme des terrasses, une marche de moins en moins crispée par le froid, et mes retrouvailles avec les Halles, le plaisir des poissons en forme de poissons, des fromages dont on parle avant de les choisir et de revenir avec une cafetière neuve.

Et puis, en pauses dans la journée, debout dans un peu de soleil dans la cour, avec l'odeur du citronnier qui se dilate, ou devant le plan de travail de la cuisine, livre posé devant moi, plantée sur une jambe et tirant sur l'autre, de temps en temps, la fin de la découverte tardive de « l'orphelin » de Bergounioux.

Au delà de la violence extrême du manque qu'il exprime, en dehors de la rupture de lignée causée par le statut d'orphelin du père, ce besoin désespéré d'être vu, reconnu comme semblable, d'avoir contact, avec un de ses parents, qui peut guider la construction du moi, sans être universel, ni général, ni peut-être très répandu, me semble avoir été éprouvé par beaucoup, avec plus ou moins de prégnance. Lui (ou elle, car, finalement, ce besoin de lignée va de fils à père, et de fille à mère, même si dans ce cas ce peut être refus entêté, en renoncement) parmi tous ces blocs imposants auprès desquels on est un enfançon, «encore plus chétif que les hommes faits, lesquels sont minuscules, imperceptibles au regard des sommets», eux les adultes «toujours occupés, même quand on ne leur voyait pas d'activité précise, qu'on avait la légèreté de croire qu'on ne fait rien quand on est assis dans un fauteuil, les yeux dans le vague alors qu'eux l'étaient. Ils mettaient un temps considérable pour détourner leurs pensées de choses qui devaient être extrêmement compliquées, ajustées au dixième de millimètre, comme des machines-outils, ou vastes, encombrantes comme des buffets à deux-corps avec des rosaces, des colonnettes, des sculptures en bas-relief et des garnitures en bronze..»

La conscience que l'on a de leur faiblesse, et chez lui, le besoin, lui, petit, de protéger,et la croyance, plus personnelle, que c'est possible, si on fait effort.

Et le refuge, la violence évacuée, loin des yeux, sur les plantes, les arbres et puis l'impression de fraternité, d'union avec eux, si tous n'en ont la possibilité, ils leur trouvent des substituts, comme peut-être, plus tôt que chez lui où cela devient primordial, avec plaisir mais surtout acharnement parce que c'est là que doivent se trouver les réponses, et qu'il faut les trouver pour devenir, être, la découverte des livres.

«Si ce n'avait été ce livre là, par ce matin d'automne, c'eût été le lendemain ou l'hiver suivant, un autre livre écrit par quelqu'un d'autre, peu importe qui. Quand ce qui a eu lieu était capable de balayer l'océan et les plaines, de souffler comme pailles au vent des millions dont le moindre se jugeait singulier, important, qu'est-ce donc, pour lui, pour ce qui se passe, s'est déjà passé, de laisser traîner un vieux livre sur une table au moment où s'amène un type qui se prend pour tout ce qu'on voudra sauf pour un type et conçoit très sérieusement de devenir un morceau de fer, un bout de bois ou rien du tout.»

Et la navrance qui nous reste quand le contact se fait trop tard, même quand on a toujours su que la tendresse était là, réelle

«Mon père parlait. J'entendais sa voix sourde, que le temps, l'opiniâtre lutte à mort que j'avais soutenue pour vivre avait contrebattue, raréfiée, annuïe. Ce qu'elle disait, qui surgissait entre nous, dans le rayon jaune, c'était vraiment les choses, le temps où nous avions été enfants, mon frère et moi, les années de bonheur qu'il avait eues avec nous après avoir connu l'inquiétude et le chagrin, essuyé les fureurs d'un monde naissant partout à lui-même»

Il y a une force dans l'expression du désarroi, et une richesse d'images, que ne reflètent que mal mes citations mais je n'arrive pas à piller ce qu'il faudrait, peut-être par peur de détruire mon souvenir.

Et puis, en tentant de garder le livre ouvert, dans le cercle de lumière économe de ma lampe, une entrée, qui a fait de mon dîner une éternité, dans l'univers de «Ventôses» d'Henri Droguet, et le plaisir de ce lyrisme tranquille, cette voix simple mais avec le goût des mots de la terre, qui creuse sans violence, presque en silence, et profond

«Le vent ratisse à sa vendange

à chant confus les heures tournent

le ciel remue

dans l'amont dune haie les eaux rouissent

regard perdu

ternement des chiens jappent.»

ou

«Il reste un peu de nuit

étrangement.

L'herbe gerce et gercera.

Derrière la porte

il y a un oiseau qui se tait.

Il faut attendre»

9 commentaires:

Anonyme a dit…

je retiens l'odeur du citronnier qui se dilate et vague en jardin andalou ...

Michel Benoit a dit…

Je retiens le petit nuage qui passe
la lumière chaude sur les pierres
les façades verticales
et l'envie toujours de manger du poisson

micheline a dit…

on ne peut pas tout retenir..
"valse mélancolique et langoureux vertige
.........
le soleil s'st noyé dans son sang qui se fige" ( Baudelaire)

Lautreje a dit…

"c'est possible si on fait effort" Merci pour tout

jeandler a dit…

Quelle lumière!
Heureusement, "il reste un peu de nuit".

joye a dit…

Heeeeeeeeeeeey ! Les tables sur terrace sont de retour ! Ah oui, c'est le printemps, c'est sûr !
Ouaaaaaaaaaaaaaais ! :-)

arlette a dit…

Ah!!! retenir ....c'est étrange cette lecture de l'enfant puissante et les poissons morts sur l'étal un rapprochement qui me parle ou tout l'artifice de son auteur qui aime les digressions!!!!!
Mais qq'un me disait "tu réfléchis trop"

Gérard Méry a dit…

Tu as mis le turbot en captant cette belle lumière du carrelage

Brigetoun a dit…

elle tirait mes pas