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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

lundi, août 30, 2010

Je suis outrageusement longue (et un bon peu narcissique)

Pendant mes presque quatre jours toulonnais, la rentrée (et oui, pour le numérique aussi, il faut bien que l'équipe prenne des vacances) littéraire de Publie.net s'est poursuivie et j'ai trouvé trois nouveaux textes, courts et beaux à mon retour.

Dégusté d'abord le dialogue à distance de Stéphane Martelly et Christine Jeanney http://www.publie.net/fr/ebook/9782814503557/folie-passée-à-la-chaux-vive sur les fortes toiles de la première, sa recherche sur la «folie», ce tutoiement au risque de s'y perdre, bref et d'autant plus dense et fort (et comme Picasa peinait à accepter la couverture j'ai trouvé sur internet la reproduction d'une toile, ce qui, mystérieusement, a débloqué la situation)

«Douleur. Infinie.

Je travaille comme une enragée les textures. Cette toile me laissera particulièrement épuisée. Je sculpte la toile pratiquement pour en refaire complètement la surface. Je travaille à refaire la pâte de cette chevelure entravée par les allumettes..... (Stéphane Martelly)

…. tout se tient on te dit. le cou squelette fendu et les mains en prière, ce sont des trainées on te dit, des trainées et pas des restes de lumières. les torsades longues et l’enroulement perpétuel, le forage. le flou et l’effacement qu’ils veulent. tu leur donnes. malgré que. toi. et sans te retourner. tes mains en prière. Verticale... (Christine Jeanney)»

Et puis, j'ai lu, lentement, pour laisser chanter en moi cet oratorio, les 16 poèmes d'»un hymne à la paix (16fois)» http://www.publie.net/fr/ebook/9782814503526/un-hymne-à-la-paix-16-fois de Laurent Grisel dont je suis et aime fort les contributions sur Remue.net http://remue.net/spip.php?rubrique108 : dernier poème d'une oeuvre en cours : "Descartes tira l'épée" en 16 manuscrits à partir d'oeuvres d'Anne Slacik - publications séparées de quelques hymnes dans des revues - représentation complète le 13 juin 2008 à Paris au Foyer des Cardeurs.

Une langue classique - une construction par trios, duos, etc.. entre l'homme, la femme, le bourreau et la Justice, progressant dans la recherche de la paix, de la façon de la gérer, de la connaissance qu'il faut avoir de l'action du bourreau (des excuses classiques = obéissance), du pardon et de l'interdiction qui doit frapper l'oubli, avec des reprises de phrases, ou d'éléments, en avancée lente.

«pour dire, pour que tous disent :

il y a défaite

générale.

On ne fête pas d’avoir gagné :

personne n’a gagné.

Perdu, nous avons tous perdu, tout le monde a perdu,

il n’y a pas de victoire

«Justice :

Il faut remettre ensemble ce qui a été séparé ;

le bourreau en face des faits ;

les faits en face des faits ; les mots,

de leurs sens changeants ; l’événement,

de sa suite d’actes.»

Seulement quand, parce que j'aime ce qu'elle écrit, parce que je savais que c'était «dans les tuyaux» sans savoir de quoi il s'agissait, j'ai ouvert «Signes cliniques» de Christine Jeanney, http://www.publie.net/fr/ebook/9782814503540/signes-cliniques, j'ai noté l'incipit, noté aussi que mon assez grande expérience de l'hospitalisation, et les trois fois où elle fut sévère, longue, n'était pas celle-là, pas exactement (presque honteuse d'en être restée à l'abri, alors que tant d'amies l'ont subie) et que cela devait libérer ma lecture

«Statistiques: une femme sur sept.

Je suis une femme sur sept.

Je suis arrivée là parce qu’il a bien fallu.»

J'ai aimé la gravité calme, j'ai reconnu : «Mon esprit se ramasse depuis qu’il est à l’intérieur. Limité dans ses décisions, limité dans ses déplacements. C’est une question de limites» ou «Les gens du couloir n'ont pas de visages, pas de corps» et puis me suis arrêtée parce que j'étais gênée dans ma lecture, dans la saisie du rythme qu'elle donne à ses phrases, dans cette relation distanciée, mais habitée, sans pathos comme le dit François Bon, par une petite voix intérieure qui s'interposait, dialoguait, qui n'avait elle aussi de pathos que d'être ressassée en moi, sans jamais sortir complètement, qui insistait sur mon moi, mon ego, les différences de ce que cela avait déclenché en moi, et cela brouillait, venait polluer le texte, sans légitimité, s'interposer entre les mots et mon crâne. Alors me suis décidée à quelques petites notes, résumées, sans valeur littéraire ni pertinence autre qu'être ma vérité telle que je crois la saisir, de façon à m'en débarrasser et à me libérer pour reprendre et goûter tranquillement l'écriture de Christine Jeanney et ce qu'elle dit d'important.

Deux établissements, trois chambres (les autres ne comptent pas, passagères, ou de longue occupation mais de moindre importance pour ressouder des os ou, une fois, derrière des vitres blindées, un peu par erreur selon les médecins qui m'y avaient accueillie) devenues cadres de vie et de bagarre, longuement, et trois grands trous ouverts pour semer des gros bouts de mon intérieur. Je n'ai jamais eu droit au traitement éprouvant qui va souvent avec le mot cancer (zut pour les périphrases) mais à de belles, longues opérations, de celles qui donnent rang à ceux qui les font, et je m'étonne toujours, quand je laisse venir ma naïveté naturelle, raison endormie, que les cavités ainsi créées ne soient plus, que l'on ne puisse s'amuser à enfoncer le poing en jouant avec l'élasticité de ma peau.

Alors, essayant de mettre en mots, aussi brièvement et sommairement que le puis : les deux dernières fois, ce fugitif sentiment d'étrangeté d'être venue là, oublié mon manque d'intérêt pour la vie et pour carcasse qui aurait dû me faire ignorer et taire ce qui m'amenait là (si cela était durablement dissimulable) – et puis, ma transformation en patiente modèle, acharnée, aussi souriante que le pouvais.

La découverte, la prise de possession de ce corps, avec d'autant plus de force qu'il était douloureux et humilié, l'importance qu'il prenait. La découverte aussi de ce moi qui y était lié, du fait d'être une personne et non quelque chose qui passait dans la vie, en cherchant les réactions appropriées dans le travail, avec des goûts, des préférences, des choix, affirmés mais auxquels je n'étais pas sure de croire, et que j'affichais pour cela même avec entêtement jusqu'à m'en persuader. Une paix – une très tardive certitude d'exister, indépendamment des autres et des circonstances (et une moindre peur desdits autres).

Un intérêt passionné – parce que la contemplation du jeu du crépis et des lambris sur le mur, de la variation de la lumière qui annonçait la fin improbable des nuits, l'écoute des quatuors de Mozart et des opéras de Berlioz, la lecture des livres trop uniformément difficiles que j'avais choisis, qui se gravait parfois mais que je n'arrivais pas à poursuivre plus d'une demi-heure ou un peu plus, ne suffisaient pas – intérêt passionné (mais tu, qui se traduisait pas le souci de ne pas compliquer les choses, qui m'attirait parfois tout de même des confidences) pour la vie de l'hôpital, les aides-soignantes, les infirmières (et deux sont devenues assez amies pour de longues conversations meublant les nuits), et lorsque le Professeur, devenu tout autre que lors de nos entretiens préalables, passait avec sa cour, mon attention qui se fixait sur l'un ou l'autre des assistants, ceux qui paraissaient un peu en dehors, en essayant de les deviner.

Il y aurait bien plus, d'aussi peu d'importance pour tout autre que moi (et qu'il serait aussi indécent, pardon demandé, de dire) mais ça y est : j'ai déblayé la place pour la lecture des mots de Christine Jeanney.

Juste cela : je regrette, un peu, parfois, de laisser involontairement se dégrader la sérénité, les ébauches de qualités que j'en avais tirées.

Et puisque narcisse il y a, j'aggrave les choses, en mettant cette photo reçue dimanche matin, de Brigitte en ancêtre, parce qu'elle est très flatteuse, qu'elle montre un peu du talent de la photographe (mais je ne mets pas celle que je prenais d'elle, pour le droit à l'image, et parce qu'elle est loin de lui rendre justice) que j'aime parce qu'elle est ma nièce et parce qu'elle est tout ce que j'aurais voulu être (en y ajoutant, de moi, un goût encore plus prononcé, peut-être, pour les mots) et pour en profiter pour donner à celles que cela pourraient intéresser l'adresse de son blog http://garlicprint.com/ puisqu'elle se lance dans l'impression de tissus, d'écharpes, qui me plaisent assez pour en avoir et en vouloir d'autres,

et pendant que j'y suis, celui d'une autre des jeunes femmes présentes, peintre, fille de peintre, dont j'ai deux petites oeuvres - et j'ai souvent envie de pouvoir en acheter d'autres - et qui présente les créations d'artistes et artisans amis http://www.alexandragiacobazzi.fr/alexandra/Accueil.html

J'ai hésité, mais tant pis, au point où j'en suis, j'ajoute ce passage de CosmoZ de Claro (lecture interrompue parce que l'objet était trop encombrant pour Toulon, reprise cette nuit, et très chaudement recommandée par Brigetoun) sur lequel me suis arrêtée avant d'entreprendre cet interminable billet, et que je voulais y incorporer.

«Voyez-vous, Nick – je peux vous appeler Nick ? -, la prothèse n'est pas là pour remplacer un membre perdu ou gravement endommagé, mais pour suppléer ou remplacer une fonction perdue ou gravement endommagée. Car avant d'être une machine vous êtes un mécanisme , et avant d'être un mécanisme vous êtes une fonction. Vous ne devez pas seulement pouvoir remarcher, mais savoir où aller, pas seulement lever le bras ou serrer les doigts mais déterminer quel levier abaisser ou quel manche saisir. Oubliez ce corps que l'oisiveté et la rêverie réduisent à un ensemble de parties composant un tout, et envisagez plutôt l'angle , que dis-je, les angles sous lesquels vous estimez judicieux d'aborder la question physique, la seule question qui vaille la peine, la seule à laquelle votre esprit puisse appliquer sa détermination : le travail... » Il faut dire que le pauvre Nick Chopper, ex bucheron, ex homme-en-fer-blanc, présentement Charpie, est en piteux état.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Deux choses :
blanche belle Brigitte comme un ange sûr du matin
Garlic, délicatesses colorées à se demander où les quérir
bonne journée la dame

Lautreje a dit…

tes mots avant de reprendre la lecture de Signes Cliniques, m'interpellent : D'où nous vient cette transformation à devenir des patients modèles dès que nous franchissons le seuil de l'hôpital et à devenir souriant comme pour s'excuser d'être ? Je l'ai remarqué sur moi, sur d'autres...

cjeanney a dit…

Comme Lautreje me pose la question. (c'est quand même pas comme si on était invitées à un goûter d'anniversaire par charité. Quelle idée cette comparaison. je dois être secouée par ce billet, comme d'habitude, transportée, calmée, et tourneboulée, et Claro en point d'orgue avec ce passage précisément... Alors, forcément, mes comparaisons sont un peu boïïïonnng... sans compter tout ce que je n'arriverais pas à formuler dans mon pauvre commentaire, le sais à l'avance. Merci Brigitte)

Brigetoun a dit…

koukistories : pour Garlic on peut commander via le blog (sais plus comment mais j'ai trouvé, donc tu devrais pouvoir)
Christine, c'est moi qui dit merci

Gérard a dit…

Tu es vêtue en Derviche tourneur ? j'aime

Anonyme a dit…

grazie zia brigitte!