Trop long, beaucoup trop long, ce qui suit, préparation pour une inscription sur Babelio, en essayant d'être concise (je sais...) après un rempotage aléatoire dans la douceur ventée de la cour, au lieu de m'attaquer à la pile de repassage.
Florence Trocmé et Poezibao sont pousse au crime auquel je résiste heureusement la plupart un temps, me contentant de respirer les mots dont elle parle. Mais suis restée en arrêt devant http://poezibao.typepad.com/poezibao/2011/02/inter-de-pascal-quignard-par-florence-trocmé.html et, après avoir résisté un, peu j'ai commandé « Inter », le livre construit par Bénédicte Gorrillot autour d' « Inter aeris fagos » de Pascal Quignard.
Trois parties, et une courte annexe :
1- une longue et très belle lettre de Pascal Quignard à Bénédicte Gorrillot, en réponse à une question à laquelle il n'avait pas pu répondre oralement, rapidement : l'histoire du poème latin - son état en l'écrivant - et de la première traduction par Emmanuel Hocquard en accord avec lui, et puis un commentaire, à la fois méditatif et précis, que j'ai relu à la fin comme une huitième version.
2 – le poème latin de 1976 (que j'ai lu en premier, essayant de saisir, avec mes bribes de latin surnageant de quarante ans d'oubli, de humer, d'approcher avec petites incursions dans le Gaffiot en ligne et c'était à la fois frustrant - mais avec certitude que j'en aurai rapidement interprétations - et finalement pas si éloigné du tremblement, mot qui surnageait le plus aisément, du texte – avec cette interrogation sur le saltus qui en fait n'était pas si déplacée) et les sept traductions recueillies, sollicitées pour certaines, par Bénédicte Gorrillot (dont sa version), traductions qui devaient être interprétation, passage par la voix poétique de chacun
3 – une belle (encore) réflexion-théorie de Bénédicte Gorrillot sur la traduction, précédée du récit de la naissance de ce livre
L'annexe : courtes notices biographiques des auteurs : Pierre Alfieri, Éric Clemens, Michel Deguy, Bénédicte Gorrillot, Emmanuel Hocquard, Christian Prigent, Judes Stéfan et bien entendu Pascal Quignard.
Citer aussi Catherine Flohic, éditrice attentive, et la beauté de l'objet-livre.
Lecture pas si exigeante que cela, émerveillante.
Et le petit regret, juste le plaisir du regret, de ne pas avoir vu, de ne voir sans doute jamais « ces deus petits livres distincts (« Inter aeria fagos paraît enfin, avec la traduction d'Emmanuel Hocquard, Dans l'air entre les branches des hêtres, au printemps 1979), aux couvertures pâles et distinctes, .. juxtaposés dans une boîte en carton blanc. Ils sont vraiment très beaux. » et encore plus, les six planches d'Adami.
« C'est si rare, en Occident, les grandes calligraphies. « Une callifrafia, écrit Adami, alla ricerca del latino rimasto nella memoria del ostri occhi, del moderno scrivere, del tratto inciso » Une calligraphie, écrit-il, à la recherche de ce latin dont notre regard, dont notre langue moderne, jusque dans les traits des lettres que nous inscrivons sur le papier, garde sans le savoir la mémoire » et Quignard donne là un bel exemple de ce que peut être une traduction.
Sous le texte, le désarroi, et Ovide, et Jérôme le traducteur et son lion, et l'arrachement à celle qui donna le lait et la langue.
« C'était cela le but de mes « cut up ». Cela se déchirait. Le chant hélait enfin quelque chose. Bien sûr, les modes différaient, les rythmes chevauchaient, les attentes disposaient leurs abîmes mais tout à coup cela s'entrouvrait. C'est cela écrire. C'est extatique. »
« Il faut revenir à l'étape d'avant. Il faut revenir à l'étape d'avant « dans la vie » veut dire il faut revenir au savage, au nu, au rudiment, au rudis, à l'aparlance, au silence, à l'ombre. Il faut revenir à l'étape d'avant « dans la langue » veut dire il faut revenir au latin. Car on ne peut faire autrement dans la détresse que de revenir sur ses pas.. »
Cela, dans le texte de Bénédicte Gorrillot, qui est résumé (un peu sec, il manque tout le dépliement) de l'intention du livre :
« INTER privilégie le sujet humain sur le traduit – autrement dit la conscience traduisante et l'énonciation sur l'énoncé traduit. En effet, des hommes marquent la langue latine de Pascal Quignard et la langue traduisante (le français hérité de leurs pères) du contrepoint inimitable de leurs accents propres (ponctuations, respirations, syntaxe, lexique). Comme le souligne Henri Meschonnic « le grand transformateur du traduire n'est pas le sens... C'est le rythme... comme organisation d'un discours par un sujet et mouvement de la parole dans l'écriture, prosodie personnelle »
Et je sais, je suis trop longue, alors juste le début, en ses différentes versions, parce que, après avoir lu, un soir, le poème et la lettre, et en être restée là, pour savourer et laisser cela faire son oeuvre, après avoir le lendemain lu les poèmes en respectant leur intégralité, et le texte sur la traduction, je suis revenue à cette comparaison, par blocs, entre le latin, et chacune des interprétations. Avec le regret, là, de la trahison que m'impose Blogger qui refuse de respecter la disposition des mots dans la page adoptée par chacun.
TERROR. Dico lacrimas et irascens : « Saltus ! »
(In saltibus, NON SILEN-
TIUM, non tumulus.) - Pascal Quignard
Terreur – je m'écrie
pleurant de rage :
une friche !
- dans la friche ni silence
ni fracas – Pierre Alféri
Terreur. Dis
pleurant et colérant :
« danse ! »
(par bonds. Ni silence,
ni tumulte.) - Éric Clémens
une terreur. Et je dis :
en larmes et la colère montant
«saillies ! »
(dans les failles. Pas de silence
pas de tumulte) – Michel Deguy
TERREUR PLAQUE A TERRE.
Je les larmes les nerfs à vif s'écrie :
« Le salut dans le bois, dans la gorge sauvage ! »
Dans les gorges sauvages, ce n'est NI
le SILENCE, ni le tumulte. - Bénédicte Gorrillot
Être sujet à la peur. (Je parle en larmes. Avec
Colère. « Le dehors ! Le sans langage! »)
Plus loin que le bout du champ.
(En forêt. Pas de silence.
Pas de tumulte.) - Emmanuel Hocquard
Terreur. Je dis
(larmes, rage)
« l'ouvert ! »
(dans l'ouvert. Silence : non
tumulte : non) – Christian Prigent
Terreur. Je dis
pleurant & encoléré
« Forêts » !
(en Forêts non le Silence
non le Tumulte)
terreur – Jude Stéfan
«In saltibus, dans ce qui n'est pas encore foulé par l'homme, dans ce qui n'est ni forêt ni champ ni jungle, dans l'indéfriché préhumain aucun silence n'existe encore.... De même qu'il faut une cité pour qu'une jungle apparaisse comme son autre, de même il faut une langue pour que le silence apparaisse comme son autre. Pas de silence dans le préhumain et pas davantage de tumulte. Peur pure, désertique, lumineuse, détresse lumineuse du premier jour. » Pascal Quignard dans la lettre
12 commentaires:
Quelle belle invite à de belles lectures...
Volets ouverts sur ciel bleu. Quelle est belle la langue italienne : Une callifrafia [...] del moderno scrivere. Et derrière ces volets ouverts au beau ciel bleu, non silentium, non tumulus.
malicieux le visage de ce masque à côté d'Inter, gourmand aussi, presque diablotin avec ses petites cornes dressées. Une réussite !
J'aime beaucoup le "Je parle en larmes. Avec Colère." d'Emmanuel Hocquart. Et toutes les facettes autres bien sûr.
pour bien savourer tout ça, dire au tas de repassage:
le vent qui passe repasse mieux qu'un fer à repasser.
Pascal Quignard, certes, et son accord participe en beauté au latin.
Comme Lautreje j'aime bien le masque et ses yeux en forme de fleurs. (Le repassage sera toujours là, même apès la douceur ventée de la cour...)
J'ai lu hier soir et me suis dit que j'étais trop fatiguée. Je relis ce matin et je me dis que je suis trop ignorante. Tous ces noms cités qui n'ont pas de sens pour moi, je comprends un peu les gens autour de moi quand j'essaie de leur parler du monde qui est le mien. Mais ma petite planète est encore très loin de ta grande étoile qui brille chaude et lumineuse dans le ciel.
Merci brige ! Ton soleil est source de la vie aussi, plus que tu ne penses. ♥
Joye c'est souvent mon cas en te lisant - le monde est immense, nous ne pouvons en connaître, plus ou moins, chacun qu'une partie
N'arrive pas à fixer mon esprit sur ce qui me semble délice avec Pascal Quiqnard
Trop long, beaucoup trop long...oui mais ne t'inquiète pas j'ai trié
Sur l'invitation de ton message, je viens d'aller visiter la page de Florence Trocmé consacrée à "Inter". Ses mots et les tiens ont aiguisé ma curiosité littéraire, j'espère un jour pouvoir lire cet ouvrage de Quignard.
Enregistrer un commentaire