La lumière irradiante nous délaisse, et le jour était neuf, je marchais le long de la muraille, trouvant, sans trop d'application, petite tendresse pour la grisaille de la pierre, grise de tant d'eau, tant de gaz d'échappement, et de tant d'ans, grise de la vie et du petit frais qui nous resserrait, je m'accrochais aux emplâtres, aux nuances ocrées de l'enduit, à ses ondoiements, ébauches de grumeaux, posé sur les arêtes des pierres, et le petit éclat blanc de leurs rives lorsqu'un rayon les effleurait
Nous avions, pierres et moi, coeur à peine asséché, face marquée de tant d'humidité et d'âge, solidité sans rigueur, irrégularité, fantaisie sans danger - mais leurs ravins et les coulures, peau devenue vivante de sa mort programmée - et je cédais au petit sourire sans but, juste là pour s'autoriser un vague à l'âme sans raison, un ennui sans début ni fin,
et je t'ai rencontrée, ta fermeté tendre, ce rose dissous, comme une idée de rose, m'est entrée dans le regard – tous ces pieds qui t'ont foulée, la modération du geste que tu réclame, les éclats de ta chair, civilisée, tant, discrète avec juste petite coquetterie, petite note claire dans le sérieux de la rue – juste un petit sourire en passant, l'offre d'un souvenir fugace pour orner le matin, ou un peu du matin, ou un instant, en se répercutant sourdement à travers ton oubli.
et, repensant à ce cadeau, j'ai offert à la vision que j'avais eue de toi, la fragilité du creux de mon poignet, ma vieille peau rose, les brosses, rides et veines, pour m'imaginer un lien minimal avec le monde.
13 commentaires:
Le gris et le rose s'harmonisent très bien
Touchante et émouvante cette analogie des âges.
un lien minimal qui fait corps.
il n'est que finesse d'esprit pour comprendre même celles des pierres.
J'aime ces photos, elles sont comme des peintures.
Nous sommes bien jeunes à côté de ces pierres...
Les pierres ont aussi une vie...
Vieux proverbe ardennais :
- "Pierre qui s'écroule ne se ramasse pas à l'appel des cloches..."
Il n'y a pas vraiment de coeur de pierre(s).
@ brigetoun :
(une manip ratée dans mes paramètres aboutit à une erreur dans l'identité de l'expéditeur du commentaire ci-dessus.
Je confirme donc que "Le Tourne-à-gauche" existe toujours.)
Beau texte et photos minérales.
Lire : Hasselmann
Le regard comme une caresse sur les vieilles pierres chaudes
Les pierres sont toujours chaudes d'un soleil enfoui
De beaux mots, brige.
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