ce qu'il faut d'activité
minimale avant de m'installer pour mettre en mots le premier quart de ma
réponse à la vidéo 34 de François Bon pour son atelier d'été
sur tiers.livre https://youtu.be/XojG3u1ziOg
pensant y consacrer environ vingt minutes et pulvériser avec
application et conviction ce délai
profiter du soleil qui
accepte encore de me clouer au mur (mais n'atteint plus que mes
genoux...) en fermant les yeux, en rêvant que je suis couchée
contre la pierre et que la rumeur venant du flot des voitures le long
du fleuve est le ressac de la mer...
et reprendre ma
contribution (ai aimé l'écrire, quel que soit le résultat) à la
proposition 31
étant entendu
que toute ressemblance avec des lieux existants serait – euh –
éventuellement un hasard
(toutes les contributions
sur http://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article211)
Comme, en marchant dans
les rues de cette ville croissait son désir de se sentir partie de
ses murs, de ses rues, des vierges et macarons et des jardins à
demi-cachés, cousin lointain de ceux qui les avaient arpentées,
regardées, qui en avaient accepté, refusé, ou constaté avec
indifférence les modifications à travers le temps, pour ceux du
moins qui avaient eu accès à la mémoire des lieux, mais qu'il
était bien incapable d'une recherche approfondie, il se plongea,
avec un plaisir grandissant au fil de sa lecture, dans la réédition
d'un gros livre, entre thèse et vulgarisation, publié dans les
années cinquante, qui lui avait été conseillé, séduit dans le
survol de l'histoire de la ville par lequel l'auteur introduisait la
description détaillée de l'évolution de tel ou tel quartier par ce
qui s'infiltrait de vie, au détour d'une citation, ou par le choix
d'un mot désuet, dans le style neutre, un peu professoral. Et bien
vite, peut-être parce que rien ne parle mieux de la vie d'une
communauté que ses morts, il pista de page en page les cimetières
qui, ici, comme souvent, étaient anciennement dans la ville, autour
des nombreuses églises, si familièrement inclus que parfois une
tombe s'échappait de l'espace réservé aux morts pour se retrouver,
un peu plus loin, entre deux maisons, et que tel cimetière avait
longtemps servi également de marché aux bestiaux... et puis il en
arriva à l'époque où, sortant d'une de ses périodes
d'affaiblissement, la ville redevenue riche et puissante, s'était
transformée, organisée, quand les hôtels des nobles et riches
bourgeois avaient remplacé ce qui restait des livrées cardinalices
et des couvents, quand l'on avait tracé la rue des façades aux
coquilles rouges, planté de plusieurs rangées d'arbres, ormeaux ou
autre essences, les promenades créées autour des remparts, là où
maintenant un flot de voitures et camions s'écoulait, et après
avoir détruit les cimetières proches des églises et le cimetière
des juifs, regroupé les sépultures dans une plaine un peu trop
inondable ou entre les restes de constructions sur le rocher qui
dominait la ville... avant, près d'un siècle plus tard, de tracer
une allée de muriers vers le très grand terrain laissé par un
ancien couvent, et de faire de celui-ci, à distance de la ville –
et même si maintenant elle l'avait rejointe, sa taille et le mur de
clôture lui laissait son caractère d'île paisible – un des plus
beaux cimetières qui soit, «plein d'oiseaux, de soleil, d'ombrages
épais, de profondes verdures...» selon un pseudo poète célèbre
en son temps. Arrivé là, il a redressé la tête, lui l'ancien
habitué des après-midi de paresse au Père Lachaise, lui qui aimait
flâner avec juste un petit arrière-goût de mélancolie en avançant
entre les tombes de frères humains inconnus, ce petit goût qui
ralentit le pas, qui lui donne saveur tendrement amère, mais
n'allait jamais visiter les tombes familiales qui d'ailleurs étaient
hors d'accès, auraient nécessité un voyage plus ou moins
compliqué, comme pour vérifier que les aimés étaient là rangés,
ne gardant d'ailleurs des enterrements que les quelques souvenirs
poignants de la peine maîtrisée des survivants – la vision d'une
jeune femme et de cinq enfants se tenant par la main devant une tombe
et le sanglot étranglé de son voisin, le mort n'étant plus pour un
temps que l'absence planant sur leur groupe. Et dès qu'il l'a pu, a
fait le court trajet en bus, est descendu là où la rue, qui n'était
plus depuis longtemps bordée de muriers, dessinait une ébauche de
place arrondie, entre trois bureaux et hangars de pompes funèbres
(avec devant l'un d'eux quelques échantillons de sculptures) et la
porte qui s'ouvrait dans la longue muraille, sous une profusion, en
effet, de branches, est entré avec un mélange de respect et de
curiosité, pour être saisi, au bout de quelques pas, par le plaisir
de circuler sans but sous les arbres, le mélange de tons, de formes
des feuillages, les yeux errants sur les chapelles orgueilleuses –
refoulant d'un sourire l'ironie qui pointait parfois – avec leurs
colonnes aux ordres improbables et les pleureurs ou anges si
merveilleusement lisses, convenus et émouvants (tant et tant que ne
l'étaient plus, émouvants, sauf légèrement quand la pierre
portait usure ou lichens) entre les concessions qui, ici, étaient
découpées à angles droits, de tailles assez égalitaires, si ce
n'est que les tombes les plus simples – et parmi les plébéiennes
dalles de pierre ou de marbre rouge sombre, l'émotion d'une simple
butte de terre où s'alignaient, plantées dans le sol, de minuscules
plaques ex-voto et des fleurs en fil métallique, et il était resté
là gorge nouée murmurant, ou le croyant, des noms qui n'avaient
sens que pour lui et renvoyaient à d'autres lieux, d'autres
simplicités, ou pour certains à d'injurieuses opulences imposées.
Mais ce qui dominait ici c'étaient les arbres, les merveilleux
arbres, leur vieillesse robuste, les troncs multipliés comme en
faisceaux des énormes cyprès, l'infinie variété de cette vie
végétale regroupée là, protégeant les morts et semblant en tirer
force, se les assimiler pour que l'essence des corps abandonnant le
ciment du caveau, se hissant au dessus de l'humus sur lequel les
visiteurs glissaient, au dessus des énormes racines contre
lesquelles se tordaient les chevilles, se balancent dans le mistral,
boivent les pluies d'orage, se baignent dans le bleu et se libèrent
de cette dalle que l'on fleurit pour eux ou abandonne, s'en moquent
bien les morts... stupidités qui le faisaient sourire, un peu,
auxquelles il aimait croire un instant, pris d'un besoin de se sentir
frère de ces morts inconnus, dans la navrance résignée de
constater leur abandon, ou le sourire attendri d'un objet, d'un
bouquet frais, en circulant sans rencontrer personne dans les allées,
avec le plaisir aussi de se sentir aussi merveilleusement vivant que
le vent qui se levait et faisait danser lentement les hautes branches
des conifères.
11 commentaires:
Vous êtes bien gentille de tenir le mur
les murs et moi nous nous soutenons
Les murs se tiennent aussi grâce au soleil... :-)
Bien mieux que de se heurter au mur : le soutenir.
Dominique, le soleil les ronge… ou du moins semble le faire
Pierre, faut pas que je me raconte d'histoire, je suis plus tenue par lui que je ne le tiens… là en fait je prends appui avant de me coucher verticalement pour un bain de soleil
Chaleur de la pierre et ressac de la mer...te voilà ..ressuscitée
en profiter tant que le soleil me vient encore et sans me calciner… reste à savoir ce que vont donner jambes dans la rue
ce texte est un bijou
(je pourrai vous lire dans les prochains jours mais pas mettre de commentaire {technologie de #M#])
Jambes en rue jambrue la rue se donne aux jambes qui la prennent possession de rue jambée rujambe les jambes décorent la rue une rue ajambée jambes parmi rue oh vilaine rue sans jambe allez déposer vos jambes à rue
merci Claudine (sourire confus et un rien dubitatif)
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