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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

jeudi, août 16, 2018

Paix ensoleillée et atelier d'été – 31 - les morts


ce qu'il faut d'activité minimale avant de m'installer pour mettre en mots le premier quart de ma réponse à la vidéo 34 de François Bon pour son atelier d'été sur tiers.livre https://youtu.be/XojG3u1ziOg pensant y consacrer environ vingt minutes et pulvériser avec application et conviction ce délai
profiter du soleil qui accepte encore de me clouer au mur (mais n'atteint plus que mes genoux...) en fermant les yeux, en rêvant que je suis couchée contre la pierre et que la rumeur venant du flot des voitures le long du fleuve est le ressac de la mer...
et reprendre ma contribution (ai aimé l'écrire, quel que soit le résultat) à la proposition 31
étant entendu que toute ressemblance avec des lieux existants serait – euh – éventuellement un hasard
Comme, en marchant dans les rues de cette ville croissait son désir de se sentir partie de ses murs, de ses rues, des vierges et macarons et des jardins à demi-cachés, cousin lointain de ceux qui les avaient arpentées, regardées, qui en avaient accepté, refusé, ou constaté avec indifférence les modifications à travers le temps, pour ceux du moins qui avaient eu accès à la mémoire des lieux, mais qu'il était bien incapable d'une recherche approfondie, il se plongea, avec un plaisir grandissant au fil de sa lecture, dans la réédition d'un gros livre, entre thèse et vulgarisation, publié dans les années cinquante, qui lui avait été conseillé, séduit dans le survol de l'histoire de la ville par lequel l'auteur introduisait la description détaillée de l'évolution de tel ou tel quartier par ce qui s'infiltrait de vie, au détour d'une citation, ou par le choix d'un mot désuet, dans le style neutre, un peu professoral. Et bien vite, peut-être parce que rien ne parle mieux de la vie d'une communauté que ses morts, il pista de page en page les cimetières qui, ici, comme souvent, étaient anciennement dans la ville, autour des nombreuses églises, si familièrement inclus que parfois une tombe s'échappait de l'espace réservé aux morts pour se retrouver, un peu plus loin, entre deux maisons, et que tel cimetière avait longtemps servi également de marché aux bestiaux... et puis il en arriva à l'époque où, sortant d'une de ses périodes d'affaiblissement, la ville redevenue riche et puissante, s'était transformée, organisée, quand les hôtels des nobles et riches bourgeois avaient remplacé ce qui restait des livrées cardinalices et des couvents, quand l'on avait tracé la rue des façades aux coquilles rouges, planté de plusieurs rangées d'arbres, ormeaux ou autre essences, les promenades créées autour des remparts, là où maintenant un flot de voitures et camions s'écoulait, et après avoir détruit les cimetières proches des églises et le cimetière des juifs, regroupé les sépultures dans une plaine un peu trop inondable ou entre les restes de constructions sur le rocher qui dominait la ville... avant, près d'un siècle plus tard, de tracer une allée de muriers vers le très grand terrain laissé par un ancien couvent, et de faire de celui-ci, à distance de la ville – et même si maintenant elle l'avait rejointe, sa taille et le mur de clôture lui laissait son caractère d'île paisible – un des plus beaux cimetières qui soit, «plein d'oiseaux, de soleil, d'ombrages épais, de profondes verdures...» selon un pseudo poète célèbre en son temps. Arrivé là, il a redressé la tête, lui l'ancien habitué des après-midi de paresse au Père Lachaise, lui qui aimait flâner avec juste un petit arrière-goût de mélancolie en avançant entre les tombes de frères humains inconnus, ce petit goût qui ralentit le pas, qui lui donne saveur tendrement amère, mais n'allait jamais visiter les tombes familiales qui d'ailleurs étaient hors d'accès, auraient nécessité un voyage plus ou moins compliqué, comme pour vérifier que les aimés étaient là rangés, ne gardant d'ailleurs des enterrements que les quelques souvenirs poignants de la peine maîtrisée des survivants – la vision d'une jeune femme et de cinq enfants se tenant par la main devant une tombe et le sanglot étranglé de son voisin, le mort n'étant plus pour un temps que l'absence planant sur leur groupe. Et dès qu'il l'a pu, a fait le court trajet en bus, est descendu là où la rue, qui n'était plus depuis longtemps bordée de muriers, dessinait une ébauche de place arrondie, entre trois bureaux et hangars de pompes funèbres (avec devant l'un d'eux quelques échantillons de sculptures) et la porte qui s'ouvrait dans la longue muraille, sous une profusion, en effet, de branches, est entré avec un mélange de respect et de curiosité, pour être saisi, au bout de quelques pas, par le plaisir de circuler sans but sous les arbres, le mélange de tons, de formes des feuillages, les yeux errants sur les chapelles orgueilleuses – refoulant d'un sourire l'ironie qui pointait parfois – avec leurs colonnes aux ordres improbables et les pleureurs ou anges si merveilleusement lisses, convenus et émouvants (tant et tant que ne l'étaient plus, émouvants, sauf légèrement quand la pierre portait usure ou lichens) entre les concessions qui, ici, étaient découpées à angles droits, de tailles assez égalitaires, si ce n'est que les tombes les plus simples – et parmi les plébéiennes dalles de pierre ou de marbre rouge sombre, l'émotion d'une simple butte de terre où s'alignaient, plantées dans le sol, de minuscules plaques ex-voto et des fleurs en fil métallique, et il était resté là gorge nouée murmurant, ou le croyant, des noms qui n'avaient sens que pour lui et renvoyaient à d'autres lieux, d'autres simplicités, ou pour certains à d'injurieuses opulences imposées. Mais ce qui dominait ici c'étaient les arbres, les merveilleux arbres, leur vieillesse robuste, les troncs multipliés comme en faisceaux des énormes cyprès, l'infinie variété de cette vie végétale regroupée là, protégeant les morts et semblant en tirer force, se les assimiler pour que l'essence des corps abandonnant le ciment du caveau, se hissant au dessus de l'humus sur lequel les visiteurs glissaient, au dessus des énormes racines contre lesquelles se tordaient les chevilles, se balancent dans le mistral, boivent les pluies d'orage, se baignent dans le bleu et se libèrent de cette dalle que l'on fleurit pour eux ou abandonne, s'en moquent bien les morts... stupidités qui le faisaient sourire, un peu, auxquelles il aimait croire un instant, pris d'un besoin de se sentir frère de ces morts inconnus, dans la navrance résignée de constater leur abandon, ou le sourire attendri d'un objet, d'un bouquet frais, en circulant sans rencontrer personne dans les allées, avec le plaisir aussi de se sentir aussi merveilleusement vivant que le vent qui se levait et faisait danser lentement les hautes branches des conifères.  

11 commentaires:

casabotha a dit…

Vous êtes bien gentille de tenir le mur

Brigetoun a dit…

les murs et moi nous nous soutenons

Dominique Hasselmann a dit…

Les murs se tiennent aussi grâce au soleil... :-)

jeandler a dit…

Bien mieux que de se heurter au mur : le soutenir.

Brigetoun a dit…

Dominique, le soleil les ronge… ou du moins semble le faire

Brigetoun a dit…

Pierre, faut pas que je me raconte d'histoire, je suis plus tenue par lui que je ne le tiens… là en fait je prends appui avant de me coucher verticalement pour un bain de soleil

arlette a dit…

Chaleur de la pierre et ressac de la mer...te voilà ..ressuscitée

Brigetoun a dit…

en profiter tant que le soleil me vient encore et sans me calciner… reste à savoir ce que vont donner jambes dans la rue

Claudine a dit…

ce texte est un bijou
(je pourrai vous lire dans les prochains jours mais pas mettre de commentaire {technologie de #M#])

casabotha a dit…

Jambes en rue jambrue la rue se donne aux jambes qui la prennent possession de rue jambée rujambe les jambes décorent la rue une rue ajambée jambes parmi rue oh vilaine rue sans jambe allez déposer vos jambes à rue

Brigetoun a dit…

merci Claudine (sourire confus et un rien dubitatif)