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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

lundi, mars 16, 2020

un acte sans doute gratuit et une évasion

Le ciel fronçait des nuages pour me morigéner, souriait un peu plus loin pour m'encourager, me laissant dans ce monde de culpabilité intérieure qui est le mien, dans mon éternelle hésitation assumée, lorsque suis sortie vers quatorze heures trente pour monter, dans des rues désertes vers la mairie, me refusant à courir le risque de voir notre ville perdre sa spécificité d'îlot non totalement conquis par le FN (comme Tot je me refuse à intituler ce truc rassemblement national même sans majuscule) sans m'arrêter au côté absurde, potentiellement gratuit de la chose puisque l'aggravation probable de la pandémie la semaine prochaine risque d'entrainer l'annulation du second tour et donc de ce premier vote.
Ai salué la courtoisie d'un panneau juste avant d'arriver à l'hôtel de ville, me suis lavé les mains avec le bidule vert prévu devant le bureau, me suis moquée un peu de moi en enfilant une paire des gants qui dorment dans ma cuisine sans que jamais ou presque je pense à les utiliser, ai gardé un peu plus que la distance prévue avec les deux petits vieux qui me précédaient, ce qui a permis à une quinqua agitée de s'intercaler en me marchant quasiment sur les pieds, ai tendu de ma main blanche mes cartes vers la main bleue d'une assesseur, chosi le bleu sur mon stylo, m'en suis allée
et j'ai trouvé en sortant, devant la rangée de cafés et restaurants vides, les terrasses s'étalant au soleil – les garçons et hommes qui ont trouvé comme petit boulot leur installation n'étaient sans doute pas au courant des directives – faisant le bonheur de deux pique-niqueur, d'une lectrice, d'un groupe (que ce soit dans le bureau ou dans les rues n'ai rencontré que des gens aussi sots que moi et incapables de se procurer un masque – ça l'ai ajouté après avoir vu des photos de bureaux masqués)
Ai remonté la rue de la République quasiment déserte, ai franchi les remparts, les manèges se repliaient mais les tours maintenaient imperturbablement leur garde inutile... et j'ai ressorti le Décaméron, l'introduction de la première journée (paresseusement, pour les passages retenus dans la traduction sous direction de Christian Bec publiée au Livre de poche qui est un de mes livres chéris, je fais un copié-collé de la traduction de Francisque Reynaud https://fr.wikisource.org/wiki/Le_D%C3%A9cam%C3%A9ron/Texte_entier ) même si je préfère la première
D’aucuns pensaient que vivre avec modération et se garder de tout excès, était la meilleure manière de résister à un tel fléau. S’étant formés en sociétés, il vivaient séparés de tous les autres groupes. Réunis et renfermés dans les maisons où il n’y avait point de malades et où ils pouvaient vivre le mieux ; usant avec une extrême tempérance des mets les plus délicats et des meilleurs vins ; fuyant toute luxure, sans se permettre de parler à personne, et sans vouloir écouter aucune nouvelle du dehors au sujet de la mortalité ou des malades, ils passaient leur temps à faire de la musique et à se livrer aux divertissements qu’ils pouvaient se procurer. D’autres, d’une opinion contraire, affirmaient que boire beaucoup, jouir, aller d’un côté et d’autre en chantant et en se satisfaisant en toute chose, selon son appétit, et rire et se moquer de ce qui pouvait advenir, était le remède le plus certain à si grand mal. Et, comme ils le disaient, ils mettaient de leur mieux leur théorie en pratique, courant jour et nuit d’une taverne à une autre, buvant sans mode et sans mesure, et faisant tout cela le plus souvent dans les maisons d’autrui, pour peu qu’ils y trouvassent choses qui leur fissent envie ou plaisir.... Beaucoup d’autres, entre les deux manières de vivre susdites, en observaient une moyenne, ne se restreignant point sur leur nourriture comme les premiers, et ne se livrant pas, comme les seconds, à des excès de boisson ou à d’autres excès, mais usant de toutes choses d’une façon suffisante, selon leur besoin. Sans se tenir renfermés, ils allaient et venaient, portant à la main qui des fleurs, qui des herbes odoriférantes, qui diverses sortes d’aromates qu’ils se plaçaient souvent sous le nez pensant que c’était le meilleur préservatif que de réconforter le cerveau avec de semblables parfums, attendu que l’air semblait tout empoisonné et comprimé par la puanteur des corps morts, des malades et des médicaments....
Et bien que de ceux qui émettaient ces opinions diverses, tous ne mourussent pas, il ne s’ensuivait pas que tous échappassent. Au contraire, beaucoup d’entre eux tombant malades et de tous côtés, ils languissaient abandonnés, ainsi qu’eux-mêmes, quand ils étaient bien portants, en avaient donné l’exemple à ceux qui restaient sains et saufs. Outre que les citadins s’évitaient les uns les autres, que les voisins n’avaient aucun soin de leur voisin, les parents ne se visitaient jamais, ou ne se voyaient que rarement et seulement de loin. Par suite de ce deuil public, une telle épouvante était entrée dans les cœurs, aussi bien chez les hommes que chez les femmes, que le frère abandonnait son frère, l’oncle son neveu, la sœur son frère, et souvent la femme son mari...
Cependant... Je dis donc que notre cité étant dans cette triste situation et quasi vide d’habitants, il advint — comme je l’appris depuis d’une personne digne de foi — que, dans la vénérable église de Santa-Maria-Novella, un mardi matin qu’il ne s’y trouvait presque pas d’autres personnes, sept jeunes dames, en habits de deuil, comme il convenait en un tel lieu se rencontrèrent après les offices divins. Elles étaient toutes unies par l’amitié, le voisinage ou la parenté. Aucune n’avait dépassé la vingt-huitième année, et la plus jeune n’avait pas moins de dix-huit ans
et, en compagnie de Messire Boccace les écoute et d'abord la plus assurée, celle qui prend la première la parole (puisque ce sont elles qui organiseront le séjour qui constitue la suite, les belles veillées au jardin, les récits, les jeunes hommes leur obéissant), Pampinea
 Mes chères dames, vous pouvez, ainsi que moi, avoir souvent ouï dire que celui qui use honnêtement de son droit n’a jamais fait tort à personne. Or, c’est un droit naturel à quiconque naît ici-bas, que de conserver et défendre sa vie tant qu’il peut. Ce droit est si bien reconnu, qu’il est déjà advenu plus d’une fois que, pour le sauvegarder, des hommes ont été tués sans qu’il y eût crime aucun. Et si cela est permis par les lois à la protection desquelles tout mortel doit de vivre en sécurité, combien plus nous est-il permis, à nous et à tous autres, de prendre pour la conservation de notre vie les précautions que nous pouvons ? Quand je viens à songer à ce que nous avons fait ce matin et les jours passés ; quand je pense à l’entretien que nous avons en ce moment, je comprends, et vous pouvez semblablement comprendre, que chacune de nous doit être remplie de crainte pour elle-même. De cela je ne m’étonne point ; mais je m’étonne de ce que, avec notre jugement de femme, nous ne prenions aucune précaution contre ce que chacune de nous craint justement. Nous restons ici, à mon avis, non autrement que si nous voulions ou devions constater combien de corps morts ont été ensevelis, ou bien écouter si les moines de là dedans, dont le nombre est réduit à presque rien, chantent leurs offices à l’heure voulue, ou bien encore montrer par nos vêtements, à tous ceux qui nous voient, la nature et l’étendue de nos misères. Si nous sortons d’ici, nous voyons les morts ou les malades transportés de toutes parts ; nous voyons ceux que, pour leurs méfaits, l’autorité des lois publiques a jadis condamnés à l’exil, se rire de ces lois, pour ce qu’ils sentent que les exécuteurs sont morts ou malades, et courir par la ville où ils commettent toutes sortes de violences et de crimes ; nous voyons la lie de notre cité, engraissée de notre sang, et, sous le nom de fossoyeurs, s’en aller, à notre grand dommage, chevauchant et courant de tous côtés et nous reprochant nos malheurs dans des chants déshonnêtes
etc... et cela introduit plus de 870 pages, qui demandent un peu de malice, une certaine légéreté, etc...

11 commentaires:

Nadamasse a dit…

Vous êtes clairement INDISPENSABLE.

Brigetoun a dit…

HEUREUSEMENT que non !

Agathe a dit…

Une respiration nécessaire en ces temps ou l'air nous manque...

Brigetoun a dit…

si l'air nous manque téléphoner au docteur (sourire)

jeandler a dit…

Se consoler en lisant, penser à Marquez et bine d'autres...

Dominique Hasselmann a dit…

Un texte prémonitoire de Boccace...

Le deuxième tour n'aura pas lieu, on va tous être "confinés" et on aura du temps pour lire : pourtant, les librairies sont plus que jamais "indispensables" en ces temps infestés (ou alors, Internet si on n'a plus de réserves matérielles...).

Bonne journée !

Brigetoun a dit…

Pierre, Dominique

oui mais en resterai au web et à mes rayons très garnis (mais pas de Marquez tant pis) parce que pas de sous non plus (ma banque déconne... va falloir que j'y aille si ce n'est pas rentré dans l'ordre à midi... et que je reste calme !)

Claudine a dit…

il y a aussi Thucydide et la peste (?) à Athènes
je crois aussi que vous êtes indispensable

Brigetoun a dit…

de Thucydide j'ai la guerre mais pas la peste, tant pis... et puis le bien dans le Decameron c'est qu'égoïstement ou non ils fuient la peste de la ville et des campagnes pour un endroit où vivre en joie

mémoire du silence a dit…

;-)

Brigetoun a dit…

silence