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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

lundi, juillet 20, 2020

Juste la nuit et un spectacle dont j'avais rêvé à Paris

Du jour il n'y a rien ou rien d'intéressant à dire.. (sauf que me suis excusée parce que je m'étais trompée de spectacle au petit théâtre de « l'Isle » en réservant pour le 19 un spectacle qui a lieu le 20... irai ce soir) 
et m'en suis allée en faisant un détour pour le bien de mes jambes vers le palais (arrivant tout de même très en avance, à temps pour voir sortir les spectateurs du Cloître par le palais des congrès...)
les transats, la cour pour voir la captation de « Médée » de Sénèque, monté en 2000, à une époque où je me souvenais de plaisir du off et d'amis passagers trente ans plus tôt, mais sans penser pouvoir un jour retourner dans cette ville, parce que tout de même un spectacle ne valait pas le voyage et qu'Avignon c'était – à vrai dire sais plus trop ce que j'en pensais, ne pensais pas d'ailleurs, répétais seulement -- mis en scène par Jacques Lassalle avec entre autres mais principalement bien entendu (puisque c'était Médée et puisque c'était elle) Isabelle Huppert (bon les autres c'était pas mal aussi...) et dont j'avais si je me souviens bien lu une critique féroce qui avait accru mon désir de le voir.
Parce qu'aussi j'aime bien Jacques Lasalle, qui n'a pas rang de vedette, qui a connu des moments plus ou moins fastes (souvenir d'une rencontre à Pompidou après son départ de la Comédie Française), que j'ai le souvenir de l'avoir entendu parler (entre autres préparation sur Marx dans le hall de Nanterre), pas mal de souvenirs de spectacles aussi avec adhésions diverses et parce qu'il avait écrit sur le programme de salle, selon le site d' « Un Rêve d'Avignon »
 Infanticide elle s'est voulue, infanticide elle restera. Pour l'étrangère, la “métèque” d'Asie mineure, qu'elle est demeurée, la vie, la sienne, celle des autres, aurait-elle une moindre valeur à ses yeux qu'aux yeux des Grecs ? A-t-elle agi pour épargner à ses enfants la barbarie des hommes de Créon ? A-t-elle voulu, pour en finir, infliger à Jason, leur père, une vengeance ultime qui soit à la mesure de sa trahison ? Le refoulé trop lourd de ses culpabilités appelait-il en contrepartie des crimes commis pour l'amant, le crime des crimes commis cette fois contre lui ? A-t-elle espéré, s'abandonnant à une telle frénésie d'autodestruction, rejoindre Jason dans son néant et ne plus le quitter ? Ou au contraire, a-t-elle voulu, en supprimant les derniers témoins de sa passion recommencer sa vie, sa vie non seulement sans Jason, mais sa vie d'avant Jason ? C'est cette dernière hypothèse que l'épilogue, dans sa surprenante sérénité, semble privilégier. En vérité, de quelque façon qu'on s'en approche, il ne manque pas de raisons, formulables ou pas, intelligibles ou non, au double infanticide de Médée. Le miracle, avec Euripide, ou le scandale comme on voudra, c'est que la meurtrière gagne en mystère lorsqu'on essaie de la percer à jour ; en séduction lorsqu'on s'efforce de la confondre ; en humanité lorsqu'on voudrait la décréter sauvage. Mieux encore : notre sympathie pour elle croît dans le temps même que croît notre conscience de sa monstruosité. Médée ne mendie pas notre compassion ; elle ne nous invite pas, pas plus qu'elle n'invite les femmes du chœur, à oublier l'immémorial interdit qui frappe ses derniers crimes ; mais elle passe outre, et fascinés autant que transis d'horreur, nous passons outre avec elle. À l'issue du siècle qui s'achève, le plus inventif mais le plus barbare aussi qu'aient connu les hommes, il faut en prendre son parti : avec Médée, personne, après lui, de Sénèque à Corneille, de Delacroix à Pasolini, de Vauthier à Heiner Müller, n'aura été plus loin, n'aura été plus vrai, plus direct, moins rhétorique qu'Euripide, dans ses explorations de l'abyssale ambivalence de l'animal humain. C'est par une mythologie de cinéma que j'accède à Médée, une Médée qui transitant d'abord par les figures familières du fait divers, et les “mères-monstres” de notre actualité, accéderait peu à peu au sublime, à l'étanche de la tragédie, dans une espèce d'étonnement, presque d'indifférence, face à ses propres crimes. Relayé par celui d'Isabelle Huppert, le mythe de Médée deviendrait alors la figure au féminin du monstre qui nous habite, familier, déchirant, et pour jamais étranger à nous-mêmes. Jacques Lassalle.
Alors il y a un lac au pied du mur qu'une barque traverse pour venir de Corinthe invisible... il y a un Jason détestablement méprisable, une Isabelle Huppert dans de telles clameurs et une élocution si précipitée qu'on ne reconnaît pas sa voix (au moins au début) et qui devient humaine puis émouvante et puis il y a la voix merveilleuse d'Emmanuelle Riva qui incarne le choeur des femmes de Corinthe, et quelques moments où cela s'étire presque jusqu'à l'insupportable.

8 commentaires:

Nadamasse a dit…

C'est beau tous ces siècles qui vibrent en vous.

Dominique Hasselmann a dit…

Heureusement qu'il reste des "captations" de certaines grandes représentations du festival d'Avignon.

Ah si seulement les Grecs, pour conserver le souvenir de leurs spectacles "in situ", avaient pi inventer la vidéo !... :-)

Brigetoun a dit…

Nadamase, je n'y pensais pas... voilà pourquoi suis fatiguée (sourire)

Brigetoun a dit…

Dominique, il y aurait moins de pièces perdues ! mais nous serions peut être surpris par leur mise en scène

arlette a dit…

Plaisir de te lire suis enfouie dans le..rien enfin presque

Brigetoun a dit…

Arlette, me prélasse un peu beaucoup dans le rien aussi... à notre mode et pour notre âge sage

Claudine a dit…

Puis-je dire que j'aime beaucoup les trois dernières lignes et la phrase d'avant la citation ?

Brigetoun a dit…

en tout cas la phrase avant la citation ce sont de très beaux souvenirs pour moi (ce n'est pas comme si avec mes heures et heures de problème de plomberie, de droit, de loyers, de charges et de paix à rétablir entre habitants j'étais très habituée aux débats intelligents et courtois)