En tout début d'après midi, un aller et retour pour soutenir sur la place de l'horloge (presque toute la surface que les terrasses laissent libre était occupée) les enseignants, et reprendre, dans l'après-midi les photos de mon passage samedi aux Célestins (avant la fin, aujourd'hui, du Parcours de l'art, cru 2020)
ce petit moment navré en pénétrant dans l'église, le regret ridicule de ne plus tâtonner du pied sur le sol crevassé, inégal, pentu et dépentu, imprécis dans la pénombre, le regret plus grand de cette lumière plate, dure, surtout dans les premières travées du double bas-côté par lequel on pénètre, cela s'améliore à d'autres endroit, lumière digne d'une galerie ripolinée près de Beaubourg, en me souvenant de l'ombre douce où l'on trébuchait, yeux tirés par la lumière qui se frayait chemin vers les œuvres, les caressait, les faisait venir à nous... bon, ceci dit, entrer dans un inventaire très incomplet mais trop long (vais le scinder sur deux jours) de ce qui s'expose.
Avec la découverte de Stéphanie Pelletrat, sans enthousiasme pour moi, avec grand plaisir pour deux femmes si sympathiques qu'avais envie d'être à l'unisson, mais malgré les qualités, le soin, l'intelligence – la discrétion des petites inclusions d'or quasiment invisibles – je n'accrochais pas, peut-être parce que j'étais dans ma petite déception initiale, et pourtant me séduit ce qu'elle dit
« La Matière me dévoile, ... à mon insu...
Elle me surprend petit à petit par son imprévisibilité, me fait vibrer par sa magie, par sa puissance et sa légèreté, sa force et sa fragilité ;
Miroir de mon intime, la Matière joue au gré de mes humeurs, s’ouvre ou bien se ferme, se déploie ou bien se fêle ;
Elle me protège, Elle m’élève aussi ;
… Par la Matière brute, je me laisse emporter et surgissent des pics, des bosses et des creux ;
Ou bien je me laisse adoucir et naissent des gouttes semblables à des perles de rosée ;
Je l’embellis de gravures, je l’orne d’or ;
Sa délicatesse m’envahit et je m’amuse avec elle dans des jeux de lumière... »
Sur les murs retrouver Doris Schälpfer dont j'avais aimé les vols des oiseaux serrés en essaims au cloître, qui présente ici une série intitulée « Junk »
« Les Leitmotivs du temps et du tournoiement parcourent tout le travail
Les dessins de la série Junk développent ce thème autour de l'intrication des débris et des vies humaines. Cassés et oubliés, en décomposition ou rangés quelque part, ces objets abandonnés, témoins des rêves et des désirs des hommes et de leur occupation d'un lieu, sont devenus la source des investigations dépourvues de jugement de l'artiste.
Dans cet espace entre guillemets, parallèle à la norme, c'est le dessin qui donne une vie propre et autonome aux déchets. Par lui ils deviennent le portrait onirique des lieux désertés. »
Un salut en passant à la nef centrale
Sur le mur à côté de la première des chapelle axiale, une vidéo (plutôt l'image d'une vidéo qui ne marchait pas) de Johann Fournier https://johannfournier.com dont j'avais aimé les photos au rez-de-chaussée du cloître
et dans la chapelle, une belle série de photos,
« avec pour seule nourriture ce que nous donne la nuit »
« Chaque image, chaque fragment d’image est photographié, mis en scène ou échantillonné. Il sera traité comme motif, comme matière. Ce processus est une déconstruction du monde visible pour révéler son fonctionnement archaïque – pour me rapprocher de la matière première poétique.
Ces scènes sont des visions, elles révèlent un espace à l’imagerie sensible, où le profane côtoie le sacré et où se mêlent les notions de modernité et d’humanité. Ces visions sont destinées à marquer esthétiquement et intellectuellement, à laisser une trace émotionnelle. »
dans la seconde des chapelles axiales :
Naomi Heinrich https://www.naomiheinrich.com « Le travail de Naomi Heinrich est toujours engrené par une image. Une photographie, une vidéo captée lors d’un voyage ou une image créée avec un logiciel de construction 3D. Il s’agit systématiquement de paysages et d’éléments divers qui en font partie, qu’ils soient naturels, artificiels, urbains, agrestes, construits et agencés ou à l’inverse détruits et disloqués. Ces images se retrouvent alliées avec ce qu’elle nomme des sculpture-structures élaborées pour et en fonction. Cette hybridation nous permet de percevoir l’image et la sculpture différemment que si elles étaient séparées.... Le fait de concevoir toutes ses installations au préalable en image/animation 3D avant de les reproduire physiquement fait partie de son protocole de création. Son intérêt se situe dans le passage entre la « perfection » de l’image 3D et les « défauts » que la réalisation manuelle engendre, telle la transposition d’une idée que l’on échafaude à ce qu’elle peut être concrètement »
outre « death of summer » et la surprise de ce paysage que l'on découvre en allant se pencher, au fond de la chapelle, par la fenêtre d'une baraque en bois de palette pour voir la vidéo où bougent lentement des rectangles dorés https://www.naomiheinrich.com/homesick , ne pouvoir la photographier, céder aux visiteurs qui attendent dans le dos et se retourner vers les symboles d'immeubles de station de bord de mer, ces lieux artificiels pour vacances
et j'en resterai au choeur (laissant la suite pour lundi) parce que ce billet s'étire
avec (beaucoup aimé et ensuite eu un échange agréable avec une jeune femme – pas très jeune dans l'absolu sauf à mon échelle – dont j'ai découvert qu'elle était l'artiste) par les grands paysages sur cartes IGN de Josée Le Roux https://www.josee-leroux.fr (si avez le temps... se promener dans son site)
partant de l'idée du besoin de cabane contre ce qui nous entoure en ces jours, et de l'atelier comme cabane
« Au sein de la recréation d'une Nature enveloppante, le travail m'offrait la possibilité d'un refuge, d'un îlot de protection, et aussi le souvenir de jeux d'enfants : caverne, cachette, abri, grotte... Également l'utopie d'un nouvel avenir envisagé.
Le support carte m'a de nouveau fait voyager dans toutes ses dimensions :
Il ouvre sur la notion de territoire et renforce la notion de cycle, d'union et de paix. La richesse du support devient alors un allié et renforce la présence de la Peinture, permettant une union des différentes forces mises en œuvre. Les deux échelles confrontées ouvrent sur la possibilité d'une coexistence, d'une réconciliation. »
panneaux qui entourent les créatures de Virginie Cavalier https://www.virginiecavalier.com (avec, comme un appui un texte de Jean-Christophe Bailly https://www.virginiecavalier.com/texte )
« Questionnement sur la condition animale, son statut, l'humain face à l’animal. Les animaux qui m’inspirent et que je tente de magnifier sont issus de la chasse. En aucun cas ils n’ont été tués du fait de ma volonté, je récupère leurs « restes », leurs dépouilles délaissées. Une fois nettoyées pour certaines, je les traite pour leur conservation.
J’en trouve aussi en chinant, dans des élevages de petits producteurs, ou lors de marches en montagne, où ils étaient livrés à la putréfaction. »
"A partir d’ossements trouvés en montagne lors de mes marches, je constitue des fagots que je place sur le dos d’animaux naturalisés. Interactions entre intérieur et extérieur, ce sont des totems. Les assemblages réinventent ces anatomies reconstituées. Il s’agit de composer jusqu’à ce que l’animal soit à la limite de ne plus supporter le volume.
Le fagot est une contrainte, dont la taille est à la démesure de l’animal, le tord parfois et dont l’instabilité créée devient frappante. A la manière d’une allégorie, l’animal porte ce dont il est fait, éprouve le poids des ces ancêtres, de ces milliers d’années d’évolutions et d’adaptations... Fagot de condition, l’animal porte sa condition d’être mortel, fagots différents pourtant confectionnés de la même ficelle. Bagage unique pour chaque animal, pour chaque entité dont la condition les lie, nous lie, tous de la même manière. »
(au fond du choeur, une fente s'ouvre, sur laquelle on se penche, distinguant alors plus ou moins bien une installation intitulée Faux-fuyant, formes indistinctes en argile blanche où l'on devine des lièvres et cordes « Référence aux tableaux de chasse classiques, natures mortes aux lièvres, l'animal est contraint, retenu, pendu par des cordages.... »)
et pour le dernier animal, à droite, un peu en avant du choeur « Les parures dans toutes les civilisations servent à se distinguer, exprimer un rang social, l’âge, ou le statut dans le groupe. Elles sont souvent réalisées avec les animaux qui entourent le créateur. J’utilise la peau tannée de l’animal. Je grime et coiffe le prédateur de la peau de sa proie. Renvoyer à l’origine de la parure, naturelle, c’est le pelage, le plumage des animaux qui inspiraient les hommes pour se coiffer. »
la suite sans doute à demain.
8 commentaires:
D'un pied hésitant, tout un bestiaire chargé de nos peines.
Bonheur de découvrir ce reportage culturel et ces belles photos, pour commencer la journée! Sans l'art, apprécié ou pas selon notre subjectivité, sans la beauté, que deviendrions -nous? Merci!Pour moi qui suis coincée à domicile, c'est une belle évasion!
Pierre justement je reprochais à la restauration et à ce sol blanc de me faire pied moins hésitant
inconnue, vous prêchez une convaincue !
on ne saurait dire mieux et concis que @jeandler
Claudine, oui, merci Pierre
Proche du travail sur la matière et les détails en nouvelle interprétation Merci à toi en pas glissés 🙂
ma gratitude sur pas piqués
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