en rentrant après avoir déposé mon sac d'ordures j'ai vu le ciel au dessus des maisons de la place : au ras des toits un gris poussière très doux et de longues lanières blanches flottant au dessus.

J'ai fouillé dans ma valise de photos pour en retrouver une que j'avais prise de papa et qui est ma préférée. Il est allongé sur une chaise longue, un bras étendu derrière sa tête, sa pipe reposant sur son ventre dans son autre main. Il est dans la pénombre d'une pinède et un rayon de soleil traverse son visage en teignant d'ocre son visage halé de vieux marin. Je ne l'ai pas retrouvée. Je me suis assise sur la marche de ma chambre et j'ai regardé le rideau de ma penderie. Je me suis souvenue du lieutenant rapatrié venant nous parler de lui, qui était sur sa chère Gracieuse en Indochine et de notre fierté. Je me suis souvenue des longs trajets en voiture tous les deux où je lui confiais mes petites histoires, mon petit amour, et de nos discussions homériques où nous affrontions nos points de vue toujours opposés et que nous goûtions tant. Je suis sure que chacun de ses enfants a son petit trésor venant de lui. Et je sais que comme pour moi, pour tous les orphelins âgés, leur père mort au bout d'une vie pleine est toujours présent.
Je suis arrivée à lui par les îles grecques qu'il aimait presque autant que La Pérouse, à côté d'Alger, et Toulon, aux îles par Homère, à Homère par Siréneau et sa crique.
Et dans Homère ces passages sur les retrouvailles entre Ulysses et Télémaque
"dans la cabane, avec l'aurore. ...Le porcher fut stupéfait. Il se releva vivement. Comme il était à mélanger le vin qui flamboie, les récipients qui servaient à sa besogne lui tombèrent des mains...
Le porcher leur présenta des plats de viandes rôties, les restes de ce qu'ils avaient mangé la veille. Il se hâta d'entasser le pain dans les corbeilles et mélangea dans un pot le vin délicieux comme le miel.. Ils jetèrent les mains sur les bonnes choses étalées toutes prêtes...
Télémaque, ayant coulé ses bras autour de son noble père, de crier sa douleur en répandant des larmes... Ils pleurèrent avec des gémissements aigus et plus pressés que ceux des oiseaux, orfraies, vautours .. à qui les hommes des champs ont ôté leurs petits" et j'en resterai là. Que je suis de plus en plus longue ..
7 commentaires:
rapidement, avant de partir, ... j'aime vous lire et encore plus particulièrement aujourd'hui : évocation de père, ah oui !
Douce journée Brig.
Sensible et joli, chargé d'émotion mais pudique, mais ce passage de l'Odyssée oh là là! Votre soeur vous lit-elle Brigetoun?
non les deux soeurs les plus proches de moi en âge réprouvent sérieusement. Je leur aurai tout fait : socialiste, seule, blog. ça n'empèche pas de se retrouver. Nous n'avons pas le même niveau de vie
très retenu, très beau, de plus en plus en longue... pour mon plaisir
Homère, c'est mon adolescence.
Le père, c'est le vide de mon existence.
Merci pour ce beau texte Brigetoun.
J'ai l'impression de vous connaître d'une autre époque. Florence et Sienne datent de dix ans pour moi. Mais il y a d'autres échos. Je pourrais sans doute être vieux comme un père pour vous, moi qui suis déjà le grand père d'autres... j'aime la largesse de vos mesures et la démesure de vos tendresse; Je reviens bientôt dans vos lignes et vos phrases...
vous ne pourriez être un père mais un petit frère pour moi. merci j'espère savoir comme mon père mourir en état d'adolescence (avec le sens des responsabilités tt de même)
Enregistrer un commentaire