Tosca n'est pas exactement ma tasse de thé. Mais c'est le dernier opéra de mon abonnement (le sud aime le bel canto) et, foin des préjugés, je suis partie pleine de bonnes intentions. Oui, on aime, et la salle était pleine de belles dames - une odalisque verte, un peu avancée mais belle silhouette, toute en sequins et seins - et de beaux messieurs, dans une assez remarquable touffeur.
Maintenant il faut que je fasse attention : une chanteuse, dont grâce à Dieu je disais du bien, m'a lu et me faut garder à l'esprit qu'il s'agit d'un opéra phare.
ouverture, belle basse, et je décroche - mon petit verdict intérieur : première musique hollywoodienne. Beau décor sobre, avec le petit détail amusant : portrait très raphaélique (anachronisme ?) en haut d'une belle longue échelle souple qu'il est hors de question que Cavaradossi gravisse. Une Tosca dont je pense que j'aimerai assez la voix si la partition ne voulait pas que, dès avant sa crise de jalousie, elle crie de façon quasi ininterrompue. Le ténor est agréable et ils font un couple plausible. Arrivée de Scarpia, coréen formé à la Scala, sans doute pour moi le meilleur de la distribution. Beau choeur, y compris les enfants (et je me souviens d'avoir croisé l'autre jour des mères venant déposer leur progéniture). Je suis toujours heurtée par la musique et l'entracte arrivé la totalité du public se répand sur la place, y compris les non-fumeurs qui nous fusillent du regard. Les femmes regardent en l'air, éventuellement s'embrassent, et les hommes parlent foot, les avignonnais qui ont en juste le temps de voir la fin de la partie renseignent les estrangers. Je balance : rentrer dans la salle ou chez moi ?
Au deuxième acte je réalise peu à peu que la musique, en dehors des grands mouvements de violons et des ponctuations d'une évidence navrante, a par moment un côté sauvage et brutal qui me plaît bien. La superposition début d'interrogatoire, concert de la Tosca, me séduit. La traduction tombe en panne - mouvements légers dans la salle - et ça repart. Les cris sont maintenant en situation et moins omniprésents. J'aime beaucoup la partie de Scarpia, rondeur de la voix, murmures - le ténor exécute son air patriotique avec une belle conviction - grand air de Tosca, applaudi par la salle - meurtre qu'elle joue fort bien, avec ce peu de raucité requis. En sortant dans la fraîche nuit je comprends mieux que l'on puisse aimer cette musique, mais j'ai un peu mal et mon coeur tendre décide de ne pas assister à la mort des bons. Je me rentre.
Pour dîner, la Corde raide (que je finis) de Claude Simon : "Le français est très susceptible en ce qui concerne le calme et la tranquillité de sa digestion.. Le peuple français mange des plats qui ont bon goût.. dans la confection desquels les épices à doses prudentes s'équilibrent. Il aime avant tout la sécurité et le confort quand il mange et c'est pourquoi il prend ses repas sur des tables solidement soutenues par quatre pieds. Les italiens peuvent manger sur des tables moins prudemment étayées et plus audacieusement contournées, mais la cuisine italienne est aussi un savant dosage. Les autres peuples.. ont à un moins haut degré le sens du confort, moral et gastronomique. Leur cuisine hasardée peut égaler dans la perfection et parfois même surpasser la cuisine française mais.. C'est pourquoi ils peuvent manger leur problématique cuisine sur de problématiques tables.." Me semble un rien de mauvaise foi, et jusqu'à mon arrivée ici je n'étais sans doute pas française n'ayant pas de vraie table. Il parle aussi de la guerre bien sur, des prisonniers, de la mort digne d'un vieillard respecté, de Cézanne et de notre inconsistance.
J'entendais sur France Musique citer des phrases de Kurtag pour parler de la musique et c'était merveilleux. STOP.
14 commentaires:
je me trouve encore minable à la lecture de votre très beau billet, sauf à connaître la Tosca, pouvoir évoquer le confort d'une table, apprécier la vraie cuisine italienne chez mon voisin d'en face qui la propose fine et colorée... quant à Kurtag il fait partie de mes nombreuses lacunes même si, comme pour Ligeti, j'en connais le renom...
Cela ne m'empêchera pas de profiter de la fraîcheur matinale pour aller humer les odeurs de ma ville avant qu'elle ne soit envahie par les touristes.
Bonne journée Brig
je vous sens vraiment passionnée que de bonnes , musique et gastronomie, l'éventail est large !!
en fait de gastronomie : pommes de terre et crevette - ma carcasse limite beaucoup
en réponse à Olivier dont j'ai perdu le gentil commentaire "touffeur" chaleur lourde et étouffante et désolée j'ai oublié l'autre mot. Pardon Olivier
A défaut dé savoir faire des vers balancés, tu connais un sacré rayon en musique [classique principalement, je présume].
Cela dit, le rapport du français à la nourriture [oh pardon, de la gastronomie] est une exception culturelle. Peu [aucune ?] de nations se targuent d'avoir dans leur bagage culturelle aussi bien de la cuisine hautement gastronomique, de la cuisine familiale, que de la cuisine populaire [i.e. de bistrot], cuisine régionale, etc.
...et sais-tu que Scarpia, après avoir torturé Mario, se rassied à table et commente: "Oh! J'ai dû interompre mon pauvre souper!" ;-) Ce n'et pas le meilleur opéra de l'histoire de la musique, mais il contient de bons moments, surtout si les chanteurs sont aussi de bons comédiens.
bonjour,
En me promenant sur votre blog, qui me plaît beaucoip j'ai compris que vous étiez à Avignon et que vous aimiez le théâtre.
Il y a quelques années j'ai traduit de l'italien la pièce d'une copine Grazia Verasani (qui depuis connaît une certaine notoriété, son roman policier "Quo Vadis" vient de sortir en France.
La pièce que j'ai traduite "From Médée" sera représenté en off du festival d'Avignon, au théâtre du Monte Charge du 6 au 30 juillet.
J'ai adoré traduire cette pièce, le texte est très fort, très touchant mais je ne l'ai jamais vue.
Si par hasard vous aviez pensé assister à une représentation pourriez vous m'en dire 2 mots.
J'aimerais bien avoir un regard extérieur critique.
Je ne serai pas en France de tout l'été (sinon je serais venue), je serai en Inde, pendant 2 mois, donc éventuellement si vous me laissez un petit commentaire sur mon blog (ou un mail) ça me ferait plaisir.
Au fait je m'appelle Claudine Tissier
et je voulais aussi vous dire, j'ai moi aussi un petit filleul sénégalais
Ahhhhhhhhhhhh !
La cuisine italienne est mon péché mignon. Dans moins d'un mois, je vais en Italie.
l'univers de Puccini reste pour moi assez énigmatique tant je vois ses héroïnes d'opéra mourir;mais on y retrouve des grands thèmes souvent portés par de grandes voix.
En voyant le couteau sur la photo en premier, je me suis dit "mon dieu, qu'est ce qu'elle va faire de ce couteau ???" ;-)
Je suis allée au théatre assez souvent, mais jamais je n'ai vu d'opéra...
remarque je suis si maladroite que toute personne prudente me voyant à proximité d'un instrument coupant intervient en urgence
@ brigetoun
Merci!
Je suis d'accord avec Claude Simon, quand il dit que la cuisine italienne est un savant dosage, mais pas du tout sur les tables!
C'est le contraire, en Italie on mange sur de hautes et larges tables. Quand je vais en France avec des amis italiens, arrivés au chapitre gastronomie, ils font souvent remarquer que les tables sont petites et qu'il n'y a pas beaucoup d'espace autour.
Comme quoi!
l'ensemble est d'assez mauvais foi - en gros on peut penser qu'il s'agit surtout du point de vue d'un prisonnier dans un wagon, confronté à de sérieux problèmes de nourriture et décorum, et en partie du point de vue de l'auteur au moment de la rédaction, lequel ne se pique pas d'objectivité
l'ensemble est d'assez mauvais foi - en gros on peut penser qu'il s'agit surtout du point de vue d'un prisonnier dans un wagon, confronté à de sérieux problèmes de nourriture et décorum, et en partie du point de vue de l'auteur au moment de la rédaction, lequel ne se pique pas d'objectivité
Pour ma part j'adore la Tosca que j'écoute en boucle des heures et des heures sans me lasser. Surtout les parties lyriques. Sniff !!!
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