Pour http://impromptus.fr/dotclear/ (on a perdu le coitus avec la nouvellle version) le texte de la semaine devait commencer et/ou finir par la phrase Elle regardait les flammes détruire les derniers vertiges de son passé et voici ce que ça a donné, si vous avez de la patience ou le temps.
Elle regardait les flammes détruire les derniers vestiges de son passé. Elle aimait bien la phrase. Un peu solennelle, peut-être, surtout en pensant à ce passé, mais ça l'amusait et elle la laissait chantonner en elle.
Elle avait dit : "je pourrais passer ma vie à regarder le feu" et elle s'était assise sur un tabouret de traite, sous la hotte, baignée dans l'odeur du bois, fascinée par les étincelles, yeux dans les flammes jaunes et rouges, rageuses, désordonnées puis regroupées dans un pyramide mouvante et instable, force chaude, violence.
Et parfois elle fermait les yeux - elle avait l'impression qu'ils brulaient - en même temps elle restait tendue vers les rires et les idées qui ricochaient derrière elle. Elle touchait les pierres jaunes des pieds-droits - et puis, dans les petites flammes à la base, presque bleues, elle regardait son espoir qui oscillait, se hissait, retombait. Une main s'est posée sur son épaule, une autre main est descendue devant ses yeux, offrant un verre, et c'étaient les bonnes.
Et le lendemain, et le lendemain du lendemain, il y a eu les promenades le long des chemins, les moutons que l'on rentrait dans la nuit, le travail, les vaisselles en commun, encore des veillées, et les nuits dans la cabane. Elle revenait et repartait, et un jour elle n'est plus revenue.
Il n'y avait pas de cheminée dans son Paris, sauf des cheminées muettes dans certains salons. Elle a travaillé, beaucoup, et elle a meublé sa vie du desir de musique, de l'écoute de musique, du désir de lecture, et du survol de romans policiers. Elle allait voir des expositions, et elle travaillait. Elle supposait qu'elle se constituait un passé.
Elle a décidé qu'elle était vieille, et le coeur un peu gros elle a quitté Paris. Une jolie ville. Elle attendait. Elle était bien. On lui disait qu'elle avait eu raison et qu'elle avait de la chance, mais qu'elle devrait sortir.
Un soir, elle a été invitée dans la ville voisine. Dans le joli salon, il y avait des gens aimables et une noble cheminée de pierre blanche, et elle a dit "quelle merveille ! un feu !". Elle a un peu parlé, comme il le fallait ; elle a accepté un verre d'un bel alcool sombre ; elle s'est assise dans une bergère près de cette oasis de vie accessible, a posé le verre par terre et, à la lisière de conversations qu'elle ne comprenait pas, elle a regardé les flammes et y a mis le passé qu'elle avait certainement, et puis elle a souri et levé les yeux vers la suite de sa vie.
9 commentaires:
un très beau texte Brig,serait-il, sans indiscrétion, quelque peu auto-biographique ?
Bon début de semaine.
Avant d'avoir lu son commentaire, je me posais la même question que Mariel. Bonne semaine.
ô il y a toujours un peu d'autobiographie, non ? un peu
Pourquoi est-on toujours fasciné par le feu, les flammes, à par que çà réchauffe.
Sincèrement un de tes meilleurs textes où j'étais porté par ta "propre" histoire.
Comme toi, l'hiver je rêve d'un grand feu de cheminée pour être bien, rêver.
Belle semaine !
Bises enflammées,
OLIVIER
brûler son passé...mais le brûle -ton entièrement qu'il en reste les cendres!Personnellement je ne peux pas craquer l'allumette qui mettra le feu au mien! Joli texte au demeurant...
Trè beau texte, Brigetoune
"et puis elle a souri et levé les yeux vers la suite de sa vie. "
Toujours.
Je n'ai pas brûlé mon passé, je me suis réconciliée avec, et comme toi, j'ai levé les yeux vers la suite
beau texte
brûler son passé ...dans une flamme bleue..et le voir renaître des ses cendres, pardonné.
Joli texte... je viens de découvrir cet appel à texte...
Je m'y pencherai, un soir où je n'aurai pas envie de bosser de l'économie mais de me remettre un peu à l'écriture, juste pour une soirée ou deux. :o)
Je ne sais plus qui a dit, au sujet du côté "auto-biographique" :
"on écrit que ce que l'on connaît".
Cela vaut pour un peu tous les styles littéraires, y compris la SF. Et si l'autobio est camouflée, des impressions, du vécu, etc ressortent généralement. :o)
En tout cas, agréable moment. C'est relaxant, en plein milieu de révisions.
Amicalement,
AJC
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