Bien emmitouflée de rouge cette fois, m'en suis allée, décidée, pour tracter aux Halles. Finalement, il s'agissait d'un programme de débats et j'ai pu m'en tirer en vantant à ceux qui le voulaient bien le plaisir de meubler ainsi son temps libre (et un charmant quinqua est parti avec, dans le panier posé sur son vélo, mon carton au milieu des fleurs pour sa femme).
En partant, me suis munie d'un peu de rêve, en passant devant Ducastel. Non pas tellement grâce aux portraits de musiciens, mais en suivant ces petites créatures de bronze portant leurs feuilles-pirogues. Et nous étions en des temps très anciens, en des temps assez civilisés pour que, nous les femmes, nous ayons inventé filage et tissage, mais la forêt était encore là, cette forêt que l'on replante maintenant - et nous sommes arrivés au bord du fleuve, glissant un peu sur les berges boueuses, et les bouquets d'herbes humides - les hommes sont descendus vers l'eau en portant les bateaux - avec les enfants, les poteries pleines de tissus et graines, les outres et les chiens, nous attendions à la lisière de l'ombre verte, devant les derniers buissons, et buvions la lumière dorée. Ils ont chargé les outils, nous avons embarqué, et nous sommes partis - les enfants ouvraient des yeux émerveillés, et nous aussi, avec juste un peu d'appréhension curieuse.
Et j'espère vraiment que le nouveau blogger va me laisser ma photo.
Puisque les feuillets d'Hypnos de Char avaient été évoqués dans un commentaire de Jean, je m'y suis promenée.
Sobres amandiers, oliviers batailleurs et rêveurs, sur l'éventail du crépuscule, postez notre étrange santé.
A en croire le sous-sol de l'herbe où chantait un couple de grillons cette nuit, la vie prénatale devait être très douce.
Nous errons auprès des margelles dont on a soustrait les puits.
Je n'ai pas vu d'étoile s'allumer au front de ceux qui allaient mourir mais le dessin d'une persienne qui, soulevée, permettait d'entrevoir un ordre d'objets déchirants ou résignés, dans un vaste local où des servantes heureuses circulaient.
et vers la fin : Je redoute l'échauffement tout autant que la chlorose des années qui suivront la guerre. Je pressens que l'unanimité confortable, la boulimie de justice n'auront qu'une durée éphémère, aussitôt retiré le lien qui nouait notre combat. Ici; on se prépare à revendiquer l'abstrait, là on refoule en aveugle tout ce qui est susceptible d'atténuer la cruauté de la condition humaine de ce siècle et lui permettre d'accéder à l'avenir...
11 commentaires:
On peut apercevoir un peu, je pense, le reflet du rouge qui vous tient au chaud dans le coin inférieur droit de cette belle photo. J'aime ces vitrines ornée de beaux objets, d'oeuvres d'art ; votre photo fait rêver.
Et j'ai fait un bout de cette promenade avec toi en revisitant ces phrases de Char. Bon soleil Brig!
C'est nouveau, en cliquant sur la photo, hop ! grand format, ou suis-je en retard d'une guerre ? en tout cas j'apprécie.
je reviens et retrouve non seulement tes photos et ton style mais des extraits de Char et voilà que la journée s'annonce bien. Qu'elle le soit également pour toi.
"...En partant, me suis munie d'un peu de rêve...."
"... Ici; on se prépare à revendiquer l'abstrait..."
J'adore !
Aussi curieux que ce soit de la part de quelqu'un qui ne fait que des photos figuratives , je ressens profondément que l'abstrait est beaucoup plus proche de l'Absolu , de l'Infini , bien que ce même Absolu soit derrière l'apparence du moindre objet .
Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima?
Il cherche son pareil dans le voeu des regards. L'espace qu'il parcourt est ma fidélité. Il dessine l'espoir et léger l'éconduit. Il est prépondérant sans qu'il y prenne part.
Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s'inscrit son essor, ma liberté le creuse.
Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas.
Voilà un choix d'auteur qui me convient Brig, j'aime beaucoup René Char.
oui mais ce n'est pas dans les Feuillets ce poème ! après
La poésie de Char est aussi belle que vos textes sont moëlleux et tendres, Brigitte. Moëlleux est le qualificatif qui caractérise souvent vos écrits, et suis contente de l'avoir enfin trouvé. Et ce texte cité par p stern, maginfique aussi!
Bonne soirée vous, là-bas!
bon, mon com n'est pas passé!
c'était pour dire que passer chez toi est comme se promener dans un jardin, boire une orangeade sous une tonnelle
René Char... Comment puis-je résister lorsque l'on me cite du René Char...
"L'éternité n'est guere plus longue que la vie", ou "Agir en primitif et prévoir en stratege", vraiment les feuillets d'Hypnos sont une source inépuisable de maximes.
Merci ! vraiment.
ma mémoire s'est donc égarée...
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