Mais là, maintenant, le corps est fin, très fin, trop fin disent-ils, mais pas autant qu’elle le voudrait, encore et toujours présent, l’ombre qui glisse sur elle est celle d’un platane, cernée d’un lac de chaleur où certains se dissolvent, et la vie n’est plus devinée mais se montre devant elle, l’enserre.
Puisque corps il y a, un pas en avant, juste pour offrir à ses bras la jouissance d’entrer dans le soleil. Puisque vie il y a, se décider à se fondre dans ce qui l’enserre, communion attentive à ce qui est devant. Que se passe-t-il ? Une attraction bien sur, mais elle prend conscience d’une petite étrangeté, ou essai d’originalité – non ce n’est pas ça, de grâce peut-être ?
S’y accrocher, y trouver une petite nourriture pour sa curiosité, ou l’espérer, que cela advienne si cela peut. Au pire, apporter un peu de soutien muet à ces jeunes corps, esprits, désirs de reconnaissance qui s’affichent, et participer à l’attroupement qui se fait doucement.
C’est un parti pris, puisque la vie se poursuit, encore, toujours, se créer du désir, du plaisir.
La pensée est infirme, ou ne sait que plonger un peu trop, en ces jours, et elle se doit de mettre en sommeil le peu qu’elle en a.
Dans la longue dérive du petit-matin, corps frissonnant un rien dans le coton blanc, notant vaguement la tache des affreuses chaussettes de couleur verte se détachant sur les dalles roses de la cour, pendant qu’elle se penchait sur les pots, à la recherche de courageux boutons, un petit écœurement, mélange de café froid et de miel trop puissant, la faisant se redresser, elle l’a décidé – se faire une belle journée, comme il se doit dans un ville où tout le monde goute l’été avec plus ou moins d’élan spontané.
Se résigner à la réalité de ces mots : « et, ce jour là, le soleil s’est levé comme d’habitude ».
Dans ma reprise en main de dimanche matin, dans la vraie vie, après un départ avec une réelle envie d’écouter aux jardins de Mons la lecture du jour, et un retour flottant les vertiges s’étant révélés par trop dissuasifs, j’ai pondu ce truc en réponse à la consigne de l’été des paroles plurielles : un texte, à garder sur son blog, commençant par « elle était debout », comportant ensuite « que se passe-t-il ? » « c’est un parti pris » et « des affreuses chaussettes de couleur verte » (zut pour elles !) et se terminant par « et ce jour là, le soleil s’est levé comme d’habitude » - puis des pates autant que je pouvais en absorber, un café au soleil de la cour, un regard sur la corbeille de repassage et sommeil. Temps annulé.
En fin d’après midi, après avoir donné à boire aux plantes et bu moi aussi, réveillant ainsi une petite douleur, en essayant de faire des projets me jetant dans les rues, j’écoutais la belle voix de tripes de Char se disant, et lisais ceci, un peu antérieur aux feuillets (légère appréhension de ce que donnera leur traitement pour la scène) « de ta fenêtre ardente, reconnais dans les traits de ce bûcher subtil le poète, tombereau de roseaux qui brûlent et que l’inespéré escorte ».
Et m’en suis allée dans la soirée vers le théâtre du Ceila pour écouter, dans le cycle, paroles anciennes et nouvelles Luigi Rignanese dans « tutti santi ! tutti pagani ! » et ce fut un régal, avec accordéon, tambourins, guitare, un corps qui sait parler, de l’italien et la version française enchainés comme en une seule phrase. On part de trois frères italiens escortant leur sœur fiancée à Jaccopo patron des blanchisseurs et d’un bar de Marseille, aux amours de la bella et d’Angelo l’ermite du Frioul et on s’embarque dans des légendes et histoires irrévérencieuses et méditerranéennes de dieux et de saints, avec de petits grains de sel politiques, une victoire in fine de l’amour sur les traditions de nos hommes, et la bonne mère.