Courses utilitaires dans la ville, avec un chemin, très légèrement inhabituel qui m’a fait saluer la fatigue d’une maison au coin de la Principale, essayer de capter dans son boyau le haut de l’édifice qui abrite au rez de chaussée un Utopia, et dont j’aimerais connaître quelle église ou chapelle il fut et quel est son usage actuel. Un fantasme : y vivre.
Et en reprenant des forces une minute rue Saint Agricole, le ciel qui a ce moment précis me caressait délicieusement la joue. Photos où elles tomberont.

Et, dans l’après midi me suis installé dignement (j’ai horreur des chaises longues et des sièges mous), en imagination, dans ce fauteuil volé il y a quelques jours, après avoir chassé la voiture malgré son rouge sympathique, et pour abandonner la fin de l’ »innomable » et le « captif amoureux » dans lequel j’avance par petit bonds plaisants mais espacés, les lettres de Sand parce que les caractères sont insupportablement petits, suis partie au hasard dans « passages » d’Henri Michaux, en fait recueil d’articles, de préfaces, où sa fausse fantaisie se tourne parfois en un ton un tantinet sentencieux. (premier réflexe, une fois dedans cela s’arrange).

Dans la préface à l’Encyclopédie de la musique chez Fasquelle « un certain phénomène que l’on nomme musique »
« La vie intérieure passe, l’étonnante vie intérieure qui procède et par coulées et par déclics.
Ici sont exposés ses tâtonnements, ses hésitations, ses brusqueries, ses accentuations, ses brouillons, ses reprises, ses retours en arrière que les autres arts tiennent soigneusement cachés » réaction primaire de Brigetoun : seul art basé sur la succession du temps, oui - l’âge faisant évoluer un bâtiment ou varier l’usage d’un objet ne reproduit-il pas un peu cela en mineur et plus essentiellement..
« ….. Art qui chante le divin sans avoir à croire en Dieu, ni à faire partie d’une religion, ni à se retenir à des dogmes, sans même savoir si ce qu’il compose est réellement un hymne ou simplement une façon de vouloir dans « divinement » prendre place…
….. Art qui frappe celui qui le fait entendre et celui qui l’entend dans un parallélisme unique. Cet art, parce qu’il reproduit en l’auditeur la trace même du passage subi par le compositeur, cet art qui a le pouvoir d’uniformiser les hommes, art naturellement social et qu’un gouvernement avisé pourrait donc diriger… « hum, pas sure que cela s’applique à toute la musique ni à celle que j’aime, même si cela déborde notablement la « musique qui marche au pas » et même si plus loin il ramène cela à son pouvoir de « modération ».

Mais il y a aussi cela que j’aime bien, un peu avant la fin, avant d’en venir à la veulerie, la suffisance et la vulgarité qu’elle peut servir :
« L’œuvre est un ensemble de trajets, un parcours en lignes brisées. Chaque trajet est sensible, sauts, chutes, montées, descentes jamais vagues, toujours mesurables….. Appréciation des trajets. Descentes et montées, ascensions infinies dans l’abstrait (Le seul voyage intelligent l’abstrait). » Mais je m’interroge un rien sur la réaction du lecteur attendant un hommage savant.
J’infligerai d’autres jours des textes sur la peinture etc… Je vais me réveiller, et faire lentement une valise, en y mettant plein de choses inutiles, en attendant qu’une voiture finisse de traverser en diagonale la France pour me prendre au passage, vraisemblablement en début d’après midi.