Je suis gagnée par la bofitude.
Je ne sais si cela vient du crâne, ou des jambes piquetées de petits éclairs d’engourdissement, du trop plein trop vide du bide, si elle se cachait dans un sillon des rides du visage, ou dans un cheveu qui hésite à tomber - peut-être du monde tel qu’il est, les poussées d’indignation remplacées par un refus en expansion continue - peut être d’une lassitude dans le creusement du moi, devant le vide.Bof, bof, bof, on verra domani (je ne peux le dire en espagnol à cause du clavier).
Amusement en feuilletant (façon de dire, le format rend l’exercice difficile) le catalogue de l’exposition Fragonard de 1987, de trouver ce passage d’un libelle de 1773
« M. Remi : En 1755, on imprima à Paris chez les libraires associés un livre intitulé, l’art de devenir Peintre en trois heures, et d’exécuter au pinceau les ouvrages des grands maîtres sans avoir appris le dessein (pas moi, orthographe d’époque). Cette recette eut, comme vous l’imaginez, un succès prodigieux, et cette seule année valut à notre Académie plus de sujets que tous le siècle n’en avait fourni : les Frago(nard), les Casa(nova), les Ha(llé)… »
De toutes les époques. Il est vrai que l’ami Diderot s’était déclaré déçu par le peintre dès 1767 et n’en a plus parlé qu’une fois dans Jacques le fataliste (parait-il).
Sans intérêt, si ce n’est que je les aime tous deux, et je me suis donc mise en quête de cette allusion. L’ai trouvée, lors de la description que Jacques fait au maître, en le déshabillant, description d’un tableau :
« Comment diable ! Jacques, ta composition est bien ordonnée, riche, plaisante, variée et pleine de mouvement. A notre retour à Paris, porte ce sujet à Fragonard, et tu verras ce qu’il en saura faire.
Jacques :
Après ce que vous m’avez confessé de vos lumières en peinture, je puis accepter votre éloge sans baisser les yeux ».
Bien sur le sujet est assez particulier : un moine et deux filles descendus d’un fiacre endommagé porte Saint Denis, le moine qui fuit, une fille dépoitraillée qui éclate de rire etc… mais je me demande si cette remarque est vraiment une condamnation ?
« M. Remi : En 1755, on imprima à Paris chez les libraires associés un livre intitulé, l’art de devenir Peintre en trois heures, et d’exécuter au pinceau les ouvrages des grands maîtres sans avoir appris le dessein (pas moi, orthographe d’époque). Cette recette eut, comme vous l’imaginez, un succès prodigieux, et cette seule année valut à notre Académie plus de sujets que tous le siècle n’en avait fourni : les Frago(nard), les Casa(nova), les Ha(llé)… »
De toutes les époques. Il est vrai que l’ami Diderot s’était déclaré déçu par le peintre dès 1767 et n’en a plus parlé qu’une fois dans Jacques le fataliste (parait-il).
Sans intérêt, si ce n’est que je les aime tous deux, et je me suis donc mise en quête de cette allusion. L’ai trouvée, lors de la description que Jacques fait au maître, en le déshabillant, description d’un tableau :
« Comment diable ! Jacques, ta composition est bien ordonnée, riche, plaisante, variée et pleine de mouvement. A notre retour à Paris, porte ce sujet à Fragonard, et tu verras ce qu’il en saura faire.
Jacques :
Après ce que vous m’avez confessé de vos lumières en peinture, je puis accepter votre éloge sans baisser les yeux ».
Bien sur le sujet est assez particulier : un moine et deux filles descendus d’un fiacre endommagé porte Saint Denis, le moine qui fuit, une fille dépoitraillée qui éclate de rire etc… mais je me demande si cette remarque est vraiment une condamnation ?
Et tant pis, je serais très longue mais continuant chez Diderot, j’ai trouvé cela, qui me ravit, et pourrait s’appliquer à l’arbre du précédent billet. sur la façon de le voir (pour celui-ci un sursaut, ou un hoquet complique la chose, introduisant un flou qui à l'époque n'aurait pu venir que de l'ivresse ou de l'absence de bésicles):
« Le champ de l’œil en embrasse une partie. Si l’œil ne réitère pas l’expérience, il ne connaîtra pas l’arbre.
Si la partie embrassée dans la première expérience par le champ de l’œil ne se lie pas à la première, en sorte qu’une partie de ce qu’on a vu se joigne à une partie de ce qu’on voit, on aura beau multiplier les expériences, on aura parcouru tout l’arbre, mais les expériences ne se liant point les unes aux autres, on n’aura point la notion précise d’un arbre.
Pour avoir cette notion exacte et des parties et de l’ensemble, il faut que l’imagination peigne le tout dans l’entendement et que j’en éprouve la sensation, comme si l’arbre était présent : et si l’on examine bien ce qui se passe dans l’entendement lorsqu’on veut apercevoir l’arbre en entier, l’on procède au-dedans de soi comme on a procédé au dehors : par champs plus ou moins étendus qui empiètent successivement les uns sur les autres, et qu’on parcourt avec une extrême rapidité, une rapidité si grande qu’on se persuade qu’on voit en dedans tout l’arbre à la fois, comme on se persuade….. »
Et le voilà lancé, et moi derrière, ravie par la souplesse de cette langue - j’espère que vous n’en avez pas fait autant, sauf si vous en aviez le loisir et la fantaisie, mais la bofitude s’en est allée.
« Le champ de l’œil en embrasse une partie. Si l’œil ne réitère pas l’expérience, il ne connaîtra pas l’arbre.
Si la partie embrassée dans la première expérience par le champ de l’œil ne se lie pas à la première, en sorte qu’une partie de ce qu’on a vu se joigne à une partie de ce qu’on voit, on aura beau multiplier les expériences, on aura parcouru tout l’arbre, mais les expériences ne se liant point les unes aux autres, on n’aura point la notion précise d’un arbre.
Pour avoir cette notion exacte et des parties et de l’ensemble, il faut que l’imagination peigne le tout dans l’entendement et que j’en éprouve la sensation, comme si l’arbre était présent : et si l’on examine bien ce qui se passe dans l’entendement lorsqu’on veut apercevoir l’arbre en entier, l’on procède au-dedans de soi comme on a procédé au dehors : par champs plus ou moins étendus qui empiètent successivement les uns sur les autres, et qu’on parcourt avec une extrême rapidité, une rapidité si grande qu’on se persuade qu’on voit en dedans tout l’arbre à la fois, comme on se persuade….. »
Et le voilà lancé, et moi derrière, ravie par la souplesse de cette langue - j’espère que vous n’en avez pas fait autant, sauf si vous en aviez le loisir et la fantaisie, mais la bofitude s’en est allée.
13 commentaires:
J'espère que demain, profitant des journée de patrimoine tu trouveras aussi de renouveau en toi même, comme je l'avais fait hier.
L'art est très subjectif et les jugements aussi, je dirais souvent, si pas toujours, affaire du goût.
J'ai découvert vos textes sur Paroles Plurielles, je découvre votre (vos) blog(s), et ça me plaît ça me plaît !
A très bientôt donc
Quelle belle écriture, je savoure les mots de votre texte, c'est comme si vous étiez là me racontant.
Belle journée et bisous de ta p'tite cousine du Québec. xoxox
Je n'ai pas lu Diderot c'est grave docteur ? Philosophe il aurait trouvé une explication à mon avantage. Je lis Brigitte c'est déjà très bien.
oh ! lis au moins Jacques c'est un régal 'et ce n'est pas très long) - ily a aussi des textes politiques, scientifiques, sur le théâtre, etc.. et "les bijoux indiscrets"
Vu la qualité de ton texte, je ne pense pas que la bofitude aie eu encore raison de toi. tu dois être résistante. Bises.
La bofitude...Tiens donc, serait ce contagieux ?
Joli billet. La bofitude te fait bien écrire en tous cas...
Oui joli texte, bofitude envolée ce sera encore mieux demain, avec ou sans tilde...
j'y entrevois l'idée du mythe de la caverne de Platon, dans ton dernier extrait... Porte toi bien Brig!
Seulement vous dire, je n'insiste pas, encore moins n'explique, le plaisir que j'ai à vous lire, la couleur justement si variée, enfin bref je ne commente pas.
Juste vous dire que j'aime, et puis c'est tout.
grand merci à vous tous. th. moi aussi je lis et j'hésite souvent à commenter, parce que je me sens intimidée, se mettre en danger devant trop de profondeur
petite italophone que je suis, j'ignore le mot "bofitude"; serait-ce une attitude de l'esprit très proche du "nonchaloir" de Charles d'Orléans? :-)
plus dégouté et navré que le nonchaloir sanns doute, mais ça n'existe pas. Bof tant pis
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