Frères humains, qui après nous vivez,
Petits frères vous qui rêvez devant les traces que nous avons laissées. Avions nous une vie plus simple et poétique ?
Derrière nos fenêtres, qui chez les plus riches étaient maintenant merveilleusement garnies de vitrages qui laissaient passer la lumière à défaut de la vue, et nous isolaient du vent ou du gel qui envahissaient nos rues sombres. Devant le broc d’eau que l’on nous montait le matin. A la lumière de nos chandelles, ou dans la pénombre de nos murs ou l’obscurité de la nuit. Sur la douceur de la jonchée qu’il suffisait de remplacer pour évacuer la souillure des jours.
A notre belle époque, où les rues étaient vivantes et parcourues de tout ce que nous rejetions, où pour nous accueillir les boutiques déposaient leurs volets de bois pour que nous y pénétrions avec l’air et la lumière que filtraient les maisons, où les caboteurs suivaient les côtes pour nous ramener des épices qu’ils confiaient aux barques des nautes qui, halées, remontaient le fleuve, ces temps fabuleux où les nobles et gros fermiers parcouraient rues et routes sur leurs chevaux ou leurs charrois, et où les autres cheminaient à pied, où des soldats de nos guerres passées faisaient de tout trajet une aventure merveilleuse.
Monsieur, nous avons signé notre traité, je vous invite. Dans ma demeure. Vous trouvez que je m’y épanouis en opulence discrète ? Je n’ai plus comme mon voisin des petits carreaux cernés de plomb, mais de très belles et grandes vitres et de superbes miroirs. Le broc d’eau est remplacé, pour moi le maître et pour ma femme et mes enfants, pour vous aussi si vous nous faites l’honneur de séjourner en cette maison quelque temps, avec votre valet, par des bains douillets dans une belle baignoire de zinc qu’ils emplissent de grands brocs d’eau chaude. Et au surplus par de capiteux parfums. Nous prolongerons le jour avec des buissons de bougies, vous me pardonnerez cette ostentation, qui est hospitalité, sans que nous en parlions. Dans ma cuisine s’entassent du riz, du sucre, du chocolat que l’on m’envoie, et je vous remercie de puiser en ma tabatière. Et si nous avions la fantaisie de parcourir sur nos jambes les rues, à la vêprée, j’ai de grands laquais habiles au gourdin. Heureux de vous voir mon ami… Je ne vous cache pas que je suis assez heureux de cet appartement. Bien sûr il y a longtemps que nous ne nous éclairons plus à la bougie comme nos pères, mais nous avons aussi abandonné ces lampes à pétrole fumeuses et odorantes que vous utilisez dans votre campagne, et dont je me contente bien entendu à la Roussière. Nous avons le gaz ici, et je crois réellement que nous avons atteint la pointe aiguë du confort dont disposera jamais l’être humain. N’êtes-vous pas d’accord avec moi sur la chance que nous avons d’être nés à cette époque ? Un beau billet de Jean Claude Bourdais http://jcbourdais.net/ (et sur la page d'accueil cliquer en bas à droite, le billet est l'avant dernier, le dernier me plaisant sans doute encore un peu d'avantage) une création pour piano à quatre mains dans un assez merveilleux endroit, et la petite chute sur le compositeur dans son coin.
10 commentaires:
Tu as dû te faire plaisir à écrire un si joli texte...Je présume que l'action se situe à Paris?
Merci de ce lien assez exceptionnel où j'y ai retenu son passage à Nouméa.
Bon week end Brig!
non seulement avignonnais mais "canton ouest" ou Jules Vernet
ma promenade s'arrête à ton texte le lien ne marche pas pour moi !
Quel billet enchanteur, vraiment... Et une question que nous nous posons sans cesse : nos aïeux étaient-ils plus ou moins heureux que nous ? Sommes-nous plus ou moins heureux que ne le seront ceux qui nous suivront ?
Question difficile... Texte magnifique quoi qu'il en soit.
@ Gérard : pour moi non plus...
corrigé - pardon
Beau billet qui me laisse quelque nostalgie de ne pas "être née à cette époque".
Voyager ailleurs, mais aussi dans le temps! Je n'en demandais pas tant mais je le prends.
Accent Grave
quelle belle promenade dans le temps, très évocatrice.
nos aïeux étaient-ils plus heureux que nous?
je dirai bêtement ça dépend lesquels.
les miens sont échinés des vies entières à gratter la terre, les femmes mourraient en accouchant (dans de grands douleurs)
peut-être étaient-ils plein de joie de vivre, mais les photos de mes arrières grands-parents ne montrent rien de semblable.
je pense qu'ils avaient, même les privilégiés, une vie matérielle beaucup plus rude. Mais qu'il faudrait que nous revenions, non vers cela, mais à plus de sobriété. Cela a été déclenché par une petite poussée d'ironie en entendant que baucoup de français étaient prêts à des efforts pour "sauver la planète" et je me suis demandé combien se passeraient de leur voiture, de leurs voyages, de cette horreur nommée climatisation et peut être de leurs ordinateurs et réfrigérateurs ?
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