J’avais fait le projet d’aller écouter Rufus et Robin Renucci, mis en scène ou en voix par Alain Timar, retracer la querelle entre Sartre et Vilar (je ne m’en souvenais pas) – mais ce fut une journée sans. Entre sommeil, mal-être, rhume et nausées, en suis restée (je sais ce n’était pas malin mais fascinant), à mes bons moments, à la délectation morose de l’écoute ou la contemplation effarée des débats à l’assemblée et du niveau de médiocrité imbécile, d’égoïsme cynique même quand il se faisait mielleux, de sottise suffisante, étalé par ceux qui représentent la majorité d’entre nous de par la volonté du peuple (une mention toute spéciale pour le Vaucluse et Mariani et son minable clone – il y a tout de même trois UMP tentant de sauver l’honneur et leurs illusions dont la douce et ferme Madame Hostallier, et, chance, l’intelligence de l’opposition, même si elle est impuissante).
Une vague proximité avec le désarroi de George Sand quand de la révolution de 1848 on est passé, rapidement et inexorablement, à la candidature de Louis Napoléon Bonaparte à la présidence d’une république dans laquelle elle ne se reconnaissait plus depuis longtemps (époque où des bandes venaient hurler « à bas les communistes » devant Nohan avant de se taire quand elle sortait dans son jardin)
« La bourgeoisie l’emporte, direz-vous, et il est tout simple que l’égoïsme soit à l’ordre du jour. Mais pourquoi la bourgeoisie l’emporte-t-elle, quand le peuple est souverain, et que le principe de sa souveraineté, le suffrage universel est encore debout ? Il faut enfin ouvrir les yeux, et cette vision de la réalité est horrible. La majorité du peuple français est aveugle, crédule, ignorante, ingrate, méchante et bête ; elle est bourgeoise enfin ! Il y a une minorité sublime… » (lettre à Mazzini en date du 18 août 1849)
Et elle plaçait son espoir lointain dans une instruction, confiée autant que possible aux membres de ce peuple qui en sentaient le désir et la nécessité. Depuis lors l’instruction, sur un modèle majoritairement bourgeois il est vrai, mais apportant l’éveil et les outils de la réflexion à la majorité, ont fait d’immenses progrès. Et on en est arrivé à cette horreur, pour les conservateurs de toutes obédiences, le danger de la démocratie, et à ce constat dans un rapport de la Commission trilatérale en 1973
« Dans le passé chaque société démocratique a eu une population marginale, numériquement plus ou moins importante, qui n’a pas activement participé à la vie politique. En elle-même, cette marginalisation de certains groupes est antidémocratique par nature, mais elle a aussi été l’un des facteurs qui ont permis à la démocratie de fonctionner effectivement. Des groupes sociaux marginaux, les Noirs par exemple (Brigetoun : ou tous les marginalisés économiques), participent maintenant pleinement au système politique. Et le danger demeure de surcharger le système politique d’exigences qui étendent ses fonctions et sapent son autorité ».
Alors, les scandales discréditant l’action politique ont été déplorés mais bien venus, et surtout sont arrivés le travail individualisé, la consommation de masse, la sophistication de la publicité et puis cette merveilleuse télévision a abandonné sa prétention à un rôle éducatif qui aurait demandé un effort aux travailleurs, et avec talent a su perfectionner l’individualisme, le rêve clinquant, un peu de sensiblerie, une dérive du sens des mots, une crainte de plus en plus auto-légitimée de l’étranger, beaucoup de démoralisation.
Et les personnages de ma photo, censés pour certains faire partie de l’identité nationale ou européenne, se brouillent dans leur refus de ce rôle.(honte à moi : c'est tiré par les cheveux mais j'aime et n'aime pas cette photo, et j'avais besoin d'une ponctuation). Mais des interrogations : la xénophobie ou la défiance de l’autre est-elle vraiment la marque de la culture française (je me demande ce qu’en penseraient la majorité de nos classiques) ? quel est le point commun entre Monsieur Brice Hortefeux et moi qui me crois française, quelle valeur partageons nous ? et, plus comiquement et moins essentiellement ; que penser de ces gens qui admirent les entreprises dynamiques où le français est mal vu (le délice des dialogues avec les standardistes de certaines boites quand on se refuse à comprendre et parler l’anglais) et veulent imposer sa connaissance à tout candidat à l’immigration. Leur incapacité à croire que la vénalité n’est pas universelle.
(mais le soir la tenue, à propos de l’éthique, de la filiation et des tests ADN, se trouvait sur tous les bancs, à part quelques pantalonnades qui malheureusement vont vraisemblablement être gagnantes – on pourra toujours croire en notre honneur en lisant les débats)
(mais le soir la tenue, à propos de l’éthique, de la filiation et des tests ADN, se trouvait sur tous les bancs, à part quelques pantalonnades qui malheureusement vont vraisemblablement être gagnantes – on pourra toujours croire en notre honneur en lisant les débats)
Cela a été voté et les sous-amendements un tantinet hypocrites du ministre n'y changent rien. Les ultras ont peut-être fait payer à l'illustrissime et à son gouvernement la tentative plus ou moind réelle d'ouverture.
12 commentaires:
J'espère que tu vas mieux.
Merci pour ce billet qui nous fait réfléchir.
J'ai un billet interactif sur mon blogue, aujourd'hui, le 20 septembre. C'est la première fois que je fais ce genre de billet. Si le coeur t'en dit, viens te joindre à nous.
Passe une belle journée et bisous de ta p'tite cousine du Québec.
Tout cale est effrayant. Comme je regrette d'avoir utiliser ce mot sans raison, je lui ai fait perdre de sa lucidité. Je n'en ai pourtant pas d'autres à ma disposition pour traduire une inquiétude réelle.
La société se durcit. Gloire aux forts. Pas de pitié. La productivité déïfié, la fin justifiant les moyens et les chiffres rois. Ce matin, je regrette aussi, après la valeur des mots abîmés, d'avoir fait des enfants. C'est dire. Je n'ai plus qu'à espérer ne pas être seule à m'émouvoir. Tristes journées.
Kiki
Tout cela, je voulais dire. Comme quoi, je suis vraiment sans dessus dessous...
Chouette billet. Rien à dire sur les tests ADN du député de plus haut que chez toi (et en face de chez moi, député qui ferait passer Bompard d'Orange pour un bon sociaux démocrate centre gauche tiens...)
Je ne suis pas forcément favorable à des regroupements familiaux de grandes ampleurs et non maitrisés. Mais faire "des test adn", cela n'a jamais été fait, jamais été vu, et ça me parait insultant. Insultant et inutile.
Pénible de voir qu'on ne peut pas parler d'immigration sans tomber dans la caricature ou dans le n'importe quoi ou dans les deux : sur ce coup là, le gouvernement est tombé dans les deux.
Ca n'empeche pas que ton blog est toujours un régal de bon matin. Merci
Billet d'humeur Brig? Je partage tes inquiétudes au sujet de cette immigration"contrôlée" et pense que depuis George Sand la France n'a pas changé; si l'on ne né pas bourgeois, du moins aspire-t-on très fort à le devenir, en utilisant tous les moyens, licites ou non!
j'admire ta capacité d'analyse et de synthèse et surtout ta volonté de suivre ces débats. Ma paresse intellectuelle est sans borne et suis contente de pouvoir lire et tes propos et ceux de tes commentateurs.
Te souhaite d'être en meilleure forme aujourd'hui ... Bonne journée Brig !
Malgré ton rhume, ton billet a une pêche d'enfer, même si sur certains passages je suis largué, je partage ton état d'esprit et réactions contre tout ce qu'ils nous concoctent..l'été fut frais..les heures chaudes arrivent.
"« La bourgeoisie l’emporte, direz-vous, et il est tout simple que l’égoïsme soit à l’ordre du jour. Mais pourquoi la bourgeoisie l’emporte-t-elle, quand le peuple est souverain, et que le principe de sa souveraineté, le suffrage universel est encore debout ? Il faut enfin ouvrir les yeux, et cette vision de la réalité est horrible. La majorité du peuple français est aveugle, crédule, ignorante, ingrate, méchante et bête ; elle est bourgeoise enfin ! Il y a une minorité sublime… » (lettre à Mazzini en date du 18 août 1849) "
Je suis "heureux " de lire cette citation .
Elle correspond si bien à mes interrogations depuis mon adolescence !
J'ai aujourd'hui 65 ans et je n'ai pas encore compris , digéré comment la majorité du peuple peut se laisser si souvent berner , surtout depuis l'école obligatoire jusqu'à 16 ans deouis longtemps .
Comment tant de personnes peuvent elles être aveugle ?
Il est vrai que lorsqu'on découvre la majorité des programmes de télévision , adaptés à la demande du public pour faire de l'audimat, on ne peut être que consterné et voir la cohérence entre le choix des programmes de télé et le vote dans les urnes .
Sans oublier la bétise des publicités s'adressant à des débiles .
Par contre , au sujet de l'immigration ...je n'ai pas d'opinion tranchée dans un sens ou dans l'autre .
L'orgueil marche devant l'écrasement... disait ma grand-mère (encore?). Oui mais en attendant...
Je rejoins mon ami Jean et son commentaire.
En face de cette démagogie, nous n'avons rien de constructif à opposer, à proposer: pas de projet de société. A se demander si nous avons encore besoin de société! Un pays réduit à une vaste entreprise, gérée tant bien que vaille! Un comble.
j'aime beaucoup George Sand,trop souvent réduite à ses amours (et quelles amours...Chopin, Musset et les autres) et à qui on attribuait de façon péjorative une image de femme scandaleuse, libertine,alors qu'elle était libre, tout simplement (merci Aurore), ou à son rôle de bonne dame de Nohant, c'est à dire une vieille dame un peu illuminée et niaise (comme ces femmes fatales qui deviennent dames patronnesses à l'arrivée des premiers bourrelets), alors qu'elle était lucide et généreuse.
J'ai lu un petit extrait des débats d'hier soir, celui où Nadine Moreno crache son venin.
mais comment avons nous bien pu faire pour être gouvernés par des crétins cyniques de cette envergure?
J'adore quand tu te révoltes !! C'est un vrai cri du coeur ça !
Inutile de te dire que je suis totalement en phase autant dans la forme que sur le fond avec ce billet !
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