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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mercredi, mai 28, 2008

Dans cette fin d’été hors calendrier, il est des moments de grâce où le tambourinement cesse,où même le rideau s’efface graduellement et où la lumière vient caresser les vieilles pierres et mes vieux os, pendant que les jeunes feuilles s’épanouissent .
Une vieille photo floue, rendue plus floue encore par ma reprise maladroite, en écho de ce qui a du être vrai puisque la photo est là, mais qui s’est enfoncé si loin dans les brumes du temps que je le réinvente, sans certitude, pour les impromptus littéraires http://impromptus.fr/dotclear/ dont le sujet était « faire sourire le général« , traitement bluette j’en suis navrée (et encore j’ai corrigé des répétitions là - indulgence cette fois des lecteurs) mais c’est ce qui m’est venu d’instinct à l’esprit en lisant ces mots, et le général en question était, je crois, outre le fait d’être mon grand-père et un homme courtois, un parfait humaniste.
En l’été 1944, l’était une jeep sur la route, à la sortie d’Alger.
Et dans la jeep l’était un général, engoncé dans une capote lourde - faisait pas chaud le matin quand il était parti - qui calmait la colère froide dont il avait joué pour garder ses hommes, pour choisir ses renforts, pour défendre son armement et en obtenir.
Sur la route de la Moutonne, l’était la poussière et une ligne à l’horizon qui était la mer.
Et le général se tenait droit, se préparant à sa rencontre avec les colonels qu’il avait convoqué et ces deux officiers américains dont il avait besoin.
La jeep a tourné dans la pinède, cahotant, de plus en plus lentement pendant qu’il réfléchissait, avec l’odeur des pins, le chant des grillons, et par-dessous, comme l’incarnation de cette période d’attente, de presque paix, le ressac de la mer.
Et j’étais là, au détour d’un buisson, un peu triste parce que mon landau avait perdu une roue, et que Mamadou; mon ami, mon premier amour m’avait été volé, pour une tâche futile.
Le général parlait - j’ai levé la tête - je me suis avancée, résolue, et j’ai poussé le landau dans ses jambes, avec tout le charme que j’avais appris à mettre dans mon sourire.
Il s’est penché avec une grimace, - il a dit « voyons, voyons… » - il m’a regardé et la grimace est devenu un sourire qui est monté jusque dans ses yeux.
Et pendant qu’on l’attendait sous la véranda avec des cocktails, des dossiers, des arrière-pensées, il a entrepris la réparation. Il n’y est pas arrivé, mais ce n’était pas grave, j’étais contente, j’avais gagné.

Toutes les mauvaises raisons du monde - pluie suivie d’un vent qui arrachait les fleurs du bougainvilliers et transformait les branches du jasmin en serpents déchaînés - et dans le calme revenu départ vers l’opéra pour écouter un quatuor nordique et féminin,le quatuor Vertavo. Et Molière m’a semblé tout spécialement placide dans sa songerie ; il est vrai que la lanterne n’est toujours pas tombée.
Une salle presque vide en contradiction avec la qualité de ce qui était donné, et qui débutait par le quatuor en mi bémol majeur de Mendelssohn, pour la douceur et le chant de l‘adagio- charme discret, un peu heurté pourtant - un peu avant la fin joli son, comme du caramel foncé, de la violoniste mince (provisoirement second violon - elle pince les lèvres comme l’adolescente appliquée qu’elle a du être).
La canzonetta, sa légèreté, les pizzicati, et le charme a commencé à jouer, avec le joli jeu des timbres. Les lèvres pincées sont devenues sourire jubilant.
Douceur du bref andante, et l’ampleur qui l’ouvre sur on ne sait quoi, et la fougue du final.

Et puis l’assez formidable quatuor n°3 de Bartok, la musique que j’attendais. Le second violon devenu premier,et la très belle attaque (du miel clair baigné de lumière). Modernité, des ruptures, des glissandi, de la furia,de beaux dialogues, et des trouées de chant pur. Une marqueterie savante de matériaux lointainement populaires, et la musique avant tout
J’ai hésité à rester pour Grieg - mal connu parce que mal aimé par moi, ou mal aimé parce que fui. L’énoncé de son nom, sottement, me rend furieusement latine. Préjugé. J’ai attendu, suis sortie sur le balcon, pour une petite récompense : côtoyer deux couples assez élégants qui disséquaient joliment leur plaisir à l’écoute de cette musique.
Vu que Litz avait aimé ce quatuor (sol mineur) mais j’ai mis longtemps (et il est long : cinq mouvements) à cesser de m’en étonner. Pourtant charme du premier mouvement (un peu convenu tout de même), toujours le joli jeu et la jubilation contenue de la décidément premier violon (comment le féminiser ?). Une alternance assez réussie de motifs. Mais je suis restée toujours un peu sur la sensation d’une belle et douce brume, de grands espaces, et mon attachement aux pierres sous un soleil dur. J’ai goûté le raffinement de cette musique, elles ont sapé mes barrières jusqu’à les faire tomber par moment, et je m’intéressais, mais la distance et un certain ennui revenaient. Comme j’ai certainement tort, disons que je suis sur le bon chemin.
Mais que vous étiez mal habillées Mesdames ! Mauvaise pensée dont le ciel m’a puni en se déversant avec assez d’enthousiasme pour que robe et saharienne légères se transforment, sur le court chemin du retour, en draperies collantes et glacées. J’ai tenté de négocier une acceptation souriante contre un ciel rayonnant faisant chanter le granit lors du mariage breton. Pas sure que cela marche.

13 commentaires:

Anonyme a dit…

Mais c'est très bien, Grieg. Le concerto pour piano est un gros machin assez indigeste qui cache une forêt de petites pièces pour piano tout à fait charmantes, par exemple (dites "pièces lyriques" (Grieg est par ailleurs l'arrière-grand-oncle de Glenn Gould ou quelque chose comme ça, sacrée famille). Et puis Peer Gynt, quand même, M. le maudit, tout ça...

Brigetoun a dit…

concerto pour piano écouté cette nuit
oui, je sais c'est très bien, mais ça m'ennuie un peu -irrationnel etc..
(idem pour Wagner sauf le vaisseau et les maîtres, tout Chopin,Litz sauf la musique religieuse, Avro Part etc... je ne suis pas musicienne)

Didier da a dit…

Je vous suis pour Arvo Pärt (quoique, ça donne parfois de bonnes musiques de film ; dans "Gerry" par exemple, c'est parfait) et Wagner (sauf les Wesendonk Lieder, une merveille) mais alors Chopin, l'admirable Chopin... et Liszt (surtout celui de la fin, si religieux en effet, et austère, et sombre, voire apocalyptique : connaissez-vous la Lugubre Gondole ? le Nuage gris ? les Cyprès de la villa d'Este ?) Cela dit, si ça peut vous rassurer, Gould, encore lui, détestait Chopin. Et il était un peu musicien...

Anonyme a dit…

j'en suis tout essoufflé, courir derrière le général à Alger et rattraper le quatuor nordique...ouf !

Brigetoun a dit…

pour les lieder j'aime aussi- et bien sur ce Litz là, autant que je n'aime pas sa musique virtuose pour salons (pardon Madame Sand)

OLIVIER a dit…

Quel joli moment d'enfance, cette rencontre avec le sourire du général !
Je t'envie pour les concerts même si j'ai peur comme toi de m'ennuyer au bout d'un moment...
J'espère que t'as pas attrapé froid !
Bonne journée chère Brig !
OLIVIER

Rom a dit…

Le goût ou l'aversion pour une œuvre musicale peuvent-ils, à l'origine et en s'attachant uniquement à l'émotion harmonieuse, être autre qu'irrationnels?
Faut-il connaitre pour apprécier, savoir pour détester, la trame d'une création, l'histoire de son compositeur?
J'éprouve un sentiment étrange de mal-être à avoir aimé Lohengrin, d'un amour naïf et mélodieux, oublié et piétiné d'une larme versée par un Hitler ému

Anonyme a dit…

La route du général c'est la route de la Moutonnière et elle est devenue maintenant une grande autoroute superbe qui mène jusqu'au vieux port et sur laquelle on peut admirer la cote est d'Alger!

Brigetoun a dit…

souvenir de retours de La Pérouse dans une voiture pleine d'enfants (dont moi, mais des années plus tard) mais ma mémoire a estropié le nom

Anonyme a dit…

Je reste ébahi, et pourtant je devrais m'y habituer, du talent avec lequel tu nous fais partager ton quotidien, tes impressions sur la vie culturelle de ta si belle ville (même si mal gérée) et tes convictions...

Et ces si beaux textes produits pour les impromptus, dont nous bénéficions nous aussi !

Muse a dit…

il en faut pour que tu nous parles de fin d'été alors qu'on a pas encore tenu sa queue... Tes journées sont très occupée chère Brig!

Anonyme a dit…

le mien, de grand-père, il était gendarme, c'est à dire qu'il avait un uniforme;
général il ne m'aurait pas plus impressionnée.

très joli ton récit...

Brigetoun a dit…

et relisant (pouquoi donc? retarder ma sortie ?)les commentaires je constate, vexée et réignée, qu'une fois de plus j'ai reproduit ma faute d'orthographe habituelle dans le nom de Liszt.Je le fais pour les anonymes amis, là c'est impardonable, si ce n'est que je sais que je recommencerai