La baronne a eu une idée, et a organisé un petit dîner amical avec son cousin Jacques, sous-préfet érudit, cultivé, étonnement ouvert, et soucieux de le faire savoir, les Dupondieu-Marie, sa nièce Béatrice d'Amer, qu'il fallait distraire - la pauvre enfant supportait assez mal l'attente du retour de son fiancé - un couple auquel elle devait un dîner et Bertrand Monseret, cet intéressant jeune créateur (elle n'avait pas très bien compris son concept mais ne doutait pas de son importance, et de ce qu'il apporterait à la ville).
Sur le seuil de la salle à manger, elle a vu dans les yeux de Benoite une pointe d’envie approbatrice devant les petites audaces du décor, et a senti un petit ronronnement intérieur gommer son inquiétude devant la courtoisie évasive avec laquelle son cousin avait écouté les petites phrases glissées pour introduire le projet de ce cher Bertrand.
Le dîner fut fantasque et délicieux, la conversation moyennement enjouée, spirituelle espérait-elle, mais le sous-préfet resta gentiment distrait et Bertrand, ce cher garçon, furieusement vague.
La baronne comprit seulement qu’il mourrait d’envie de faire un voyage en Italie, d’étude bien entendu mais sans autre précision, et quand elle lui lança, comme une plaisanterie, la proposition de l’embaucher comme chauffeur et guide, il accepta avec une simplicité qui la saisit.
Le dîner fut fantasque et délicieux, la conversation moyennement enjouée, spirituelle espérait-elle, mais le sous-préfet resta gentiment distrait et Bertrand, ce cher garçon, furieusement vague.
La baronne comprit seulement qu’il mourrait d’envie de faire un voyage en Italie, d’étude bien entendu mais sans autre précision, et quand elle lui lança, comme une plaisanterie, la proposition de l’embaucher comme chauffeur et guide, il accepta avec une simplicité qui la saisit.
Ils partirent.
Bertrand était courtois, plein d'égards et de science qu'il répandait sur elle - la baronne le suivait en écoutant, et s'appuyait sur son bras merveilleusement ferme dans les chemins difficiles ou lorsqu'elle était lasse, une lassitude qui était bien normale puisqu'elle était vieille, et docilement il se récriait. Il se chargeait des formalités avec les serveurs, les guides et dans les hôtels qu'elle avait choisis, modestes bien entendu, ou assez, ou presque, ou elle le pensait, puisque la baronne n'était pas riche, ou pas vraiment, ou moins qu'on aurait pu le croire. Et ils devenaient proches, presque, elle le croyait.
Bertrand était courtois, plein d'égards et de science qu'il répandait sur elle - la baronne le suivait en écoutant, et s'appuyait sur son bras merveilleusement ferme dans les chemins difficiles ou lorsqu'elle était lasse, une lassitude qui était bien normale puisqu'elle était vieille, et docilement il se récriait. Il se chargeait des formalités avec les serveurs, les guides et dans les hôtels qu'elle avait choisis, modestes bien entendu, ou assez, ou presque, ou elle le pensait, puisque la baronne n'était pas riche, ou pas vraiment, ou moins qu'on aurait pu le croire. Et ils devenaient proches, presque, elle le croyait.
via San Giorgio, à Lucques (elle disait Lucca) ils entrèrent dans une petite boutique où un grand jeune homme brun, orné de petites boucles, de beaux yeux bleus, d'un long visage, et qui se révéla être allemand, ce qui lui ajoutait le charme de l'inattendu, vendait quelques lourds meubles peints qu'il assurait être d'"époque", des babioles, des souvenirs point trop hideux, des guides pour touristes et quelques livres plus rares.
Pendant que les deux garçons feuilletaient ces livres, que des idées, des théories, de plus en plus raffinées, volaient entre eux, et qu'ils se regardaient, la baronne fouinait et elle a trouvé un bout de fresque, un morceau de ciment peint de rouge profond et de petits amours esquissés légèrement, et dansant comme la jeunesse, qui lui a fait battre le coeur.
Bertrand a ri, lui a expliqué qu'il s'agissait d'une assez moyenne copie contemporaine - il s'est excusé si gracieusement auprès du vendeur de sa franchise et leur regard sur elle était si ironique qu'elle a acheté l'objet, puisque ce qui comptait, n'est-ce-pas, était son goût à elle, et elle a invité le commerçant à dîner avec eux à l'hôtel.
Pendant que les deux garçons feuilletaient ces livres, que des idées, des théories, de plus en plus raffinées, volaient entre eux, et qu'ils se regardaient, la baronne fouinait et elle a trouvé un bout de fresque, un morceau de ciment peint de rouge profond et de petits amours esquissés légèrement, et dansant comme la jeunesse, qui lui a fait battre le coeur.
Bertrand a ri, lui a expliqué qu'il s'agissait d'une assez moyenne copie contemporaine - il s'est excusé si gracieusement auprès du vendeur de sa franchise et leur regard sur elle était si ironique qu'elle a acheté l'objet, puisque ce qui comptait, n'est-ce-pas, était son goût à elle, et elle a invité le commerçant à dîner avec eux à l'hôtel.
La soirée s'est prolongée, le chianti conseillé par le sommelier était délicieux - elle s'est sentie vraiment lasse et vieille pour la première fois - elle est montée se coucher. Le lendemain matin, Bertrand était navré pour elle et la suite de son voyage, puisque, lui, il s'installait avec Kurt. Il était certain qu'elle comprendrait que c'était justement le cadre qu'il lui fallait pour...
Elle a dit oui, elle s'est levée, et quand elle a été hors de vue elle a donné un coup de pied à ses jupes, m'a montré de grosses épaules furieuses et s'en est allée en m'injuriant pour ne pas l'avoir finie, et l'avoir si durement ébauchée. Je lui ai demandé de me pardonner et lui ai promis... mais elle était partie.
Et je vous prie de m’excuser
Elle a dit oui, elle s'est levée, et quand elle a été hors de vue elle a donné un coup de pied à ses jupes, m'a montré de grosses épaules furieuses et s'en est allée en m'injuriant pour ne pas l'avoir finie, et l'avoir si durement ébauchée. Je lui ai demandé de me pardonner et lui ai promis... mais elle était partie.
Et je vous prie de m’excuser
P.S. au petit matin -
et je me couvre de ridicule, mais malgré une approbation, vos commentaires, quand daignez en laisser me manquent - alors finis les caprices
8 commentaires:
De belle ocre, ta terre prend forme et ne lui manque que la parole.
Une cure de silence: j'en rêve depuis si longtemps...
Romancier et point du tout terre à terre !
Mais... autobiographique ?
Mes hommages baronne.
oh non ! pas autobiographique du tout - j'ai aimé les vieux, maintenant je dors
Quoique, c'est vrai je suis plus décontractée (justement) avec des plus jeunes, beaucoup plus jeunes que moi.
Pour le moment je dégèle, le ciel est beau mais l'ensemble chemisier fin veston de velours très insuffisant
C'est quand même plus agréable de laisser quelques mots après t'avoir lue en tes terres...cuites..à demain capricieuse ha ha !
no comment
Brig, j'ai aimé ta promenade de dimanche. J'ai lu un peu vite ton conte, tant pis pour moi...
T'as raison de faire des caprices !
Belle semaine !
oui j'use du privilège des vieilles femmes : se permettre la faiblesse et la sottise, sauf pour ce qui en vaut réellement la peine
Un bonheur de retrouver cette petite statuette d'argile... l'argile est une matière qui vous va bien ... et que j'affectionne aussi de temps en temps...
"L’argile aussi sera, pour bien des âmes, un thème de rêveries sans fin. L’homme se demandera sans fin de quel limon, de quelle argile il est fait. Car pour créer il faut toujours une argile, une matière plastique, une matière ambiguë où viennent s’unir la terre et l’eau. Ce n’est pas en vain que les grammairiens discutent pour savoir si l’argile est masculin ou féminin. Notre douceur et notre solidité sont contraires, elle demande des participations androgynes."
Bachelard (L'eau et les rêves)
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