Et en revenant des Halles, (les photos de ma déambulation tombant ici au hasard de mon trajet matinal) après les pâtes et une nouvelle tentative infructueuse pour dégager le tube mort de la salle d'eau (et je continuerai à me laver, à laver, à nettoyer dans le noir jusqu'à la venue improbable de plus fort que moi), me souvenant du billet lu aux petites heures sur les lignes de fuite http://blog.lignesdefuite.fr/post/2009/05/20/la-liberte-de-trouver-a-redire , me suis installée contre le mur de la cour (et j'étais obligée de rentrer de temps en temps pour mouiller mes poignets, mes tempes et la pliure des bras) avec quelques poètes, à la recherche de leurs mots sur la poésie.
Yves Bonnefoy "dans le leurre des mots"
"Ô poésie,
Je ne puis m'empêcher de te nommer
Par ton nom que l'on n'aime plus parmi ceux qui errent
Aujourd'hui dans les ruines de la parole.
Je prends le risque de m'adreser à toi, directement,
Comme dans l'éloquence des époques
Où l'on plaçait, la veille des jours de fête,
Au plus haut des colonnes des grandes salles,
Des guirlandes de feuilles et de fruits."
en contrepoint, mais non sans exigence, Francis Ponge (lettre du 22 juillet 1941)
"J'ai besoin du magma poétique mais c'est pour m'en débarrasser.
Je désire violemment (et patiemment) en débarrasser l'esprit. C'est en ce sens que je me prétends combattant dans les rangs du parti des lumières, comme on disait au grand siècle (XVIIIème). Il s'agit, une fois de plus, de cueillir le fruit défendu, n'en déplaise aux puissances de l'ombre, à Dieu l'ignoble en particulier."
"J'ai besoin du magma poétique mais c'est pour m'en débarrasser.
Je désire violemment (et patiemment) en débarrasser l'esprit. C'est en ce sens que je me prétends combattant dans les rangs du parti des lumières, comme on disait au grand siècle (XVIIIème). Il s'agit, une fois de plus, de cueillir le fruit défendu, n'en déplaise aux puissances de l'ombre, à Dieu l'ignoble en particulier."
Philippe Jacccottet "paysages avec figures absentes"
"sous ce vent doux, lointain, continu..
Ce qui distingue la poésie de l'histoire, d'une certaine histoire, et de toute science est là. Dans mon saisissement, le vol de l'aigrette avait au moins autant de part que le bruit du vent et ces remparts d'un dessin si pur ou ces tombes plus barbares. C'était leur rencontre qui suscitait une phrase encore vivante."
"sous ce vent doux, lointain, continu..
Ce qui distingue la poésie de l'histoire, d'une certaine histoire, et de toute science est là. Dans mon saisissement, le vol de l'aigrette avait au moins autant de part que le bruit du vent et ces remparts d'un dessin si pur ou ces tombes plus barbares. C'était leur rencontre qui suscitait une phrase encore vivante."
Jean-Michel Maulpoix "l'instinct du ciel"
"Poéte, par quoi d'autre le devient-on que sa propre disparition ? Une espèce d'absence, là ou d'autres s'empressent et trouvent quantité de choses à leur goût. Ces enfants sont sans mère. qui dans la langue cherchent leur refuge. Quelqu'un leur a manqué. Quelqu'un qui leur ressemble. Ils tissent de tout leur corps sur le papier d'inutiles toiles d'encre avec l'espoir insensé que cet autre-là s'y laissera prendre. Alors peut-être sauront-ils de quelle nuit ils sont eux-mêmes venus."
"Poéte, par quoi d'autre le devient-on que sa propre disparition ? Une espèce d'absence, là ou d'autres s'empressent et trouvent quantité de choses à leur goût. Ces enfants sont sans mère. qui dans la langue cherchent leur refuge. Quelqu'un leur a manqué. Quelqu'un qui leur ressemble. Ils tissent de tout leur corps sur le papier d'inutiles toiles d'encre avec l'espoir insensé que cet autre-là s'y laissera prendre. Alors peut-être sauront-ils de quelle nuit ils sont eux-mêmes venus."
Je suis rentrée, j'ai lu des blogs et des articles, et puis ai continué un petit moment, dans les textes de publie-net emmagasinés, http://www.publie.net/tnc/ , en m'aidant à vrai dire de l'outil "notes" de l'épatante liseuse de "l'Immatériel"
Proust '"à propos de Baudelaire"
"Je suppose surtout que le vers de Baudelaire était tellement fort, tellement vigoureux, tellement beau, que le poète passait la mesure sans le savoir. Il écrivait sur ces malheureuses petites vieilles les vers les plus vigoureux que la langue française ait connus, sans songer plus à adoucir sa parole, pour ne pas flageller les mourantes, que Beethoven dans sa surdité ne comprenait, en écrivant la Symphonie avec chœurs, que les notes n'en sont pas toujours écrites pour des gosiers humains, audibles à des oreilles humaines, que cela aura toujours l'air d'être chanté faux." ouai
Proust '"à propos de Baudelaire"
"Je suppose surtout que le vers de Baudelaire était tellement fort, tellement vigoureux, tellement beau, que le poète passait la mesure sans le savoir. Il écrivait sur ces malheureuses petites vieilles les vers les plus vigoureux que la langue française ait connus, sans songer plus à adoucir sa parole, pour ne pas flageller les mourantes, que Beethoven dans sa surdité ne comprenait, en écrivant la Symphonie avec chœurs, que les notes n'en sont pas toujours écrites pour des gosiers humains, audibles à des oreilles humaines, que cela aura toujours l'air d'être chanté faux." ouai
Olivier Rolin "la chambre des cartes"
"Diriez-vous que la poésie est très utile, assez utile, plutôt inutile, carrément inutile, ne sait pas. Laissez-moi consulter mon écran. Eh bien dites donc... Les chiffres parlent d'eux-mêmes... Les chiffres, eux, ne mentent pas. C'est comme la terre. Non, excusez-moi, c'était une plaisanterie. Et pourquoi ce désaveu, selon vous ? Non Mademoiselle, je sais ce que vous allez me dire, mais je vous arrête. Le public est roi. Un roi démocratique, parfaitement. Moi j'appelle ça le marché, mais appelez ça le peuple si vous voulez : ça revient au même. Or, que veut le peuple ? Que dis-je, qu'est-ce qu'il exige ? Qu'on le distraie, pas qu'on lui farcisse la tête. Il a assez d'emmerdements comme ça, le marché. Le peuple plutôt. C'est aussi simple que ça".
"Diriez-vous que la poésie est très utile, assez utile, plutôt inutile, carrément inutile, ne sait pas. Laissez-moi consulter mon écran. Eh bien dites donc... Les chiffres parlent d'eux-mêmes... Les chiffres, eux, ne mentent pas. C'est comme la terre. Non, excusez-moi, c'était une plaisanterie. Et pourquoi ce désaveu, selon vous ? Non Mademoiselle, je sais ce que vous allez me dire, mais je vous arrête. Le public est roi. Un roi démocratique, parfaitement. Moi j'appelle ça le marché, mais appelez ça le peuple si vous voulez : ça revient au même. Or, que veut le peuple ? Que dis-je, qu'est-ce qu'il exige ? Qu'on le distraie, pas qu'on lui farcisse la tête. Il a assez d'emmerdements comme ça, le marché. Le peuple plutôt. C'est aussi simple que ça".
Philippe Berthaut "seau rouge, seau bleu"
"Ensuite cela déborde
Imaginons ces mots débordant de leurs récipients
Seau rouge, seau bleu
Se répandant en flaques tout autour
La poésie même comme un trop-plein de langage dans le corps
Et la page comme une flaque s’incurvant
Dans son ventre accueillant les gouttes de lettres
Tout cela si clair si limpide
Comme est toujours la poésie malgré les images qui l’encombrent"
"Ensuite cela déborde
Imaginons ces mots débordant de leurs récipients
Seau rouge, seau bleu
Se répandant en flaques tout autour
La poésie même comme un trop-plein de langage dans le corps
Et la page comme une flaque s’incurvant
Dans son ventre accueillant les gouttes de lettres
Tout cela si clair si limpide
Comme est toujours la poésie malgré les images qui l’encombrent"
et puis, en trichant un peu, puisque le mot manque, Fred Griot "Plateau"
"parole c’est émerge d’un matériau brut, puissant. mots à matière souffe respire. mots appuyés condensés pesants. la parole a un poids dans le jeté souffe fux
un poids dans l’appui. dans l’appui du souffe sur l’air de l’entendre"
"parole c’est émerge d’un matériau brut, puissant. mots à matière souffe respire. mots appuyés condensés pesants. la parole a un poids dans le jeté souffe fux
un poids dans l’appui. dans l’appui du souffe sur l’air de l’entendre"
Mes compliments aux passants.
9 commentaires:
passante encombrée d'un reste de poésie
Laissé par un passant sur un banc :
- "La poche d'un poète comme un carré de ciel, une pincée de terre, contient ce qu'un poète ne sait pas : les mousses et les brumes de sa propre vie. Et des gouttes de soleil et de sang."
René Char.
Quel bonheur cet instant de poésie... heureux passants en ce petit matin de vie...
prendre le temps de voir, regarder, se plonger dans la vie, et partager ces instants !
Il y a bien un voisin qui te changera ce tube !
Beau florilège et Ponge pour faire le ménage !
Il fallait en effet un jour de si grande chaleur ...
Ici, point de poésie: une trop grande fraîcheur n'anime point les esprits et ne les porte pas au ciel!
Venir chez toi comme l'on va à la fontaine un soir d'orage.
Bonheur fugitif de venir reprendre quelques forces sur ce blog. Photos plus magnifiques encore, textes délicieux. Il faut décidément que je garde beaucoup plus de temps pour mes préférences. Tout me manque tellement ! Alors à très bientôt Brigetoun et ne change surtout rien...
Un morceau de bonheur, ça fait du bien. C'est beau, doux et fort. Bonne nuit.
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