..." Pour moi je ne pourrais pas vous servir de secrétaire, encore moins de courreur ; la raison en est que mes fuseaux, que j'appelais jambes, ne peuvent plus porter votre serviteur, et que mes yeux sont entièrement à la Chaulieu, bordés de grosses cordes rouges et blanches depuis qu'il a neigé sur nos montagnes. Vous qui êtes un grand chimiste, vous me direz pourquoi la neige, que je ne vois point, me rend aveugle ; et pourquoi j'ai des yeux très bons dès que le printemps est revenu. Comme vous êtes parfaitement en cour, je vous demanderais une place aux Qinze-Vingts pour l'hiver..."
13 octobre 1769 - à Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
..." Figurez-vous qu'au 1er octobre il est tombé de la neige dans mon pays ; j'ai passé tout d'un coup de Naples à la Sibérie ; cela n'a pas raccommodé ma vieille et languissante machine. On me dira que je dois être accoutumé, depuis quinze ans, à ces alternatives ; mais c'est précisément parce que je les éprouve depuis quinze ans que je ne les peux plus supporter..."
13 octobre 1769 - au chevalier Jacques de Rochefort d'Ally
.." en voilà pour cinq mois au moins ; mon état est triste, pour me consoler je songe à votre bonheur..."
21 octobre 1769 - à Pierre-Joseph-François Luneau de Boisjermain
"Je suis très malade, Monsieur, je ne verrai pas longtemps les malheurs des gens de lettres"....
23 octobre 1769 - à Jacques Lacombe
.."Savez-vous, Monsieur, qui travaille aux nouveaux tomes de l'Encyclopédie ? Je suis bien malade, vous savez que je ne travaille plus qu'à mon salut.
28 octobre 1769 - à Jean Le Rond d'Alembert
..." J'aurais encore mieux aimé causer avec vous à Paris ; mais le triste état où je suis ne m'a pas permis de voyager, et je crois, entre nous, que ni messieurs ni les révérends pères n'auront plus désormais de querelle avec moi...."
Bon, il parle de bien d'autres choses; il désavoue des écrits qui courent, il propose ou nie sa participation à la suite de l'Encyclopédie mais à part son homme d'affaires, Catherine de Russie victorieuse sur les turcs, et Cramer, chacun a droit à une allusion plus ou moins légère à son état, en une période où sa correspondance se fait (pour lui) extraordinairement rare. Lui ? Monsieur de Voltaire, qui avait cessé depuis très longtemps d'être désigné autrement, et qui se squelettisait doucement.
9 commentaires:
en vérifiant la date de sa mort, me suis dit que comme lui je pourrais bien avoir encore une dizaine d'années à me plaindre!!mais sans le secours de sa plume! alors je lui emprunte un petit truc qui me plait bien:
"La religion existe depuis que le premier hypocrite a rencontré le premier imbécile !"
(François-Marie Arouet, dit Voltaire / 1694-1778)
Ici, mes soeurs, tout à trac, l'orage a percé la nuée et s'est déversé subito presto, arrosant et les gens et la terre.
On ne peut porter meilleur et railleur regard sur soi que ce Monsieur d'Arouet sur lui-même.
Etrange main ? Les lignes de vies n'ont pu être contenues dans la seule paume.
le visage étant à l"unisson, raison du chapeau, au lieu de l'assumer
Richelieu est à 30 kms de chez moi...je parle de la ville oups !
un lien très étroit avec Louis-François-Armand
"Belle est la main qui caresse les étoiles
Belle est la fleur qui s'ouvre au matin "
Li Bo (suite du poème esquissé chez Ossiane ce matin !!!!)coincidence appropriée
orages inexistants au bord de la grande bleue
étrange beauté de la main
Ce ne sont pas des mains d'altesse,
De beau prélat quelque peu saint,
Pourtant une délicatesse
Y laisse son galbe succinct.
Ce ne sont pas des mains d'artiste,
De poète proprement dit,
Mais quelque chose comme triste
En fait comme un groupe en petit ;
Car les mains ont leur caractère,
C'est tout un monde en mouvement
Où le pouce et l'auriculaire
Donnent les pôles de l'aimant
Les météores de la tête
Comme les tempêtes du cœur,
Tout s'y répète et s'y reflète
Par un don logique et vainqueur.
Ce ne sont pas non plus les palmes
D'un rural ou d'un faubourien ;
Encor leurs grandes lignes calmes
Disent «Travail qui ne doit rien ».
Elles sont maigres, longues, grises,
Phalange large, ongle carré.
Tels en ont aux vitraux d'églises
Les saints sous le rinceau doré,
Ou tels quelques vieux militaires
Déshabitués des combats
Se rappellent leurs longues guerres
Qu'ils narrent entre haut et bas.
Ce soir elles ont, ces mains sèches,
Sous leurs rares poils hérissés,
Des airs spécialement rêches,
Comme en proie à d'âpres pensers.
Le noir souci qui les agace,
Leur quasi-songe aigre les font
Faire une sinistre grimace
A leur façon, mains qu'elles sont.
J'ai peur à les voir sur la table
Préméditer là, sous mes yeux,
Quelque chose de redoutable,
D'inflexible et de furieux.
La main droite est bien à ma droite,
L'autre à ma gauche, je suis seul.
Les linges dans la chambre étroite
Prennent des aspects de linceul,
Dehors le vent hurle sans trêve,
Le soir descend insidieux...
Ah ! si ce sont des mains de rêve,
Tant mieux, - ou tant pis, - ou tant mieux.
P. Verlaine
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