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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mardi, janvier 19, 2010

Lundi, ciel et lumière revenus, ça je l'ai vu, en charriant sacs, avec draps de trois semaines vers la blanchisserie, et en commandant un livre pour un enfant, mais c'était une journée blanche, sans envie d'y entrer, avec un peu de mauvaise humeur, sans raison à cela, et puis peut-être même pas, une journée de nourriture et de somnolence.

Juste assez consciente pour les dialogues nécessaires et limités, avec la petite pincée d'amabilité neutre pour rendre fluide, juste assez consciente pour remarquer que le seul tas survivant de ce qui fut de la neige était à côté de ma porte, fort peu survivant à vrai dire, et j'étais juste assez en dehors de la vie pour y voir une sculpture qui m'a séduite, assez pour que j'en garde trace.

Mais comme je n'avais guère envie de mettre des mots les uns derrière les autres (et voici que je le fais), j'ai repris deux traces de remembrances de Paris, mises en forme en même temps l'autre jour et envoyées :

au convoi des glossolales http://leconvoidesglossolales.blogspot.com (et j'ai dû chercher photos de ces lieux familiers sur le net)

Le square Louvois est désert, noyé dans un début de nuit et une petite pluie fine qui dresse un voile étincelant devant les ventres, les cuisses des statues de la fontaine. La porte cochère se referme derrière moi avec un claquement sourd, profond, qui résonne dans le silence vertigineux, silence qui souligne mes pas pendant que je m'éloigne, un peu ankylosée, et tourne dans la rue Saint Anne. Je m'affermit, et l'idée de la musique, l'entrée dans un autre monde, le mien, essaie de danser sur ce qui me reste de conscience, mais je n'arrive pas à émerger du vide où tournent depuis plus d'un mois maintenant des chiffres, des calculs, des vérifications, des articles de loi – je sais que je suis à mi chemin, je panique devant la masse de ce qui n'est qu'effleuré, avec, sous-jacente, la certitude que j'y arriverai même si l'esprit comateux et le corps épuisé l'ignorent. En traversant la rue du 4 septembre je vérifie que j'ai «tenu » dix heures au bureau dans la solitude du samedi, avec une petite bouffée de satisfaction parce que cela fut assez facile aujourd'hui, juste un petit « os » noté sur une feuille dans mon sac. Je devrai reprendre cela chez moi dimanche soir, avec l'examen des listings qui m'attendent. Je secoue mes épaules crispées pour évacuer cette fausse lucidité qui m'enchaîne au labeur de ces jours, pour renverser (et je fais un petit signe avec mes mains), l'ordre de mes attentions. Je m'arrête au bureau de tabac à coté de l'opéra comique, et ce m'est un petit sas. Le trottoir du métro est vide mais le wagon dans lequel je monte bruisse de ces voix un peu plus fortes, de ces conversations qui nous viennent le soir quand au bout du trajet attendent repos ou distractions, et le hall du théâtre des Champs Elysées est plein de groupes plus ou moins élégants, de retrouvailles, de voix un peu précieuses qui me reposent. Je me redresse, m'imagine gracieuse en espérant que cela se voit dans ma façon de gravir ma volée d'escalier, à gauche, même si, bien entendu personne ne me regarde. Je ne suis pas trop en avance. J'écoute vaguement mes voisins. L'orchestre s'installe et déborde presque du plateau. Le noir se fait. Nous applaudissons la silhouette de Seiji Ozawa. Ce silence inimitable et puis les premières notes du requiem de Berlioz. Je suis heureuse. Je m'endors.

Et puis, pour «j'ai aimé » http://jaiaime.blogspot.com/

J'ai aimé le Musée de l'Homme, le hall et l'amplification des sons, les salles jamais tout à fait vides, le kayak et ces vitrines alignant des séries de houes, d'hameçons, de paniers, de tissus, de photos plus ou moins jaunies, et puis de masques, de bijoux, et l'absence fréquente de toute étiquette, ou l'identification par des codes ou numéros obscurs, l'impression de côtoyer humains de toutes régions, de toutes époques, et ces hommes qui se penchaient sur eux, qui s'étaient consacrés à leur étude avec plus ou moins de patience fraternelle, cette érudition accumulée et en construction. J'ai aimé la poussière que soulignait la lumière froide des grandes fenêtres donnant sur l'esplanade et les rires et cris qui en montaient. J'ai aimé fouiller dans la librairie à droite de l'escalier, les rayons de revues compressées et les livres à colorier pour enfants.

J'ai aimé, parfois, en sortant, errer dans le désert du Musée des monuments Français, voir les reproductions des fresques de Saint Savin et autres, fausses et plus vraies que les vraies puisqu'enfin visibles, et me souvenir ou découvrir des détails de sculptures pendant qu'approchait l'heure du thé, la fin du dimanche après-midi.

J'ai aimé les théâtres où j'avais mes habitudes, les chauffeurs de la navette des Amandiers, fort peu traverser les parkings de Créteil dans la nuit avant l'interminable trajet en métro, le public de la Cité de la Musique, un peu celui des Bouffes, un peu moins celui du théâtre des Champs Elysées et pas du tout celui du Châtelet, sauf le dimanche matin, la proximité complice du théâtre de la Bastille, dégringoler dans la nuit vers ma rue de la Roquette en sortant de la Colline, l'ambiance des premières à l'Odéon, même quand, assez rarement en fait, le spectacle était franchement décevant, et regarder, plantée devant une fenêtre du foyer, la place vide et la rue de Tournon en écoutant les échanges dans mon dos. J'ai un peu moins aimé la période de la cahute au bord du canal et j'ai détesté que ma fatigue me fasse renoncer à aller jusqu'aux ateliers Berthier et rentrer chez moi, en caressant mon billet et mon dégoût de moi et ma faiblesse. Je n'ai pas aimé que l'Odéon rénové ouvre quelques mois après mon départ.

J'ai aimé Paris, ou je l'ai porté en moi, avec ses défauts et ses beautés, et je tombe dans un petit trou de sensations perdues en pensant à certains coins de rue ou même de couloirs de métro.

Je n'aime pas commencer à chercher en vain des noms que je croyais gravés dans mon esprit, je n'aime pas l'idée d'une visite en étrangère dans cette ville, de ne plus y être ancrée.

Et du coup, pour ceux qui s'égareraient ici, suis très, très longue.

15 commentaires:

Michel Benoit a dit…

Je me suis plusieurs fois demandé avec les yeux où était nichée la séduction de ces tas de "ce qui fut de la neige" que l'on voit un peu partout, sans pour cela arriver à faire une photo. Toi oui !

JEA a dit…

sculpture de neige
ou d'ailes d'éphémères ???

Brigetoun a dit…

mon goût, depuis toujours au grand désarroi de ma mère, pour les ordures

Muse a dit…

on ne vient jamais chez toi par hasard, juste pour y chercher la manne dont on se régale au quotidien...

Michel Benoit a dit…

L'esthétique des ordures est très prégnante.
Passionnante.
A fait couler pas mal d'encre.

Anthony Poiraudeau a dit…

C'est amusant, Brigitte, je suis passé précisément dans ce quartier de Paris le jour où votre texte a paru sur le convoi des glossolales. Alors que je ne fréquente plus guère ce secteur depuis plusieurs années pourtant (à l'époque où j'étais étudiant, entre BNF et Institut National d'Histoire de l'Art, j'y allais souvent par contre).

micheline a dit…

vous avez dit esthétique??
matière à réflexion pour d'autres
matières à récupération pour d'autres encore..elles m'intriguent toujours

Michel Benoit a dit…

Bien sûr esthétique et même art.

Il y a des livres sur le sujet(Susan Sontag à propos de photographie).

Il y a des artistes qui travaillent sur ce support.

La formule "recyclage" risquant sans doute dans l'avenir de tuer cette esthétique spontanée.

jeandler a dit…

J'aimerais bien faire cette balade dans Paris. Pourtant à portée de la main.
Une lumière triomphale pour ce matin, en ouvrant ta page. Très théâtral ce style jésuite!

Gérard a dit…

Difficile de ne pas aimer Paris, même dans ses contradictions

MATHILDE PRIMAVERA a dit…

Entre Avignon et Paris tu ne sais que choisir, aussi ton cœur et ton regard se sont placés dans le quartier de la Balance ! Beau compromis très bien décrit ici !

Brigetoun a dit…

Mathilde je m'insurge ! pas dans le quartier de la Balance ! à aucun prix !
non dans les vieilles rues au dessous

joye a dit…

Tu devrais t'appeler Madeleine !

En voyant ton bout de neige qui restait, je me suis rappellé un jour quand j'étais gamine, l'hiver refusait de repartir, alors, je suis sortie de la maison et j'ai enlevé le dernier tas de neige qui restait sans fondre dans le jardin afin de ne plus le voir depuis la fenêtre.

:-)

Merci pour la retrouvaille, brige.

tanette a dit…

Bonne soirée Brigetoun.

Fardoise a dit…

J'ai moi aussi aimé cette balade dans Paris,elle m'a rappelé des souvenirs, bien sûr de passagère seulement, mais toujours vivants tout de même.