Françoise a klaxonné et son père est venu ouvrir le portail ; l'auto est entrée dans le jardin, a pris a courbe de l'allée, est allée se garer sous les arbres.
Françoise est sortie, a attrapé d'un baiser la joue de son père qui se dirigeait sans un mot vers le coffre, sortait la valise.
Il l'a rejointe, lui a mis la main sur l'épaule, lui a dit « bonjour ma fille. Excuse moi. Merci de venir. Je te préviens, ta mère.. »
« oui ?»
« est d'une humeur de chien, tourneboulée la pauvre.. »
Ils arrivaient devant la porte de la cuisine. Elle s'est retournée sur la dernière marche, la main sur la poignée, dominant sa masse solide, qui se repliait, semblait vouloir se faire invisible, ou discrète, ou en dehors.
« Qu'est ce qu'elle a ? »
« Elle te dira ».
La cuisine sentait bon. Marie s'est retournée avec un grand sourire, l'a embrassée en s'essuyant les mains.
« Bonjour ma belle, tu avais beau temps pour la route ».
Françoise humait :« ton lapin ? Et puis ? »
«une tarte aux oranges »
« ça c'est pour maman ».
« Vas vite la voir, elle est au salon, elle t'attend. Laisse ta valise, tu as bien le temps »
A pris le couloir, a crié « Maman ? »
Sa mère est venue vers elle, l'a tenue à bout de bras, l'a regardée, a tranché : « tu as l'air bien. Joli ce chandail. Paul tu nous sers un porto ? » et en ricanouillant « on en a bien besoin, et puis ça se fête ! »
« Mon arrivée ? merci ».
« Ta tante. »
« Mathilde ? qu'est ce qui lui arrive encore ?».
Une lettre était posée sur la petite table volante, près de la cheminée vide, à côté d'une timbale de roses épanouies, au bord de la mort.
« Tu ne devinera pas. »
« Elle a de nouveaux protégés, et tu as peur de ? »
« non »
« Elle prépare un livre qui.. »
« Non, des petits contes pour enfants.. un peu grinçants d'ailleurs... »
« Elle s'est fait arrêter ?».
« non – plus inattendu »
« Ecoute... je ne sais pas moi... Merci Papa. »
Et pendant qu'elle levait son verre, saisissait l'odeur chaude, prenait une petite gorgée,
« Elle se marie »
Françoise a toussé pour ne pas s'étrangler, laisser passer son rire.
« Mais c'est merveilleux. Inattendu. Il était temps. C'est qui ? Pourquoi fais-tu cette tête ? »
« Un sénateur. Xavier Bouillonet-Dreuzy. Il est propriétaire d'un petit château. Il est aussi promoteur et puis, oh ! Je ne sais plus.. et de droite»
« Mais, je ne comprends pas, ça devrait te plaire »
« Il est assez beau encore, à leur âge, et très riche. »
« Des amis un peu trop violemment et récemment riches ? C'est pour ça ? Parce que, sans ça, c'est bien, non ? C'est confortable. Elle devient comme vous – oui, bon, comme nous...»
« Justement. Pas elle. Tu te rends compte – à son âge, changer comme ça. Comment peut-elle ?»
Et c'est vrai, Françoise était un peu déçue – une trahison.. et puis elle était vexée de l'apprendre là, ainsi.
Le sujet des impromptus littéraires http://www.impromptuslitteraires.fr/dotclear était « la vieille dame indigne », sujet qui m'a semblé un peu trop clos (et à vrai dire je ne le lisais pas, influencée par le film de René Allio, comme les premiers contributeurs qui semblent s'être fixés simplement sur des vieilles odieuses, me donnant une sympathie un peu honteuse pour leurs héroïnes), et en réaction avec les premières idées qui me venaient ai sorti ça, m'attardant beaucoup trop sur tout ce qui n'était pas ma bonne femme. Ne sais pourquoi je m'entête.
Et puisque, bien ou mal, je tentais de mettre en mots quelque chose pour le convoi des glossolales http://leconvoidesglossolales.blogspot.com, je recopie mon élément de celui de samedi, partie d'un ensemble de quatre tranches de vie ordinaire (sont belles ma ponctuation, non ?)
Madame Flambier a fermé sa porte, s'est penchée, a saisi les poignées de son cabas de sa main droite, a fait un pas, a empoigné le bois poli de la rampe, a souri machinalement, par habitude, à sa douceur et sa blondeur luisante, preuve des soins de la gardienne, a entrepris de descendre avec ce peu de maladresse hésitante qui lui venait, dont elle prenait conscience depuis quelque temps, ce qui l'amenait à l'accentuer presque inconsciemment, avec aussi un peu d'auto-ironie protectrice. Quelques marches en dessous du deuxième palier, il y avait les dos de Martine Sanchez et Martin Durand, têtes penchées sur un journal tendu entre leurs mains, leurs corps serrés occupant tout le passage. Madame Flambier a toussoté, a dit « bonjour », a poussé son cabas contre le dos de Martin. Ils ont tourné la tête, Martine a souri et répondu « pardon, bonjour ». Martin a soupiré, lâché sa moitié de journal, s'est levé, pressé contre le mur, a constaté que le trou creusé ainsi était insuffisant, est descendu de quatre marches, a levé la tête vers la femme qui a faufilé son début de corpulence en frôlant Martine, l'a salué, lui, d'un hochement de tête en passant devant lui, a continué sa descente. Et pendant qu'il reprenait sa place, elle, une volée de marches en dessous, tendait l'oreille pour savoir par quels mots, quel ton, ils commenteraient la rencontre, et la caractériseraient elle. Mais n'est venu qu'un qualificatif énergiquement ironique sur la déclaration d'un édile municipal.
PS. merci aux persistants
14 commentaires:
La première photo ne représenterait-elle pas l'ancienne maison du directeur de la prison, devenue par la suite la première bourse du travail d'Avignon ?
détournement - irais je en prison ?
par son absence la dame "indigne" n'en est que plus présente...
Même si je porte le même prénom, je n'aimerai pas sa destinée !
J'aime beaucoup ta photo des escaliers !
indigne d'un don ..sans conteste !
Très drôle, ton interprétation de la vieille dame indigne ! D'un humour renversant!
Michel - Ah, c'était la maison du directeur de la prison ? Je vois très bien où elle est, je l'ai reconnue, mais je ne savais pas ça.
Mais à une époque lointaine...
ah ben j'adore :-) (commentaire plat mais sincère)
Il n'y a pas de vieille indignes, il n'y a que des jeunes gougnafiers.
;o)
"à son âge, changer comme ça. Comment peut-elle ?"
Bien vu l'idée préconçue que les choses sont irrémédiablement figées à un certain âge.
êtes bien gentils
Toute indignée qu'elle est, n'a pas perdu l'appétit : Lapin, tarte à l'orange, porto ... Y a des valeurs sûres !
"L'esprit de l'escalier"....pour le dernier texte
Il en est comme le bon chocolat !!! il en reste longtemps un bon goût dans la bouche ...
et la lecture de vos billets Brigitte (votre modestie peut en souffrir !!) me donne cette douce impression
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